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espéroit n'être pas encore longtemps obligé de dissimuler; que c'étoit un personnage qu'il soutenoit mal, et auquel il n'étoit point propre. J'ai su depuis cela, qu'il avoit parlé avec beaucoup de ressentiment de ce qu'on n'avoit pas prévenu en Hollande ce que les exilés d'Angleterre pouvoient ménager pour l'exécution de leurs (manœuvres) mauvais desseins. Il a même dit tout haut au Conseil, que si ceux qui y étoit obligés, avoient fait leur devoir du temps du feu Roy et du sien, à l'égard des factieux retirés en Hollande, on ne seroit pas en peine présentement de délibérer des moyens de s'opposer aux efforts qu'ils font pour exciter des troubles. Cela ne se peut entendre que de. M. le Prince d'Orange.

Les Ambassadeurs d'Hollande paroîssent embarrassés de cette nouvelle. Ils disent que l'on a fait toutes les diligences possibles pour arrêter les vaisseaux, dès que Mrs. les Etats ont été avertis par M. Skelton, mais que leur gouvernement est assujéti à des formes par-dessus les quelles on ne peut passer.

Le Roy d'Angleterre parla tout haut, il y deux jours, à M. Ziters sur l'affaire de Bantam d'une manière assez forte, et lui fit entendre que toutes les nations de l'Europe, et principalement les Anglois, avoient un grand intérêt que les Hollandois ne fussent pas maîtres tout seuls du commerce du poivre, et des autres épiceries. M. Ziters dit que ce commerce leur coûtoit si cher, qu'on ne devoit pas le leur envier; que même ils avoient offert aux marchands Anglois qui sont dans les Indes, de partager avec eux la moitié des épiceries qu'ils apporteroient en Europe.

Le Roy d'Angleterre répondit qu'il n'étoit pas juste que ce fut eux qui en fissent la distribution et la part aux autres ; que le commerce devoit être libre, et qu'en étant les maîtres, ils mettroient le prix qu'ils voudroient aux marchandises. Le Roy d'Angleterre ajouta, en se tournant vers moi; "On sait bien en France ce qui en est, et aussi en Dannemark, car on fait la même chose à leur égard."

Ce discours fait en public a redoublé l'inquiétude des Ambassadeurs d'Hollande sur l'affaire de Bantam ; mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de reflexion à faire sur ce qui se dit publiquement. C'est plutôt, à ce que j'en puis juger, dans le dessein de porter les Commissaires à faire des offres qui puissent contenter la Compagnie de Londres.

Sa Majesté Britannique croit que le Comte d'Argile est dans les montagnes d'Ecosse. Elle m'a dit qu'elle y fera marcher des troupes reglées, et que cependant les ordres étoient envoyés pour donner pouvoir aux familles ennemies du Comte d'Argile et des Cambels de s'armer et de leur courir sus. Milord Dombarton part aujourdhui pour commander les troupes en Ecosse, et les conduire où l'on verra que les factieux voudront faire leurs premiers efforts.

Le Colonel Talbot part aussi pour l'Irlande: on a changé quantité d'officiers dans les troupes qui y sont: on y doit encore faire des changéments qui y sont nécessaires. On attend ici avec impatience de savoir où les trois vaisseaux chargés d'armes et de munitions seront abordés: ils sont sortis du Texel il y a dix jours. Le Roy d'Angleterre m'a dit qu'il y avoit des hommes dessus, et quelques officiers de ceux qui ont été cassés en Hollande. On ne sait point avec certitude si M. le Duc de Monmouth est sur un de ces vaisseaux: il a été depuis peu à Roterdam. On ne doute pas que cette entreprise d'envoyer des vaisseaux ne soit fondée sur un concert secret avec les factieux du pays où ils doivent aborder, et qu'il n'y ait des mesures prises pour prendre les armes aussitôt après. Le péril est que leurs troupes ne grossissent, et que les mécontents, qui sont en grand nombre dans le Nord de l'Irlande, ne s'assemblent, et ne forment un corps assez considérable pour tenir la campagne, et résister aux troupes réglées qu'on enverra contre eux, à qui même il n'est pas sûr qu'on se puisse fier entierment. Tout cela fait beaucoup parler à Londres, et arrive dans le temps que le Parlement va s'assembler. Le moindre inconvénient qui en peut résulter est de rendre le Parlement plus difficile qu'il n'auroit été si tout avoit été calme.

Il a été publié ici un écrit, sous le nom du Duc de Buckingham, en faveur de la liberté de conscience pour tous les Nonconformistes. Le Roy d'Angleterre n'a pu s'empêcher de louer d'abord cet écrit ; il n'en a parlé depuis que comme d'une chose qui ne mérite aucune réflexion. Mais les Episcopaux n'ont pas laissé d'en être alarmés, et de trouver fort à redire à cet écrit. J'en envoye une traduction dont V. M. pourra se faire rendre compte: c'est la matière la plus importante qui puisse être agitée à l'égard du dedans de l'Angleterre.

Le parti des évêques étoit regardé, du temps du feu Roy d'Angleterre, comme le soutien de la Royauté, et les Presbiteriens, aussi bien que les autres sectaires, maintenoient la religion Protestante, et s'opposoient fortement à ce qui s'appelle l'accroissement du Papisme. Mais l'état des affaires de la religion est bien changé en Angleterre, depuis que le Roy fait une profession ouverte de la religion Catholique. Tous les Nonconformistes se trouvent dans le même état que les Catholiques: les loix sont également établies contre les uns et les autres: il n'y a plus que l'Eglise Anglicane qui soit la religion de l'état, et qui puisse s'opposer à toutes les autres sectes; c'est ce qui la fait regarder comme l'unique soutien de la religion Protestante en général, n'y ayant point d'autre moyen de s'opposer à l'aggrandissement de la religion dont le Roy fait profession, qu'en se tenant exactement dans l'exécution des loix pénales. On voit bien cependant qu'il est impraticable de poursuivre et de punir ceux qui ont la même religion que le Roy régnant; et il semble même que les loix faites contre les Catholiques tombent d'elles-mêmes, et soient, en quelque sorte, anéanties, quand celui au nom duquel on les poursuit, et au profit de qui les condamnations et les amendes sont appliquées, est lui-même de la religion pour laquelle on prétend les devoir punir.

Il y a un autre grand embarras présentement dans tous les serments qui se prêtent par tous les Protestants: ils jurent de ne reconnoître autre chef de l'Eglise Anglicane que le Roy d'Angleterre; cependant, il est de notorieté que lui-même reconnoît un autre chef de l'église, et ne croit point l'être. Cela forme des contradictions difficiles à concilier: le moindre relâchement des loix pénales sera regardé par les Protestans zélés comme un chemin à établir entièrement la religion Catholique. La raison essentielle de cela est que la religion Catholique étoit la religion de l'état, et établie par les loix sous le règne de la Reine Marie. Les loix faites sous le règne de la Reine Elizabeth contre les Catholiques ont établi la religion Anglicane. Si on abolit ces loix, ou qu'on les suspende, l'ancienne religion redevient la religion de l'état, et reprend ses premiers droits, et sa première force, qui l'autorise même à poursuivre les autres sectes, comme on a fait du temps de la Reine Marie. Tout cela fera la matière des délibérations du Parlement, à moins que l'affaire des revenus ne soit d'abord

achevée, et que le Roy d'Angleterre ne se résolve à casser ou à proroger le Parlement aussitôt après, et à prendre de lui-même les résolutions qu'il croira convenables.

Le procès a été fait au Sieur Oates, dont les dépositions ont servi de fondement à la prétendue conspiration des Catholiques: il a été trouvé coupable de parjure, et on a prouvé qu'il étoit à St. Omer lorsqu'il a déposé avoir été présent à une assemblée de Jesuites à Londres. Il s'est défendu avec beaucoup d'audace et d'impudence; il a dit que trois Parlements avoient aprouvé ses dépositions, et l'avoient cru; que présentement il souffre pour la religion Protestante. Quand il sortit de Westminster, Milord Louvelez, qui est signalé entre les factieux, l'embrassa, et lui fit un compliment sur sa fermeté. La peine établie par les loix contre le parjure est d'être mis au pilori, et d'avoir le bout de l'oreille coupé : le jugement sera exécuté, et ensuite Oates sera remis en prison, où il sera retenu longtemps, étant condamné à de grandes sommes pour des discours scandaleux tenus contre M. le Duc d'York. On ne peut par les loix l'inquiéter ni le poursuivre pour les faussetés inventées par lui contre la Reine Douairière d'Angleterre, et les Pairs Catholiques, n'y ayant point de peines établies contre la calomnie. Quelques uns croyent qu'on auroit mieux fait de ne point achever présentement le procès d'Oates, et qu'il auroit été aussi à-propos de ne le pas poursuivre, puisque la condamnation ne va qu'au pilori, qui n'est pas une peine proportionnée à ses crimes.

Je suis, avec le profond respect que je dois, &c.

Le Roi à M. Barillon.

25 May, 1685, à Versailles.

MONSIEUR BARILLON, j'ai reçu votre lettre du 24 May, par la voie ordinaire, et celle du 21 May par le retour du courier que je vous avois dépêché. Je ne doute pas que vous ne vous serviez utilement de la fausseté qui paroît dans les prétendues lettres des Ambassadeurs d'Hollande au Pensionnaire Fagel pour faire connoître au Roy d'Angle

terre et à ses Ministres, que le Prince d'Orange ne recherche que l'apparence d'une bonne intelligence avec le dit Roy, pour augmenter par là son crédit dans les Provinces Unies, mais qu'au fonds il veut toujours entretenir une secrete correspondence avec les mécontents d'Angleterre, et rien n'en peut mieux persuader la Cour où vous êtes, que la connivence du dit Prince à l'armement qui a été fait en Hollande de trois vaisseaux pour porter les chefs des dit mécontents, et autant d'armes et de munitions de guerre qu'ils en peuvent avoir besoin pour exciter des sédi tions et armer les rébelles, soit en Angleterre, en Ecosse, ou en Irlande. Ainsi vous avez raison de ne pas croire que l'Envoyé d'Angleterre soit chargé de la part du Roy son maître de me parler en faveur du Prince d'Orange; et il a seulement dit à Croissy que le dit Roy s'étoit expliqué qu'il ne pouvoit pas avoir d'étroite liaison avec ce Prince, tant qu'il ne seroit pas bien avec moi.

Je suis, cependant, bien aise d'apprendre que le Roy d'Angleterre n'ait aucun sujet d'appréhender le passage du Duc de Monmouth, du Comte d'Argile, et du Sieur Gray, ni tous les efforts que tous les mécontents pouvoient faire pendant l'assemblée du Parlement; et je m'assure néanmoins qu'il prendra toutes les précautions nécessaires, pour se garantir de leurs mauvais desseins.

Je ne vois pas aussi qu'il entre dans la proposition qu'on lui veut faire de chasser du Parlement tous ceux qui ont été d'avis, dans les assemblées précédentes, de l'exclure de la succession; et comme le nombre en est grand, et que l'intérêt qu'ils auront à effacer cette tache par des services considérables, les portera, selon toutes les apparences, à le servir plus utilement que ne pourroient faire ceux qui ont toujours été les plus attachés à sa personne; il est de sa prudence' et d'une juste et éclairée politique de faire connoître qu'il n'a aucun ressentiment de ce qui s'est fait contre lui avant qu'il soit parvenu à la couronne, et de reserver seulement à faire dans la suite du temps, la distinction de ceux qui le serviront bien d'avec ceux qui feront voir par leur conduite qu'ils n'ont agi que par un pur esprit de cabale.

Votre dernière me fait voir qu'il y a plus de disposition qu'on n'en croyoit à quelques mouvements tant en Ecosse qu'en Irlande, et sur ce fondement

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