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ment par d'autres membres, qui soutinrent que le véritable intérêt des Anglois est de vivre en repos et en tranquillité dans le dedans, avec la sureté de leurs loix et propriétés, aussi bien que de leur conscience dans l'exercice de leur religion, et que, quand cela sera, l'Angleterre aura assez de considération au-dehors. Cette délibération parut si opposée à ce que sa Majesté Britannique pouvoit désirer que l'on disoit déjà que le Parlement seroit prorogé ou cassé. Il s'étoit fait beaucoup de cabales la veille: les vieux Parlementaires qui ne sont pas du présent Parlement avoient instruit les nouveaux députés.

La Chambre se rassembla le 23; la chaleur fut encore plus grande, et le parti opposé à la Cour emporta de trois voix la question qui avoit été mise, si on délibéreroit sur le secours d'argent, ou si on considéreroit le Discours du Roy; ce dernier avis prévalut, parce que beaucoup de gens attachés ou dépendants de la Cour étoient absents, et il y en eut même qui en furent d'avis, entre autres, le Sieur Fox, qui est Commis au payement des troupes: son père est officier de la Maison, et avoit cet employ du payement des troupes, dans lequel il s'est enrichi. Un Lieutenant des Gardes à Cheval, nommé Darze, homme de qualité, fut aussi de l'avis opposé à la Cour: On parla encore avec beaucoup plus de chaleur que le jour précédent contre l'armée et les officiers Catholiques, et le sentiment presque unanime de la Chambre parut être de ne point donner d'argent pour faire subsister l'armée, et de ne pas souffrir qu'il y eut d'officiers Catholiques.

La Chambre se rassembla avant hier, 24 Novembre, et délibéra sur le Discours du Roy. On s'attendoit que la chaleur et l'emportement seroient encore plus grands que les jours précédents: mais la modération fut beaucoup plus grande qu'on ne l'avoit attendu: il n'y eut presque personne qui répétât rien de ce qui avoit été dit dans les jours précédents: mais le fonds de la délibération fut fort ferme, et la Chambre parut déterminée absolument à ne point permettre que le Roy se servit d'officiers Catho liques, puisque les loix y sont directement contraires. On proposa divers expédients pour accommoder cette difficulté; celui de souffrir que ceux qui sont établis, demeurent, et que le Roy promette de n'en plus ajouter d'autres, fut rejeté par la Chambre, et la conclusion fut de faire une adresse, pour supplier sa Majesté Britannique de rémédier aux soupçons

et à la jalousie que donnoit à la nation l'inexécution des loix. On attribue la modération qui a paru dans cette dernière délibération, à la crainte qu'on a eue de donner occasion à la cassation du Parlement. D'autres disent que c'est un conseil des vieux Parlementaires qui ont inspiré de la fermeté et de l'opiniâtreté pour le fonds, en témoignant de la modération au dehors. Il étoit hier dimanche. On délibère aujourdhui sur le fonds d'argent. Toute la question se termine à savoir si la Chambre des Communes accordera de l'argent, sans y mêler aucune condition, et si elle se contentera d'avoir témoigné combien la subsistance de l'armée, et l'emploi des Catholiques lui sont odieux, sans insister d'avantage sur une satisfaction préalable. En ce cas là le Roy d'Angleterre aura obtenu ce qu'il y a de plus essentiel; car le mécontentement général ne l'empêchera pas d'avoir ses troupes sur pied, et de quoi les payer. La délibération d'aujourdhui décidera de la durée de la séance du Parlement, car le Roy d'Angleterre paroît résolu de ne se relâcher en rien, et sa fermeté étonne ceux qui croyoient que ce qui s'est passé dans la Chambre des Communes, le feroit résoudre d'admettre quelques tempéraments, et de ne se pas opiniâtrer à emporter dans cette séance tout ce qu'il désire.

De tout ce que j'ai l'honneur de mander à V. M. elle voit que les affaires de ce pays sont fort changées depuis quelques jours: elles peuvent recevoir des adoucissements et des changements. Je sais que l'on emploie de l'argent pour remettre les gens les plus opposés à la Cour dans des sentiments plus modérés ; mais il n'est pas facile que le concert se rétablisse parfaitement, et qu'il ne reste pas de grandes défiances de part et d'autre.

Le parti opposé à la Cour est celui du Prince d'Orange, que beaucoup de gens favorisent secrètement. La division même est dans la Cour; c'est ce que j'expliquerai, autant que je le pourrai, à V. M. dans la suite de cette Lettre. Il me paroît, cependant, que je n'ai rien à faire en exécution des ordres portés par la dernière dépêche de V. M. que d'employer tous mes soins pour être bien informé, et pour lui rendre un compte exact de ce qui se passe.

J'ai conservé quelques liaisons avec des gens accrédités dans les précédents Parlements, et il ne seroit pas impossible d'augmenter, s'il étoit nécessaire les divisions qui semblent naître; il ne seroit pas inutile au service

de V. M. d'avoir toujours quelques gens dans sa dépendance; cela peut même, dans les occasions, être utile au Roy d'Angleterre, et au bien de la religion. Je ne vois rien qui presse présentement: il semble que les affaires prennent d'elle-même le chemin qui peut être le plus avantageux à V. M.; c'est au moins ce qui paroît aujourdhui. Il est cependant diffi cile de prévoir les révolutions et les changements inopinés qui arrivent en ce pays-ci, et V. M. voit bien que les affaires sont faites ou terminées avant que l'on ait le temps de recevoir de nouveaux ordres.

J'ai été informé des démarches de l'Ambassadeur d'Espagne, depuis le commencement de la séance du Parlement. J'ai été aussi averti que quelques jours auparavant, il avoit fort pressé le Roy d'Angleterre de renouveller le traité de 1680. La réponse de sa Majesté Britannique a été un délai plutôt qu'un refus absolu. Cette Ambassadeur a témoigné en être surpris, et le Roy d'Angleterre a bien jugé de ce que M. Ronquille a dit qu'il avoit donné des espérances à Madrid, que le traité se pouvoit renouveller. Je n'ai pas cru, pendant ces derniers jours, devoir parler au Roy d'Angleterre sur ce renouvellement du traité avec l'Espagne, sachant qu'il n'y avoit rien à craindre présentement, et trouvant plus convenable qu'il m'en parle le premier, ce que je crois qu'il fera, dès qu'il sera un peu moins accablé d'affaires.

L'Ambassadeur d'Espagne fondoit de grandes espérances sur l'assemblée du Parlement. J'ai été averti que ses partisans insinuoient une alliance avec les Etats Généraux et la Suède où l'Electeur de Brandebourg, pour tenir lieu de ce qu'étoit autrefois la triple ligue. Je sais même que l'on devoit joindre à ces projets d'alliances, des offres de sommes considérables pour y engager sa Majesté Britannique. Tout cela se trouve renversé, ou du moins éloigné par tout ce qui s'est passé jusques à aujourdhui.

J'ai eu encore une raison pour ne me pas hâter de parler du traité d'Espagne à sa Majesté Britannique, c'est d'éviter toute proposition de secours d'argent qu'on me pourroit faire, ce qui arriveroit plus aisément, si je témoignois appréhender le renouvellement d'une alliance avec l'Espagne, et que je parlasse pour l'empêcher. Ce n'est pas à moi d'en faire naître l'occasion. Je serai même fort retenu dans ce que je dirai au Roy d'Angleterre s'il casse le Parlement, et que toute espérance d'accommodement soit

rompue, afin que V. M. soit en pleine liberté de me prescrire ce que j'au rai à dire, et la conduite que je devrai tenir.

Après avoir rendu compte à V. M. des affaires du Parlement, je crois la devoir informer, autant que je le pourrai, de ce qui regarde le dedans de la Cour. Depuis que Milord Sunderland est rentré dans les affaires, il a pris beaucoup de soin de me donner des marques de son attachement aux intérêts de V. M.; je ne ferai mention que de ce qui s'est passé depuis la mort du feu Roy. Mais ce ministre a bien reconnu que le Grand Tréso rier avoit une liaison avec le Prince d'Orange, fondée sur des intérêts qui ne peuvent changer, et qu'ainsi son crédit s'affoibliroit insensiblement auprès du Roy d'Angleterre, ou qu'il seroit contraint d'agir contre ses sentiments et contre ses maximes, ce qui est fort difficile à faire long temps. Cela est arrivé, et Milord Sunderland est entré si avant dans la confidence de son maître, et a tellement soutenu les projets que ce Prince a en tète, qu'il paroît même aux moins pénétrants avoir la principale part du ministère. Les Catholiques sont ouvertement déclarés pour lui, et sont au contraire fort mécontents de Milord Rochester, qu'ils croyent trop zélé pour la religion Protestante, et opposé à tout ce qui est des avantages de la religion Catholique. Cela cause une grande division dans la Cour; et quoiqu'il y ait eu des éclaircissements, et des raccommodements entre ces deux ministres, on voit bien cependant que leur conduite et leurs intérêts sont fort différents. Leurs amis se partagent. Le Roy d'Angleterre voit tout cela, et sait ce qui se passe. Il se sert du Grand Trésorier dans la direction des finances; mais il ne lui laisse pas le pouvoir de disposer d'aucune somme considérable, et veut luimême entrer dans le détail, ce qui rend l'autorité et le crédit de Milord Rochester bien moindre. C'est de Milord Sunderland que je sais ce qúi s'est passé sur le renouvellement du traité avec l'Ambassadeur d'Espagne ; il m'a fort assuré que le Roy d'Angleterre n'avoit aucune envie présentement de renouveller ce traité, et que je serois averti aussitôt qu'il y verroit la moindre disposition.

Milord Sunderland m'a confié depuis peu des choses fort secrettes qui le regardent: il m'a dit que le Roy d'Angleterre a promis positivement de le faire Président du Conseil, après l'assemblée du Parlement. Cette dignité, ajoutée à la fonction de Secrétaire d'Etat, relèvera encore beaucoup l'opinion

S

de son crédit. Sa Majesté Britannique a été déterminée à lui promettre cette charge, par un Jésuite nommé le Père Piters, qui a beaucoup de part dans sa confiance; c'est un homme de condition, et frère de feu Milord Piters: il lui a représenté fortement combien il importoit d'accréditer et de récompenser un ministre qui le sert plus fidèlement et plus courageusement que les autres. Le Chancelier, qui est fort uni avec Milord Sunderland, et qui tient la même conduite, avoit pressé le Roy d'Angleterre de lui donner cette place de Président du Conseil. Lorsque Milord Halifax a été chassé, il n'avoit pu en venir à bout, parce que sa Majesté Britannique avoit déclaré à beaucoup de gens, que cette charge ne seroit donnée à personne.

Milord Sunderland m'a dit une autre chose de grande importance, et qui, si elle est vraie, et que le Roy d'Angleterre la sache, diminuera fort le crédit de Milord Rochester, c'est que lorsque M. de Sidney est allé en Hollande, Milord Rochester le pria de le voir le dernier, et un moment seulement avant que de s'embarquer avec Bentem; dans cette entrevue, Milord Rochester dit à M. Sidney, qu'il avoit un conseil a donner à M. le Prince d'Orange, qui étoit de venir en Angleterre, à quelque prix que ce fut, et même malgré le Roy d'Angleterre, et que c'étoit le seul et unique moyen de redresser les affaires, qui prennoient un mauvais chemin, auquel il seroit impossible dans la suite de rémédier. M. de Sidney s'est acquitté de sa commission, et dit que M. le Prince d'Orange a été ébranlé, mais qu'il n'a osé hazarder de venir. Il en a parlé a Bentem, à qui M. de Sidney n'en avoit rien dit, et qui auroit été assez d'avis que M. le Prince d'Orange passât en Angleterre. Je vois bien que le motif de M. de Sunderland, en me disant une chose si importante a été de m'oter toute srote de confiance à l'égard de Milord Rochester, et de me le faire regarder comme un homme entièrement opposé aux intérêts de V. M. et attaché à ceux du Prince d'Orange. J'ai peine à croire que ce fait soit inventé; je sais bien que Milord Sunderland peut, par M. Sidney, conserver des liaisons avec le Prince d'Orange, qui pourroient éclater en d'autres temps; mais en attendant, il tient une conduite entièrement favorable aux Catholiques, et qui éloigne le Roy son maître de tout autre attachement qu'aux intérêts de V. M.

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