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DEUXIÈME OBSERVATION.

Grossesse de neuf mois. Pro

lapsus de l'utérus. Gangrène partielle du col. Rétrécissement du bassin. Présentation du siége. Application du crochet mousse articulé. Enfant vivant. Femme guérie.

Le 7 mars 1868, Lambertine L..., 36 ans, négociante, née et domiciliée à Liège, rue Sur-le-Mont, se présente à la clinique des accouchements. L..., d'un tempérament scrofuleux, est arrivée au terme de sa deuxième grossesse.

Le premier accouchement, fait à l'hospice de la Maternité, a nécessité l'emploi du forceps.

La deuxième grossesse n'a rien présenté d'anormal jusqu'aux derniers jours. Tout au moins la femme ne se souvient d'aucun symptôme inquiétant, d'aucun accident survenu pendant l'époque de la gestation.

L'examen des parties génitales offre certaines particularités. Entre les grandes lèvres se trouve une, tumeur assez volumineuse, de couleur rose, ayant en bas un hiatus dans lequel le doigt peut facilement s'engager. Cette tumeur a un volume qu'on peut estimer à celui de deux poings. L'index, introduit, sur les côtés de la tumeur, pénètre à une grande profondeur avant d'atteindre les culs-de-sac utéro-vaginaux.

L'exploration ne cause aucune douleur ; l'orifice interne du col est légèrement dilaté; les membranes peuvent être touchées.

Cette tumeur est donc formée par le col œdématié. Ça et là apparaissent quelques plaques de gangrène superficielle.

Sans trop espérer que la tumeur disparaîtra comme elle est apparue, nous prescrivons cependant le décubitus dorsal, le siége élevé et des compresses de vin aromatique.

Le 8 mars, nous constatons une augmentation dans le

volume de la tumeur, les plaques gangréneuses sont agrandies et plus profondes. L'index pénètre toujours à une grande profondeur entre la tumeur et les parois vaginales. La femme ressent quelques douleurs de reins. Le traitement est continué.

Le 9 mars. La tumeur a augmenté de volume, la gangrène a fait de nouveaux progrès en étendue et en profondeur. Les plaques gangréneuses de jaune foncé qu'elles étaient sont devenues brunâtres. Le vagin est maintenant manifestement renversé le doigt indicateur qui explore les culs-de-sac ne pénètre plus qu'à 3 centim. environ, les douleurs sont moins intenses, l'état général est satisfaisant.

En présence de cette marche continue de l'inversion, l'inaction n'était plus possible, la tumeur devait être réduite. Sans prétendre au succès complet, sans même oser l'espérer, nous essayons toutefois de mettre les parties dans l'état où nous les avions trouvées.

A cet effet, la femme est placée sur le dos, en travers sur le bord du lit, le coccyx portant à faux; les jambes fléchies sur les cuisses, celles-ci sur le bassin, sont maintenues par deux aides.

Puisque, dans notre opinion, c'est au col prolapsé que nous avons affaire, nous cherchons naturellement à rentrer d'abord les parties sorties les dernières, ce qui s'opère sans grande difficulté. Nous continuons l'opération et bientôt nous réduisons la tumeur entière.

Elle occupe alors toute l'excavation; le museau de tanche repose sur le plancher périnéal; le pourtour du col touche de toutes parts aux parois du bassin. Nous appliquons des compresses sur la vulve et nous les maintenons par un bandageen T. Nous ordonnons de faire des injections aromatiques lorsque la tuméfaction du col aura diminué.

10 mars. La réduction de la tumeur s'est maintenue, la femme n'éprouve plus de douleurs, l'état général est excellent, le col est considérablement réduit.

On continue les injections et on donne à la femme la portion entière et du vin.

Les jours suivants l'amélioration continue.

Le 15, le col ne présente plus que des dimensions un peu plus considérables qu'à l'état normal, des douleurs. résultant de la contraction de l'organe se déclarent, l'orifice interne s'entr'ouvre.

Le 16, le travail continue, le col s'efface.

Le 17, nous trouvons le col dilaté, épais, toutefois, et beaucoup plus tuméfié qu'il ne l'est normalement, les douleurs sont vives et fréquentes. Les caux amniotiques se sont écoulées la nuit et du méconium s'échappe fréquemment des parties.

Le toucher, le palper et l'auscultation nous font reconnaitre une présentation du siége en position sacro-iliaque gauche, variété antérieure.

Dans l'examen du bassin, nous trouvons un rétrécissement marqué; les lignes sacro-cotyloïdiennes n'offrent qu'une étendue de 6 1/2 à 7 centimètres.

Le fœtus est vivant; rien n'indique l'intervention active du chirurgien, cependant le travail marche lentement, l'auscultation renseigne bientôt un état de souffrance du produit de la conception. Les fesses sont engagées dans le détroit supérieur, on ne peut plus les refouler.

Dans cette occasion, nous nous décidons à faire usage de notre crochet mousse articulé.

Nous conduisons le crochet non fléchi entre le scrotum et la cuisse gauche du fœtus sur quatre doigts de la main gauche préalablement introduits dans les parties maternelles.

Le valet à patin qui se trouve du côté de sa flexion est tourné vers le pubis. Nous abaissons le valet à patin en regard de la première division et nous faisons tourner par un aide l'écrou à ailes qui termine le manche. Cette manœuvre entraîne la flexion de la première phalange; en exécutant quelques légers mouvements de latéralité, l'instrument se place de lui-même entre l'abdomen et la cuisse relevée. Nous procédons de mème pour fléchir la seconde phalange; la flexion opérée, nous remontons légèrement le crochet, auquel nous imprimons de nouveau quelques mouvements de latéralité et nous fléchissons la troisième phalange. Cette manœuvre se fait aussi rapidement que facilement. Deux doigts de la main gauche portés en avant vont reconnaître l'extrémité du crochet qui se trouve exactement appliqué sur le pli de l'aîne gauche du fœtus.

Nous tirons sur le crochet dans le sens de l'axe du détroit supérieur; les tractions doivent être assez énergiques pour amener le siége dans l'excavation, dès lors l'extraction marche rapidement, et nous amenons un enfant du sexe masculin, pesant 2850 gr., dans un état de mort apparente, dont il sort bientôt sous l'influence de soins convenablement dirigés. La délivrance se fait naturellement peu de temps après. Les suites des couches sont excellentes et L... sort le 25 mars de l'hospice.

Dès l'entrée de la femme L... dans notre service, alors que le col scul se montrait à la vulve et que le vagin conservait sa longueur normale, nous supposions avoir affaire à un engorgement hypertrophique du col. L'idée de la possibilité d'une réduction ne nous étant pas venue, nous nous étions borné à maintenir la femme dans le décubitus dorsal, le bassin élevé.

Postérieurement, l'augmentation du volume de la

tumeur, la descente continue du col et le renversement du vagin ne nous laissèrent plus de doute que nous avions affaire à un prolapsus de l'utérus, ou, suivant Cruveilhier, à une invagination du vagin avec rainure circulaire, puisque c'est la partie supérieure du vagin qui, dans le cas présent, s'est montrée d'abord au dehors.

Le prolapsus de l'utérus, assez commun en dehors de la grossesse chez des femmes accouchées et plus rare chez les femmes enceintes de deux à trois mois, est une affection exceptionnelle à une époque aussi avancée de la grossesse. Aussi avons-nous cru devoir publier ce cas, d'autant plus intéressant qu'il présente des conditions tout à fait anormales.

Il s'est produit pendant le neuvième mois, chez une femme portant un rétrécissement notable du détroit supérieur, n'ayant jamais présenté dans l'état de vacuité aucun symptôme annonçant la descente de l'utérus, le relâchement des organes de suspension et de soutien de cet organe, n'ayant fait aucune espèce d'effort ou de chute, c'est-à-dire n'ayant offert aucune cause occasionnelle appréciable.

L'observation qui précède est également intéressante sous les rapports suivants :

1° La facilité de la réduction d'une tumeur aussi volumineuse, réduction qui s'est opérée en moins de deux minutes et la facilité avec laquelle on a pu la maintenir réduite à l'aide de quelques compresses appliquées sur la vulve, d'un bandage en T et de la position; 2o La rapidité du retour du col à l'état normal, puisque, au bout de six jours, il avait repris des dimensions à peu près ordinaires; 3o Enfin, nous désirions faire connaitre le succès qui a suivi la première application faite sur le vivant de notre crochet mousse articulé.

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