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DE MEDECINE,

DE CHIRURGIE ET DE PHARMACOLOGIE,

PUBLIÉ

Par la Société des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles,

SOUS LA DIRECTION D'UN COMITÉ

COMPOSÉ DE

MM. DIEUDONNÉ, D.-M., Rédacteur principal, Chevalier de l'Ordre de Léopold,
Président de la Société, Membre du Conseil central de salubrité publique et
du Conseil supérieur d'hygiène, Secrétaire de la Commission de statistique
du Brabant, Membre honoraire de l'Académie royale de médecine, etc.

CROCQ, D.-M., Professeur à l'Université de Bruxelles, etc.
LEROY, Pharmacien du Roi, Collaborateur au Journal de Chimie médicale, de
pharmacie et de toxicologie de Paris, Membre de la Commission médicale pro-
vinciale du Brabant, Correspondant de la Société des Pharmaciens du Nord de
l'Allemagne, de l'Académie royale de médecine de Belgique, etc.

RIEKEN, D.-M., Médecin de S. M. le Roi des Belges, Membre honoraire de
l'Académie royale de médecine de Belgique et de plusieurs Académies et
Sociétés savantes régnicoles et étrangères.

VAN DEN CORPUT, Docteur en médecine, en chirurgie et en accouchements,
pharmacien, Docteur en sciences, Secrétaire de la Société, Membre du Conseil
cent. de salubrité publique, Membre de plusieurs Acad. et Sociétés savantes.

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DE MÉDECINE.

(JANVIER 1862.)

1. MÉMOIRES ET OBSERVATIONS.

DU CROUP (Mémoire auquel la Société a décerné une médaille en vermeil au concours de 1860); par le docteur AUG. MILLET, membre correspondant, à Tours.

AVANT-PROPOS.

Dum vivit, sperare licet.
(PETRONII SATYRICON)

Le croup, cette affection si commune de nos jours, et si fréquente surtout dans le département d'Indre-et-Loire, mérite bien certainement de fixer l'attention des praticiens; et cependant beaucoup d'auteurs ont abordé cet épineux et intéressant sujet; des hommes éminents n'ont pas craint de descendre dans l'arène à une époque à jamais mémorable; ils ont apporté dans l'étude de cette fatale maladie, des lumières bien vives; néanmoins, il faut le dire, cette affection est encore aujourd'hui très-souvent méconnue, même par des praticiens de premier ordre, et nous pourrions citer, et nous citerons bon nombre d'observations recueillies par des médecins habiles, expérimentés, pour des cas de croup, et qui n'étaient autre chose que des pseudo-croups ou des angines striduleuses. Les recueils périodiques pullulent d'erreurs de ce genre, faites aussi bien en France qu'à l'étranger.

Nous croyons donc, même en venant, après tant de noms célèbres, faire chose utile, que de donner une description aussi exacte, aussi minutieuse que possible du croup, basée ou plutôt étayée sur quelques observations.

Dans le cours de ce travail, nous emploierons alternativement le mot croup ou le mot diphthérie laryngée. Ce mot diphthérie laryngée fait supposer de suite que la diphthérie peut siéger ailleurs que dans le larynx; c'est vrai, car on la rencontre tantôt dans le pharynx, tantôt dans les fosses nasales, tantôt à la vulve, tantôt sur la conjonctive, tantôt derrière les oreilles, tantôt sur la peau dépouillée de son épiderme, etc., etc. Nous nous contenterons de l'étudier ici dans les voies aériennes. On comprendra sans peine qu'un disciple de M. Bretonneau tienne un peu au mot diphthérie, et qu'en cela il adopte l'opinion de son maître qui, se trouvant dans l'impossibilité d'appliquer à une

maladie spéciale aussi tranchée, un seul des noms impropres qui ont été donnés à chacune de ses nuances, désigna cette affection autrefois sous le nom de Diphthérite, et actuellement sous celui de Diphtherie.

Chapitre premier. - Historique; - Synonymie; — Définition; — Nature; —
CHAPITRE PREMIER.
Fréquence.

HISTORIQUE. Le croup est-il une maladie nouvelle, ou bien les anciens l'ont-ils connu et décrit ? C'est encore là une question que l'on ne peut résoudre d'une manière affirmative sans assumer sur soi une lourde responsabilité.

En effet, si l'on en croit Michaelis, Portal, Valentin, etc., le croup serait une maladie nouvelle ignorée des Grecs et des Latins, tandis que beaucoup d'autres prétendent qu'elle a été non-seulement connue, mais encore décrite assez soigneusement par Hippocrate, Galien, Arétée, Cælius-Aurelianus, etc., etc.

Quoi qu'il en soit de ces opinions contradictoires, il n'en est pas moins mis hors de doute pour tout le monde que Baillou (1) décrivit, le premier, les principaux symptômes et les caractères anatomiques de la maladie. Baillou exerçait la médecine à Paris, il observa en 1576, pendant une épidémie de coqueluche qui sévissait assez cruellement, quatre enfants qui succombèrent et qui présentérent pendant leur maladie les symptômes suivants : quintes de toux considérables, voix glapissante, expulsion de matières pituiteuses concrétées. Un seul de ces enfants put être autopsié, et on rencontra dans la trachée-artère une pituite flexible et consistante qui en recouvrait l'intérieur à la manière d'une véritable membrane, de telle sorte que, s'opposant à l'entrée et à la sortie de l'air, elle dut amener la suffocation.

De 1576, époque à laquelle Baillou fit connaître cette maladie, jusqu'à l'épidémie de Crémone qui eut lieu en 1747 et 1748, et dont la relation fut traitée avec beaucoup d'habileté par Ghisi, il s'écoula un laps de temps considerable, pendant lequel on trouva chez quelques auteurs des observations assez incomplètes de croup. Les principaux de ces auteurs sont Fabrice de Hilden (2), Tulpius (3), Ettmuller (4), Struve (5), etc., etc.

Mais ce ne fut réellement que Martin Ghist (6) qui put être regardé, après Baillou toutefois, comme l'historien de cette terrible maladie. Il rapporta que plusieurs enfants étaient morts du deuxième au cinquième jour, après avoir rejeté des concrétions membraneuses ayant la forme des cavités aériennes, et il avait parfaitement distingué cette affection de l'angine tonsillaire.

Tout à fait à la même époque, 1748 et 1749, Starr étudiait à Liskeard (comté de Cornouailles), une scarlatine maligne accompagnée d'ulcères gangreneux de l'arrière-gorge, de production de fausses membranes dans la trachée, de gon

(1) BALLONIUS, Epid. Ephem. Lib. II, p. 197 et 201.

(2) OEuvres med. chir. Cent. III, obs. X.

(5) Obs. med. Lib. IV, p. 294. Amsterd., 1672.

(4) Oper. T. II. Franc., 1708.

(5) Act. nat. curios. T. 1, p. 432.

(6) Istoria delle anginc epidemiche degli anni 1747-1748. Cremone, 1749.

flement des amygdales, des parotides, des glandes sous-maxillaires et sublinguales, de pétéchies, etc., etc. Le mémoire de Starr renferme deux observations. Le sujet de la première présenta une angine gangréneuse et rendit plusieurs lambeaux membraneux; le second expectora un tube qui représentait le larynx, la trachée et les grandes divisions bronchiques. Starr en fit faire le dessin (1). Dans le laps de temps qui sépare les travaux de Ghisi et de Starr de ceux de François Home, Arnault de Nobleville fit, en 1747, deux autopsies à la Nouvelle-Orléans et trouva dans la trachée une concrétion cylindriforme.

Van Berghem (2) observa cette affection et la décrivit sous le nom de Maladie cruelle des enfants.

Wilcke (5) soutient en 1764, sous la présidence d'Auriville, une thèse spéciale sur le croup, et appela cette affection angine des enfants.

Marteau de Granvilliers (4) fut à mème d'observer à Aumale et dans les campagnes environnantes, une angine gangréneuse qui s'étendait dans les voies aériennes, et donnait lieu à une toux férine, sourde, rauque, quelquefois à de l'aphonie, et il se faisait une exfoliation ou dépouillement de la membrane interne de la trachée. Il recueillit un grand nombre de fausses membranes qu'il prit pour des escarres, et qui avaient la forme intérieure des voies aériennes.

En 1765, François Home (5) publia le premier traité ex professo sur le croup. Il rapporta dans son livre douze observations, où les principaux symptômes de cette maladie sont parfaitement indiqués : la toux et la voie croupales, les rémissions, la forme et les caractères de la fausse membrane, en un mot, tout ce qu'il y a de capital dans cette affection. La sagacité du médecin anglais n'a pu être mise en défaut, et tous les auteurs s'accordent à dire que son livre doit être regardé comme le commencement d'une ère nouvelle dans l'histoire du croup. C'est François Home qui donna à cette maladie le nom qu'elle porte encore aujourd'hui, et quoiqu'il soit impossible de ne pas reconnaître les services éminents rendus avant lui par Baillou et par Ghisi, il n'en est pas moins vrai que Home passe pour être le premier historien complet du croup.

A partir de ce moment, on vit apparaître une foule de publications plus ou moins remarquables sur cet intéressant sujet. Les noms à enregistrer seraient en très-grand nombre, et si notre intention était de donner à cet historique une étendue considérable, il nous faudrait alors citer et Wahlbom (6), et Halle(7) et Rush (8), etc., etc.

(1) In trans. phil. de Londres 1749, et Journal général. T. XXXVII, p. 309.

(2) De morbo truculento infantium. Norimb., 1761.

(5) De anginâ infantium recentioribus annis observata. Upsal, 1764.

(4) Description des maux de gorge épidémiques qui ont régné à Aumale et dans les envi rons. In-12, 1768.

(5) An inquiry into the nature, cause and cure of the croup. Edimb.

(6) In Forsaltning of provin. doctorernas Beruttelser Stoc., 1765.

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