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Leur entre

Theodoric Roy d'Italie, & qui fur quelques paroles de mépris qu'il prétendoit que le Roy des François avoit dites de fui, vouloit alors à toute force lui declarer la guerre, crût devoir dans les conjonctures prefentes tenir une conduite toute oppoféc. Le bonheur conftant de Clovis à qui tout réüffiffoit, la grandeur de fa puiffance au-delà & au deça du Rhín, tous fes Eftats unis les uns aux autres depuis que les peuples de l'extremité de la Gaule Belgique s'eftoient foumis à lui de leur plein gré, & que les Garnifons Romaines lui avoient remis le peu de places qui leur reftoient fur les Rivieres & fur la Mer ; les Troupcs nombreuses aguerries & accoutumées à vaincre qu'il lui voyoit, le Roy de Bourgogne tout recemment dompté & abattu pour la feconde fois; tout cela lui fit comprendre de quelle importance il lui eftoit de n'avoir pas un tel ennemi fur les bras, & de lui ofter tous les prétextes de l'attaquer.

Il fçavoit bien que Clovis n'en manquoit pas. Car fans parler des an/ciens differens, il y avoit des matieres de querelles plus recentes. Les eftroites liaisons qu'Alaric avoit entretenues avec le Roy des Bourguignons durant les dernieres guerres, & les François faits prifonniers à la prife de Vienne que ce Prince lui avoit envoyez comme à celui qui prenoit le plus de part à fa victoire, paroiffoient des fujets de rupture affez plaufibles Turon. 1.2.c. pour Clovis. C'eft pourquoi Alaric jugea à de fui envoyer des propos Ambaffadeurs pour s'affeurer de la difpofition de fon efprit, & lui fit même demander une entrevue pour s'expliquer plus nettement l'un à l'autre, & pour rétablir entre eux une parfaite intelligence. Clovis le vou

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Gregor.

lut bien. Ils fe rendirent tous deux au temps marqué fur les bords de la

Loire qui feparoit les deux Eftats, & les conferences fe tinrent dans une Ifle de cette Riviere proche d'Amboife. On en a fçu peu de particularitez; car celles que débitent nos Modernes fur l'autorité du Moine Roricon pour en embellir leurs Hiftoires, ces embufches dreffées à Clovis par Alaric au lieu de la conference ces fatisfactions ridicules propofées par Theodoric pour appaifer Clovis, ont un air de fables trop vifible, & font démenties par le témoignage exprès de l'Evêque de Tours,qui dit formellement que tout fe paffa en cette occafion avec une fatisfaction mutuelle: Qu'après que les Rois eurent conferé, ils mangerent enfem ble, & fe retirerent en fe promettant l'un à l'autre de vivre deformais en paix & en amitié. De maniere que s'il y eut de la perfidie & de la fourbe du cofté d'Alaric, ce ne fut que dans la fuite & par des menées fecretes, en fe liguant avec fon beau-pere Theodoric, & faifant fous main des préparatifs de guerre pour furprendre Clovis, tandis qu'il l'amufoit dis qu'il l'amufoit par les apparences

d'une fincere reconciliation. C'eft en effet ce que Clovis découvrit bientoft

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par le moyen de fon Ambaffa- c.25. deur nommé Paterne homme extrémement adroit & clair-voyant qu'il avoit laiffé auprès d'Alaric, & fur quoi il ne manqua pas avec fa ptitude ordinaire, de prévenir fon ennemi.

prom

Mais pour animer encore davantage fes Sujets à le feconder dans cette il voulut qu'ils la regardafguerre, fent comme une guerre de Religion, où ils alloient, leur difoit-il, détruire l'Herefie Arienne, & exterminer les ennemis de la Divinité de JESUSCHRIST. Ce beau motif qu'on cut grand foin de publier, cuft encore un autre effet, qui fut d'augmenter dans l'efprit d'Alaric la défiance qu'il avoit ren, 6.37.

Gregor.Tu

2.

Gregor. Tur. 4.6.25.

de fes Sujets Gaulois, & le penchant
que ceux-ci avoient pour le Roy des
François.

J'ai déja remarqué que les Gaulois des autres Royaumes autant charmez des grandes qualitez de Clovis & de fon attachement à la Religion Catholique, qu'ils avoient d'averfion pour l'Arianifme dont leurs Princes faifoient profeffion, fouhaitoient de tout leur cœur l'avoir pour Maiftre. C'eftoit dans le païs d'au-delà de la Loire une fuite de la cruelle perfecution qu'Evaric pere d'Alaric avoit faite autrefois aux Catholiques, & fur tout aux Ecclefiaftiques, dont il exila, emprifonna, & fit mourir un grand nombre; mais que cependant Alaric n'avoit pas continuće. Au contraire il paroift que fous fon regne les Catholiques avoient une entiere liberté de confcience, & qu'à l'exemple & apparemment par les confeils de Theodoric Roy d'Italie, il laiffoit affez en paix les Eglifes de fa Domination. Les peuples y avoient la permiffion de choisir leurs Pasteurs, & y furent toûjours gouvernez par des Catholiques.Alaric voulut même que ces Evêques l'aidaffent de leurs avis dans une nouvelle Edition qu'il fit faire du Code Theodofien, dans lequel il changea & expliqua 'quelques articles pour les accommoder aux manieres & au genie de fes Sujets. Et de plus fur la fin de fon regne, quelques mois avant que Clovis lui declaraft la guerre, il leur accorda la Pref. Conc. permiffion de s'affembler en Concile à Agde Ville & Evêché de la Province Narbonnoife, où ils firent quantité de très-beaux Reglemens touchant la Difcipline Ecclefiaftique, & fur tout pour la regularité des Preftres & des autres Clercs.

Agath,

Mais les défiances d'un peuple ne

fe diffipent pas aifément en matiere
de Religion, ou du moins elles re-
viennent bien-toft, pour peu qu'il
croye en avoir de nouveaux fujets;
& les habitans de Tours crurent en
avoir.

Gregor.Tu

La Ville de Tours eftoit une place des frontieres du Royaume d'Alaric; il n'y avoit que la Riviere de Loire qui la féparaft des Terres des François. Quelques années auparavant Volufien Evêque de cette Ville & homme de qualité du païs, avoit efté relegué à Touloufe où il eftoit mort: fon crime vrai ou prétendu eftoit, difoit-on, une intelligence avec les François. Tout recemment & depuis ron.l.2.6.264 que l'on recommençoit à parler de &1.10, guerre, Verus fucceffeur de Volufien avoit encore efté traité de même pour la même raifon, ou fous le même pretexte. Le peuple donc qui aimoit ces deux Saints Evêques reGregor. Tus gardoit leur exil comme un renou- ron.l.io, vellement de perfecution, & fe confirmoit par-là dans la haine de la Domination Gotique, & dans l'inclination qu'ils avoient pour la Francoife *. De forte que Clovis n'avoit que les Vifigots à vaincre, & eftoit déja feur du cœur des originaires du païs.

que

Il profita de ces difpofitions & de Clovis fait l'ardeur bâtir l'Eglife fes François & fes autres de Sainte GeSujets avoient fait paroiftre aux pre- nevieve, miers bruits de cette guerre. Il mit donc toute fon application à lui donner tout l'air d'une guerre fainte. La Reine Clotilde lui avoit propofé autrefois de baftir à Paris une Eglife à l'honneur des Apoftres faint Pierre & faint Paul: il ordonna que pour attirer fur lui & fur fon armée la protection de ces deux Saints, on commençaft inceffainment à la bastir; c'eft celle de fainte Genevieve d'au

* Multi jam tunc ex Gallis habere Erancos Dominos fummo defiderio cupiebant, Gregor. Turon. 1...

36.

jourd'hui.

c.7.

in vita S. Re

Gefta Reg. jourd'hui. Il voulut avant que de Franc. c. 7. partir, recevoir la benediction de Hincmarus faint Remy, qui lui fit efperer un migii. heureux fuccès de fon entreprise. Mais fur tout il fongea à fe rendre propice auprès de Dieu, le grand faint Martin de Tours dès-lors très honoré dans les Gaules, & faint Hilaire Evêque de Poitiers, qui avoit efté durant fa vie de tous les Evêques Gaulois le plus perfecuté par les Ariens, & celui qui les avoit combattus par tout avec le plus de conftance & de fuccès.

Pour cela, comme il devoit paffer avec fon armée fur les Terres dépendantes de l'Eglife de Tours, il fit défenfe en partant à tous fes Soldats fous peine de la vie de faire aucune violence en ces lieux-là à qui que ce fuft, & ordonna fous la même peine que dans le Territoire de l'Eglife de S. Martin, on ne prift rien fans payer, excepté l'eau & l'herbe pour les chevaux. Cet ordre fut gardé avec tant de feverité & de rigueur, qu'un Soldat ayant enlevé par force du foin à un païfan, fous pretexte que du foin, Gregor. Tu- difoit-il par une mauvaise plaifanterie, on.l.1.c.37. n'eftoit que de l'herbe, Clovis le fit punir de mort fur le champ ; & ce fut un exemple efficace pour toute l'armée, qui marcha fans commettre le moindre défordre.

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rien de plus heureux que ce qu'en÷ tendirent les Envoyez de Clovis. Le Chœur quand ils entrerent, chantoit à haute voix ce Verfet du Pfeaume dix-feptiéme. Vous m'avez donné des forces pour combattre, & vous avex mis fous mes pieds ceux qui s'élevent contre moy. Vous m'avez fait voir le dos de mes ennemis, & vous avez exterminé ceux qui me haïffoient. Auff-toft ils fe mirent à genoux pour rendre graces à Dieu d'un fi bon augure; & après avoir fait leurs offrandes au Tombeau du Saint, ils s'en retournerent pleins de joye & d'efperance rendre compte au Roy de ce qu'ils a

voient entendu.

Cependant Alaric campoit avec fon armée fous les murailles de Poitiers refolu d'y attendre le fecours que Theodoric lui envoyoit d'Italie par la Provence, & de ne point hazarder la bataille avec les François avant cette jonctoin. La même raifon obli- Procop. I. de bello geoit Clovis à faire diligence, & à tâcher par toutes fortes de moyens de combattre Alaric, avant qu'il eut toutes fes Troupes.

Pour aller à lui il falloit paffer la Vienne, Riviere affez grande qui fépare la Touraine du Poitou, & qui va fe jetter dans la Loire quelques lieuës au-deffus de Saumur.Le débordement fubit de cette Riviere retarda le paffage de l'armée Françoife, & embaraffoit Clovis: mais un bonheur que plufieurs prirent pour un miracle, & que tous regarderent comme une faveur particuliere de la divine Providence, le tira d'embarras.

Goth

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grand gué pour faire paffer fon armée; ce qu'il fit fans tarder, & marcha droit à Poitiers. Il y presenta la bataille à Alaric qui ne voulut point fortir de fes retranchemens. Clovis pour l'y obliger entra plus avant dans de païs, & y fit le degaft. La chofe lui réüffit; car les Vifigots de l'armée d'Alaric, fâchez de voir ainfi leurs Terres au pillage, commencerent à murmurer; à dire affez haut qu'il avoit peur des François ; que puifque le fecours de Theodoric tardoit fi long-temps, il falloit s'en paffer; Procop.l..de & qu'ils eftoient affez forts & affez braves pour attaquer l'ennemi & le

bello Goth.

Bataille de Youille,

Ifidor, hift. Goshor,

battre.

Ce n'eft pas là le premier exemple, où l'on a vu le Prince ou le General entraîné au combat par les Soldats, & hazarder tout faute d'avoir affez de fermeté pour foûtenir des murmures & des reproches de cette nature. Ils eftoient d'autant plus fenfibles à Alaric, qu'un regne aufli paifible que le fien ne lui avoit pas donné lieu d'acquerir la reputation de valeur. Le dépit lui fit donc faire une démarche que la prudence lui défendoit. Il dit à fes Vifigots qu'il alloit les mener à l'ennemi; qu'ils fe fouvinffent feulement de faire auffi-bien qu'ils le promettoient; que pour lui ils verroient qu'il feroit fon devoir; & qu'il n'avoit pas peur, Il marcha donc après Clovis, qui ayant efté informé de fa refolution, revint au devant de lui, & le rencontra dans la grande campagne de Vouillé, à quelques lieuës de Poitiers, où la vafte étendue du terrein fe trouva fort propre pour ranger aifément les deux armées.

Clovis avoit dans la fienne outre fes François, un Corps confiderable de Bourguignons, Gondebaud s'eftoit vraisemblablement fervi de cette conjonature pour rentrer par un traité Mans les Places que Clovis lui avoit

nico.

enlevées durant la derniere guerre, & par force dans celles que Theodoric avoit eues pour fa part en la même occafion; car il eft certain que Gondebaud fut toûjours depuis en Marius Avene poffeffion de tout fon Royaume de tic. in Chro Bourgogne, & que cet Eftat ne fut uni pour toûjours à celui des François que fous le regne des enfans de Clovis. Ce fut fans doute en vertu d'un tel traité, que ce Roy joignit fes forces aux François contre les Gots. Clovis avoit auffi reçû un bon nombre de Troupes de Sigebert Roy de Cologne, qui eftoient commandées par Clodoric fils de ce Roy. L'armée d'Alaric eftoit compofée de Vifigots qui en faifoient la plus grande partic, & de quelques Troupes Gauloifes, où fe trouvoient grand nombre de gens de qualité originaires du païs, fur tout beaucoup d'Auvergnacs, qui avoient à leur tefte Apollinaire fils de ce fameux Sidoine Apollinaire mort depuis quel ques années Evêque d'Auvergne après avoir efté Gendre de l'Empereur Avitus, Gouverneur de Rome, Patrice, un des plus beaux efprits, un des plus vertueux & des plus honneftes hommes de fon temps.

Gregor.Tur.

Les deux armées s'eftant avancées furent quelque temps en prefence fans en venir aux mains; mais après le fignal du combat, ces braves Vifigots qui avoient contraint leur Roy malgré lui à combattre, foutinrent à peine les premiers efforts de l'Armée Françoife, & ne furent pas longtemps fans lâcher le pied. Un inci- 1. 2. loc. cit. dent cependant fufpendit la déroute entiere pour quelques momens. Les deux Rois qui parcouroient les rangs pour animer leurs Soldats à bien faire, fe trouverent à la tefte des deux armées vis-à-vis l'un de l'autre & fe rcconnurent. Ils ne balancerent pas un moment & s'avancerent en piquant

Alaric eft tue par Clovis.

Ibid.

Ibid.

Deroute de l'armée d'A

Ibid.

tous deux feuls l'un contre l'autre au milieu du champ de bataille.

Tout s'arrefta des deux coftez dans l'attente de l'évenement d'un combat fingulier qui fembloit devoir décider du fort des deux Nations. Ils fe cho querent diverfes fois, & fe portcrent plufieurs coups qu'ils parerent avec leurs boucliers: mais enfin Clovis ou plus fort, ou plus adroit, ou plus heureux, defarçonna Alaric, le renverfa de deffus fon cheval, & lui porta à l'instant un coup, dont il expira fur le champ. Au moment de cette chûte qui caufa des mouvemens bien differens dans les deux armées, deux Cavaliers Vifigots fe détacherent & vinrent à toutes jambes fondre fur Clovis, qui avant que de pouvoir eftre fecouru des fiens, fût atteint de deux coups de lance que lui porterent ces deux Cavaliers l'un au cofté droit, l'autre au cofté gauche. La bonté de fes armes, la vigueur de fon cheval, & fa force à foûtenir un fi terrible affaut fans eftrc abbatu, lui fauverent la vie. Ayant piqué fon cheval, & s'eftant débarraflé il donna le loifir d'arriver à quelques-uns de fes gens qui tuerent les deux Vifigots.

Tout cela fut fait en fort peu de temps; & il n'en fallut pas davantage pour mettre entierement en déroute une armée qui avoit déja commencé à fuir. Les feuls Auvergnacs firent ferme. Ils furent tous taillez en pieces, & Apollinaire avec la plus grande partie de la Nobleffe qui l'avoit fuivi, perit fur le champ de bataille, tandis que les Troupes que Clovis avoit débandées après les fuyards, firent un terrible carnage des Vifigots.

Cette fameufe bataille fe donna An. 507, l'an de Nôtre-Seigneur cinq cent fept, la vingt-troifiéme année du regne d'Alaric, & la vingt-cinquiéme de celui de Clovis. On la peut regarder

prefque comme la derniere de la Domination des Vifigots dans les Gaules, d'autant qu'après cette défaite ils ne purent fauver qu'une petite partie de ce qu'ils y poffedoient. Car Clovis à qui les victoires ne furent jamais inutiles, ayant perdu fort peu de monde & tué beaucoup d'ennemis, fit un grand détachement de fon armée fous le commandement de Theodoric, ou Thierri fon fils aîné; & l'envoya porter la guerre dans tout le païs des Vi figots, qui eftoit entre la Dordogne, la Garonne & le Rhône.

Thierri fils de

Greg. Turen.

loc. cit

C'eft-là la premiere fois que l'Hif Conqueftes de toire fait mention de ce jeune Heros, qui fuivant les traces de fon pere, fe fignala par la conquefte des païs d'Alby, de Rouergue, de l'Auvergne, & generalement de toutes les Places que les Vifigots poffedoient de ce cofté-là, jufqu'aux frontieres du Royaume de Bourgogne. Il mit encore le fiege devant Carcaffonne Ville du Languedoc, & forte en ce tempsHà. Mais Theodoric Roy d'Italie eftant venu en perfonne au fecours de la place avec une armée toute fraîche, & beaucoup plus nombreufe que celle de Thierri, ce Prince fut obligé de lever le fiege. C'eft de l'Hiftorien Procop.l.1.de Procope que nous apprenons ce fiege, bello Gothe & le fuccès qu'il eut; mais il fe trom- c.12. pe groffierement, lorfqu'il dit que ce fut auprès de cette Ville qu'Alaric fut battu & tué par les François. Gregoire de Tours prefque auffi proche de ce temps-là que Procope, & voifin de Poitiers & des campagnes de Voüillé, où il écrit qu'Alaric fut défait, n'a pu fe méprendre fur cer article, & a efté fuivi de tous les Hiftoriens.

Pendant cette expedition du jeune clovis ferend Thierri, Clovis de fon cofté parcou- mare de roit en Conquerant, & foumit à fon hours Pro obéiffance prefque fans tirer l'épée la Lords Touraine, le Poitou, le Limoufin,

vinces de

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