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que je puis être assuré, qu'il ne fera rien, qui ne soit entièrement conforme à ses obligations; qu'il espère aussi, que V. M. aura assez de confiance en lui pour ne pas désapprouver ce qu'il sera obligé de faire pour affermir son autorité, et pour le bien de ses affaires; qu'il connoit son véritable intérêt, et que rien au monde ne le fera départir de l'attachement qu'il aura, toute sa vie, aux intérêts de V. M.

J'ai dit à ce Prince, qu'il étoit vrai que V. M. n'estime pas qu'il soit convenable que M. le Prince d'Orange vienne en Angleterre dans la conjoncture présente; qu'on peut juger assez par sa conduite passée, qu'il n'a point d'autres règles que celles de son ambition, qui va jusqu'à l'excès, et qui lui a fait commettre de grandes fautes; qu'étant héritier présomptif de la couronne, les peuples auront les yeux sur lui, et le favoriseront à cause de la religion; que cela peut mettre en grand péril sa personne et son état; et qu'il ne paroit aucune bonne raison de s'exposer, sans nécessité, à un danger qui ne paroit pas médiocre; qu'il importe, à la vérité, de témoigner, dans ces commencements beaucoup de fermeté, et de rien appréhender sans fondement, mais qu'il importe encore plus de prendre toutes ses sûretés, et de ne pas exposer légèrement un aussi grand établissement, que celui dont il se voit en possession paisible : que V. M. considère principalement, ce qui importe à la sûreté de la personne de sa Majesté Britannique, et de son état ; qu'elle croit aussi qu'il lui est de grande conséquence, dans ces commencements, de ne rien faire, qui puisse être opposé aux liaisons qu'il veut conserver, et qu'il croit lui être avantageuses; qu'on ne sauroit douter que l'unique but de M. le Prince d'Orange ne soit d'affoiblir ces liaisons, et de les ruiner tout-à-fait s'il en pouvoit venir à bout; et que sa Majesté Britannique ne peut trop tôt, et trop fortement, ôter à ses ennemis toute espérance de s'ébranler, et de lui faire changer de mesures.

J'ai cru, Sire, devoir parler fortement sur cette matière; car, comme j'ai eu l'honneur de vous le mander, le Roi d'Angleterre ne seroit pas fâché de voir M. le Prince d'Orange humilié et soumis. Je ne perdrai aucune occasion de lui représenter, que la soumission, et le respect de M. le Prince d'Orange, ne seront pas sincères, et qu'il n'en témoignera qu'autant qu'il y sera forcé par la nécessité. Tout ce que j'apprens jusqu'à-présent me fait

croire, que M. le Prince d'Orange ne songe pas lui-même encore à venir, et qu'il a pris la résolution de conformer sa conduite, au moins en apparence, à ce que le Roi d'Angleterre pourroit désirer.

Sa Majesté Britannique me dit hier que M. le Duc de Monmouth avoit été trouver Madame la Princesse d'Orange, et lui avoit fait des protestations d'une fidelité et d'une soumission entière, la suppliant instamment de vouloir l'assurer qu'il n'auroit point à l'avenir de sujet plus zélé, et plus attaché à son service. J'ai dit à ce Prince, que cela ne pourroit être regardé que comme un artifice, ou un effet de la pure nécessité où M. le Duc de Monmouth se trouve, de parler de cette manière, ou de venir lui disputer la couronne, ce qu'il n'est pas en état de faire; que le concert de M. le Prince d'Orange, et de M. le Duc de Monmouth, lui doit être fort suspect; que cependant, je vois avec beaucoup de joie, que ses ennemis sont forcés à se soumettre, et que V. M. apprendra avec plaisir combien son autorité se fortifie au-dedans et au-dehors.

Je pris de là occasion de parler à sa Majesté Britannique des nouvelles de Hollande. Je lui donnai à lire une copie de la lettre de M. d'Avaux du 20°.; ce Prince me dit, qu'il savoit les mêmes choses à-peu-près par Chidley; qu'il voyoit le soin qu'on a pris de publier beaucoup de faussetés touchant une lettre qu'on suppose qu'il a écrite à M. le Prince d'Orange; qu'il me diroit à moi la pure verité; que le jour de la mort du Roi son frère, l'ordinaire pour Hollande partoit, qu'il avoit cru en devoir donner part à sa fille, sans envoyer d'exprès, et qu'il avoit aussi estimé, que c'auroit été trop d'affectation de ne rien mander du tout à M. le Prince d'Orange, qu'il lui avoit écrit deux lignes de sa main, pour lui donner simplement part de la nouvelle, sans y ajouter aucun autre témoignage, n'y d'amitié, n'y de bienveillance; qu'il voyoit pourtant bien l'usage qu'on faisoit de ce billet, supposant que c'étoit une lettre remplie d'amitié et de tendresse ; qu'il en seroit d'avantage sur ces gardes à l'avenir pour ne rien faire qui put être interprété contre ses intentions.

Le Duc d'Ormond doit revenir ici au mois de Mars, conformement à ce qui avoit été résolu par le feu Roi d'Angleterre. On ne nomme point encore qui sera Gouverneur d'Irlande. Le Primat, le Chancélier, et Milord Grenart, qui commande les troupes, auront l'administration et le

gouvernement jusque à ce qu'il y ait été pourvu, ainsi qu'il a été pratiqué en diverses rencontres.

Le Marquis de Grave a écrit au Roi d'Angleterre une lettre en termes fort respectueux, et fort passionnés pour son service. Il y mêle une congratulation sur l'assemblée d'un Parlement, et sur le sujet de M. le Prince d'Orange; ce qui a été regardé de sa Majesté Britannique comme une marque de l'intention qu'ont les Espagnols de diriger tous leurs efforts ici par les Parlements, et sur la diminution de l'autorité royale.

J'arrive de Whitehall: le Roi d'Angleterre m'a mené ce soir dans son cabinet, et m'a dit que le Sieur Overkerque lui avoit fait demander une audience particulière un peu avant son souper; que l'aiant admis, il lui avoit dit, que M. le Prince d'Orange non seulement se repentoit de sa conduite auprès du feu Roi d'Angleterre, mais qu'il reconnoissoit de bonne foi les fautes qu'il avoit commises envers sa Majesté Britannique à present régnante; qu'il fera toute ce qui sera en son pouvoir pour les réparer, et pour mériter ses bonnes graces par une soumission entière à ses volontés, et un attachement sincère à ses intérêts; et qu'il suivroit ponctuellement ce qui lui seroit prescrit. Le Roi d'Angleterre m'a dit, que sa réponse avoit été, qu'il verroit toujours avec plaisir M. le Prince d'Orange dans son devoir, et témoigner un véritable repentir du passé, mais qu'il ne pouvoit admettre ses soumissions, ni croire les protestations qu'on lui feroit de sa part sincères, si sa soumission n'étoit entière, et sans exception; que le feu Roi d'Angleterre et lui, avoient établi une liaison avec votre Majesté, à la quelle M. le Prince d'Orange avoit toujours été opposé, et que s'il vouloit changer de sentimens a l'égard du dedans de l'Angleterre, il falloit le faire aussi à l'égard de votre Majesté, et tenir une conduite différente de celle qu'il a tenue depuis longtems à son égard; que ce premier pas étoit d'une absolue nécessité, afin qu'il put ajouter quelque foi à ce qui lui seroit dit de la part de M. le Prince d'Orange.

Le Sieur Overkerque n'a rien témoigné à ce discours qu'il n'attendoit peut-être pas. Sa Majesté Britannique m'a dit, que je devois dès aujourdhui rendre compte à V. M. de ce qui s'est passé à cet égard, et l'assurer, qu'il ne sera fait aucune demarche que de concert avec moi, et selon que V. M. le jugera le plus à-propos ; que la déclaration qu'il a faite à Overkerque fera

f

comprendre à M. le Prince d'Orange, quel chemin il doit tenir pour se raccommoder avec lui. J'ai dit à sa Majesté Britannique, que je rendrois compte dès aujourdhui à V. M. du discours de M. Overkerque ; que je prendrois cependant la liberté de lui représenter, sans avoir eu le temps d'y songer, qu'une chose de telle conséquence auroit du être confiée à un homme plus mur et de plus de poids, que M. Overkerque; que peut-être on lui avoit donné conseil d'aller plus avant que M. le Prince d'Orange ne lui avoit prescrit; que cette soumission entière, et cette offre si grande, auroit du être exprimée dans la lettre de M. le Prince d'Orange; que je croyois qu'il seroit sur ses gardes, et ne se laisseroit pas surprendre par des paroles de compliment qui ne sont que dans la bouche d'un envoyé de M. le Prince d'Orange. Sa Majesté Britannique m'a dit, Ne croyez pas que je me laisse tromper n'y amuser. Vous voyez que j'ai voulu d'abord parler nettement, et ôter toute espérance au Prince d'Orange que je voulusse seulement l'admettre à sa justification qu'il n'ait entièrement changé de sentiments et de conduite à l'égard du Roi votre maître.

Je serai appliqué, comme je le dois, à pénétrer ce qui se passera, pour en informer V. M. J'en connois la conséquence. Je suis, &c.

M. Barillon au Roy.

J'AI

5 Mars, 1685.

'AI reçu la dépêche de votre Majesté du 26°. Fevrier par le retour du second courier que j'avois dépêché. J'ai rendu compte au Roi d'Angleterre de ce que V. M. m'ordonne de lui dire sur l'assemblée du parlement, et sur la confiance que V. M. a, qu'il ne se laissera jamais engager à rien qui le puisse détacher des liaisons qu'il a prises avec V. M. Ce Prince m'a témoigné apprendre avec beaucoup de joie, que le projet qu'il a fait d'assembler un parlement au mois de Mai est approuvé de V. M. et que les raisons qu'il a de le faire lui ont paru solides, et bien fondées. Il est certain, que cette déclaration a beaucoup servi à calmer d'abord les esprits. Le nom de parlement est tellement agréable aux Anglois, qu'il peut les empêcher de sentir aussi vivement qu'ils le feroient sans cela, le rétablissement de la messe dans Whitehall, et la profession que le Roi d'Angleterre

fait publiquement d'une religion, contre laquelle les loix ont établi des peines fort sévères. On ne sauroit douter que les esprits ne soient fort mécontents de cet exercice public que sa Majesté Britannique a établi sans balancer. Ils en conçoivent de grands soupçons pour l'avenir, et craignent que le dessein ne soit pris de ruiner la religion Protestante, et de ne souffrir que la Catholique. C'est un projet si difficile dans son exécution, pour ne pas dire impossible, que les gens sensés ne l'appréhendent pas; mais le peuple est susceptible de toutes sortes d'impressions, et on leur fait croire qu'ils verront la persécution contre les Protestants exercée avec autant de rigueur que du temps de la Reyne Marie, lorsque l'Angleterre étoit encore plus remplie de Catholiques que de Protestans.

Le Roi d'Angleterre et ses ministres font leur possible pour dissiper ces craintes, et pour convaincre tous les gens raisonables, que l'intention de sa Majesté Britannique est de gouverner selon les loix, et de ne rien entreprendre contre la sûreté de la religion Protestante, pourvu que le Parlement lui accorde le revenu qui est absolument nécessaire pour soutenir le gouvernement; on présuppose aussi que le Parlement consentira que toute persécution cesse contre les Catholiques, ensorte qu'ils puissent vivre en repos. Je suis informé, que ces questions commencent à être agitées, et l'on parle déjà de ce que le Parlement fera, quand il sera assemblé. On demeure presque d'accord de part et d'autre, que les loix pénales contre les Catholiques seront abolies, et que l'on ne poursuivra plus ceux qui se contenteront de l'exercice de la religion Catholique dans le dedans de leur maison; on ne fait pas même de doute que la séance du parlement ne soit rendue aux Seigneurs Catholiques.

La plus grande difficulté regarde les charges publiques de la milice et du gouvernement. C'est surquoi il y a de l'apparence que le parlement sera fort ferme. Car l'intérêt des principaux Protestans est, de ne pas laisser l'entrée libre dans les charges aux Catholiques, parcequ'ils croient que la plus part des charges seroient bientôt remplies par eux. On pourra bien trouver quelque tempérament à cet égard. On propose déjà, que les Catholiques puissent avoir quelques charges dans la Maison du Roi d'Angleterre, pourvu que ce ne soit pas des charges qui aient de la jurisdiction, ni du commandement.

Le point le plus important, et qui recevra le plus de difficulté, sera celui

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