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passe que lorsque la tumeur poursuit sa marche inflammatoire. Beaucoup de ces cas passent certainement inaperçus, d'autant mieux que tout se borne assez souvent à une légère tuméfaction, persistant plus ou moins longtemps, et disparaissant ensuite par résolution.

Mais si l'affection augmente, la tuméfaction s'accroit, la douleur devient vive et pulsatile, la miction est pénible et gênée, l'urine sort en tire-bouchon ou en double jet; l'abcès se forme et le pus va sourdre aussi bien à travers la muqueuse du canal qu'à travers la peau. Il peut arriver que, la peau abcédée, l'urèthre se perfore à son tour. Quand le pus est versé tout d'abord dans l'urèthre, il est à craindre que l'urine ne séjourne dans le foyer et ne produise ainsi un second phlegmon, s'accompagnant de tous les caractères des abcès urineux et amenant une fistule uréthrale.

Dans toutes ces circonstances, il faut se håter d'ouvrir la tumeur, à moins qu'elle ne soit petite, indolore, et qu'elle ne reste stationnaire, car la suppuration n'est pas ici un fait obligé. Tout se borne alors à un noyau dur qui peut se résorber assez vite ou rester appréciable fort longtemps. L'auteur pense que telle est probablement l'origine d'un assez grand nombre de coarctations uréthrales.

A part la formation d'une fistule qui peut entraîner toutes les conséquences d'une infiltration urineuse, ces tumeurs, quand elles suppurent, peuvent être l'origine d'une bride inodulaire et produire encore par ce mécanisme un rétrécissement. Il faut donc, quand l'abcès est ouvert, empêcher la cicatrisation immédiate de la peau pour prévenir l'amincissement de la muqueuse et son ulcération.

Ce qui vient d'être dit s'applique principalement à la portion pénienne de l'urèthre chez l'homme. Au delà, la distinction entre les deux variétés de tumeurs inflammatoires est possible. Chez la femme, il se passe quelque chose d'analogue lorsque, pendant le cours d'une occlusion ou d'une vaginite, il se forme des abcès. Ceux-ci peuvent encore siéger dans le tissu cellulaire sous-muqueux ou dans les follicules très-développés de cette région.

(Journ. de médec. de Bordeaux et Gaz. hebdom. de médec. et de chir., No 32.)

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tats obtenus par cette nouvelle méthode ont été très-remarquables dans une série nombreuse d'observations, que l'auteur a jointes à son mémoire. L'action favorable dunouveau pansement peut être expliquée de deux manières : par l'action propre de l'éponge, et par celle du liquide employé. L'éponge, constamment en contact avec la plaie, agit à la fois en absorbant le pus et en maintenant le liquide médicamenteux sur la surface suppurante. On doit employer, dans ce but, des éponges entières, non des fragments d'éponge, et les renouveler plusieurs fois par jour. Aucun pansement ne possède les propriétés absorbantes de l'éponge. La charpie, l'agaric forment avec le pus un magma sous lequel le liquide s'accumule. L'éponge seule est donc utile, mais son action est insuffisante sans l'addition de l'eau chlorurée.

Celle-ci dissout le pus, décompose ses éléments, et exerce sur la plaie une excitation salutaire. M. Velpeau, qui a expérimenté ce mode de traitement, lui a fait, tout en reconnaissant ses avantages, deux objections principales d'abord il serait dispendieux, les éponges s'altèrent promptement, elles se ramollissent, deviennent friables, et il faut bientôt les remplacer ; ensuite le pansement causerait à la plaie une excitation trop vive. M. Hervieux répond que la question d'économie n'est que secondaire, surtout dans la pratique civile, et qu'après tout la charpie, les pièces à pansement, le cérat, sont également dispendieux ; qu'enfin l'excitation de la plaie ne lui a jamais paru atteindre un degré nuisible.

L'auteur insiste sur une conséquence théorique qui ressort de ces expériences; c'est que la présence du pus à la surface de la plaie n'a aucune influence favorable sur la promptitude de la cicatrisation, comme semblaient le penser les anciens chirurgiens. Au contraire, en supprimant non-seulement la présence du pus, mais l'acte suppuratif lui-même, M. Hervieux a vu la cicatrice se faire plus rapidement, plus régulièrement ; jamais il n'a eu de ces bourgeons fongueux qu'on est si souvent obligé de réprimer par la cautérisation. Le nouveau pansement lui parait particulièrement avantageux pour les escarrhes formées à la suite des fièvres graves.

La méthode de M. Hervieux n'est pas entièrement nouvelle; des extraits bibliographiques cités par lui depuis Percy jusqu'à nos jours, montrent que les sels alcalins, et surtout les chlorures alcalins, ont été employés depuis longtemps contre les plaies atoniques, les ulcères vénériens,

la pourriture d'hôpital, la gangrène, etc. Quant à l'éponge, elle a été indiquéc comme succédanée de la charpie. Mais M. Hervieux croit être le premier à avoir réuni les deux moyens : l'éponge et les chlorures alcalins.

(L'Abeille médicale, 12 nov. 1860.)

COMMENT PEUT-ON REMÉDIER A LA MORTALITÉ CONSIDÉRABLE APRÈS LES AMPUTATIONS? par le professeur BURAW, de Koenigsberg. -Ce praticien, directeur de la policlinique chirurgicale, a fait, en vingt-cinq ans, soixante-deux amputations de l'avant-bras, du bras, dans le métatarse, de la jambe et de la cuisse, et n'a perdu que trois opérés, deux amputations de cuisse dans le tiers inférieur et une dans le tiers supérieur. Il ne s'est pas trouvé dans des conditions plus favorables que les autres chirurgiens, ni sous le rapport de la qualité des malades ni des localités, et il ne découvre la raison de ses succès que dans les soins consécutifs à l'opération. Chaque fois que la chose est possible, il préfère l'amputation à deux lambeaux, à l'exception de la jambe où il ne pratique qu'un lambeau. Il trouve à cette méthode de grands avantages sur l'amputation circulaire. Après la cessation de l'hémorrhagie par les ligatures, le moignon est laissé exposé à l'air pendant vingt à trente minutes; il se fait alors une exsudation d'une sérosité non sanguinolente, et l'on peut procéder au pansement.

Il faut rapprocher les bords de la plaie aussi exactement que possible et rechercher la réunion par première intention, mais sans tiraillement. A l'avant-bras et ordinairement au bras, des bandelettes longitudinales suffisent à cet effet; mais les lambeaux musculeux des extrémités inférieures exigent deux à trois points de suture entre lesquels on applique des bandelettes adhésives. Les fils des sutures doivent être arrêtés non par des nœuds mais par des rosettes, pour pouvoir les relâcher au besoin. Voilà tout le pansement; ni compresses, ni bandes, qui n'empêchent pas le contact de l'air nullement à craindre, mais qui retiennent les gaz résultant de la décomposition des liquides de la plaie.

Quand il survient des douleurs plus vives, on peut essayer l'application de vessies remplies de glaces; mais on ne doit les continuer qu'aussi longtemps que le malade en est soulagé. Peu d'heures après l'opération, le membre devient le siége

d'un gonflement qui peut aller jusqu'à en

doubler le volume et exiger le relâchement des sutures et des bandelettes. Plus ce gonflement est considérable, plus aussi la suppuration arrive bonne et tôt; son absence est un signe défavorable.

Les bandelettes sont changées aussi souvent que la propreté l'exige, et quand la suppuration est devenue très-abondante, on applique une ou deux fois par jour de la charpie sur la plaie, sans aucun moyen de contention.

M. Buraw explique les bons résultats obtenus par sa manière d'agir par les considérations suivantes : ce que nous appelons pyoémie, abstraction faite de la septicoémie, n'existe que rarement. Les globules purulents ne peuvent pas pénétrer dans le sang par les lymphatiques, ils seraient arrêtés par les premiers ganglions qu'ils rencontrent. Les veines ouvertes peuvent, à la rigueur, laisser entrer de ces globules, mais ce cas doit être trèsrare (?). La phlébite suppurative n'existe pas primitivement et l'inflammation des veines s'accompagne constamment de la formation d'un thrombus. Or, le liquide puriforme que l'on rencontre dans l'intérieur de ces coagulums n'est pas du pus, mais un détritus de fibrine et une conséquence de métamorphoses des parties constituantes du caillot. C'est la fonte et la désagrégation de ces thrombus qui fait pénétrer dans le torrent sanguin des parties trop volumineuses pour passer par tous les capillaires; et il se forme alors des embolies de Virchow.

Nous avons vu que, quand le moignon reste libre, il survient bientôt après l'opération un gonflement considérable; quand, au contraire, il est contenu par un bandage, le gonflement ne peut se faire; les veines sont comprimées et les thrombus s'y forment d'après la grandeur de l'espace qui leur est offert. Mais au renouvellement du pansement, le moignon s'étend librement, les veines se dilatent et le caillot ne peut plus adhérer intimement à leurs parois; il se désagrège donc plus facilement.

Nous croyons que M. Buraw fait trop bon marché de la fréquence de l'introduction du pus dans les veines ouvertes, mais, d'un autre côté, cette théorie sur la facilité de la formation de l'embolie doit être prise en sérieuse considération.

(Deutsche Klinik et l'Union médicale, No 140.)

SUR LE MARIAGE ET LES DESCENDANTS DES SOURDS-MUETS.- Le docteur Meyer, d'Och

senfurt, fit, en 1857, par la voie de la presse médicale (1), un appel aux lumières et à l'expérience de ses confrères, à l'occasion d'un projet de mariage entre sourds-muets, au sujet duquel l'autorité lui avait posé la question suivante :

«Le mariage entre sourds-muets a-t-il pour résultat la transmission de cette infirmité aux descendants; ou, du moins, a-t-il fatalement d'autres conséquences funestes? >>

La rédaction d'un journal allemand qui s'occupe spécialement de psychiatric, a cherché à rassembler des documents tendant à la solution de cette question. Elle n'a recueilli que les faits suivants (2):

Dans l'été de 1859 mourut en Hesse une sourde-muette qui laissait un enfant qui ne présentait pas cette infirmité, et qu'elle avait eu d'un sourd-muet avec lequel, malgré le consentement des parents respectifs, on ne lui avait pas permis de se marier, le mariage ayant été déconseillé par un médecin, en vue de l'hérédité de l'infirmité en question. L'enfant, âgé alors de quatorze ans, n'avait jamais présenté de surdi-mutité. Ce fait tend à prouver que, sans contester la possibilité de la transmission de la surdi-mutité des ascendants aux descendants, cette infirmité ne saurait être absolument considérée comme un impedimentum matrimonii, aussi longtemps qu'on n'en agit pas de même à l'égard d'autres maladies réputées héréditaires, telles que l'épilepsie, la folie, etc.

Voici les observations faites à ce sujet par M. Meissner dans son service de l'Institut des sourds-muets à Leipsig (5). Depuis 1785, 480 sourds-mucts (abstraction faite de 20 idiots) avaient été admis dans cet établissement; tous étaient nés de parents exempts de cette infirmité, sculement quelques-uns de ceux-ci étaient devenus plus ou moins sourds postérieure ment à la naissance de ces enfants. Sur ce nombre de 480 sourds-muets, deux seule ment, deux frères, avaient pour père un artilleur atteint de surdité. Il y a plus: 25 des anciens pensionnaires de l'Institut se sont mariés et établis à proximité de Leipsig; parmi ce nombre il y eut six mariages entre sourds-muets et treize mariages mixtes; de ces alliances naquirent cinquante et un enfants qui tous entendent bien et parlent.

Il semble résulter à toute évidence de ces faits, que le mariage de sourds-muets

(1) Correspondenz - Blatt für Psychiatrie, 1857, no 13.

(2) Ibidem, 189, no 14.

ne doit pas être interdit dans la crainte de voir ce vice de naissance se transmettre par voie d'hérédité aux enfants. Le mariage entre consanguins (parents au deuxième degré), celui de personnes atteintes de rachitisme, de diathèse tuberculeuse, etc., ont des conséquences bien autrement graves et avérées.

MM. Meyer et Meissner font remarquer, d'ailleurs, avec raison, que l'éducation physique et intellectuelle des enfants issus de mariages entre sourds-muets reçoit de cette circonstance un fatal contre-coup, une influence fâcheuse qui se fait sentir dès l'àge le plus tendre. J. O.

SUR LES CAUSES DE LA DIFFICULTÉ DU CATHÉTÉRISME DANS LES CAS DE RÉTENTION D'URINE, SUITE DE cystite du COL.-DES MOYENS D'Y REMÉDIER, par le docteur FOUCHER, chirurgien des hôpitaux.— Le cathétérisme de la vessie, dans le cas de rétention complète d'urine, constitue, de l'aveu de tous les chirurgiens, le meilleur mode de traitement; mais il offre parfois des difficultés telles que l'on a dù y renoncer et pratiquer certaines opérations qui ne doivent être que l'ultima ratio de la chirurgic en pareil cas. L'insuccès des tentatives tient en partie peut-être à ce que l'on néglige trop généralement de tenir compte de la disposition anatomique qui fait obstacle au cours de l'urine, et que l'on se borne à essayer tour à tour et au hasard les divers procédés de cathétérisme et les diverses sortes de sondes. Nous voulons aujourd'hui attirer l'attention sur une cause de rétention d'urine, qui nous paraît nécessiter l'emploi d'un manœuvre et d'un instrument particuliers.

La cystite du col de la vessie produit souvent la rétention d'urine, et ce résultat est dù à l'occlusion du col. Or, ainsi que l'a démontré M. Mercier, cette occlusion du col ne s'effectue pas, comme on le croit généralement, à la manière d'une bourse par le froncement de ses bords et le resserrement d'un sphincter circulaire et fibreux; mais il existe sur la demi-circonférence postérieure de cette ouverture des fihres musculaires qui la contournent en arrière et sur les côtés, en forme d'anses à concavité antérieure, et viennent se jeter dans la paroi antérieure de la vessie.

Lorsque ces fibres se contractent, le bord postérieur de l'orifice étant attiré en

(3) Voir son mémoire intitulé: Ueber die Ehe und die Nachkommenschaft der Taubstummen vom medicinisch-polizeilichen Standpunkte.

haut et en avant, doit nécessairement se rapprocher du bord opposé et même le croiser en passant au-dessus de lui à la manière d'une soupape : ainsi s'opère l'occlusion de la vessie. D'un autre côté, la portion membraneuse de l'urethre est soumise à l'action des muscles qui, se contrac

tatives de cathétérisme, quoique bien dirigées, étaient restées infructueuses. Je pus parvenir facilement dans la vessie au moyen d'une sonde coudée, parce qu'alors, avec le dos de l'instrument, je soulevais nécessairement la saillie qui fermait le

canal.

tant sous l'influence de l'irritation, aug- (Rev. de thérap. méd.-chir., 15 déc. 1860.) mentent la courbure de cette région (Mercier, Recherches sur le traitement des organes urinaires, etc.). Sous cette double influence, l'orifice du col est donc situé plus haut, regarde directement en bas. Aussi faut-il pour y arriver que la sonde pénètre de bas en haut. On a conseillé, en pareil cas, de conduire le bec de la sonde au moyen du doigt introduit dans le rectum, et de faire usage de sondes fortement courbées, mais alors on est obligé d'abaisser le pavillon beaucoup trop tôt avant que le bee de l'instrument ait atteint le niveau du col, et, si l'on force, c'est dans la paroi supérieure de l'urèthre que l'on pénètre ; d'un autre côté, avec la sonde ordinaire, on est exposé à rencontrer la paroi inférieure, soulevée au niveau du col et ayant une courbure exagérée dans sa portion membraneuse; on crée alors très-facile ment une fausse route en ce point.

Chopart avait conseillé d'introduire jusqu'à l'obstacle une sonde élastique cernée d'un mandrin, puis de retirer celui-ci de 2 à 5 cent., afin que le bec de la sonde devenu libre puisse s'adapter à la courbure de l'urethre. Cette manœuvre nous a parfaitement réussi chez un malade, auprès duquel nous avions été appelé par le docteur Himly. Nous accordons toutefois beaucoup plus de confiance à l'emploi de la sonde coudée à angle presque droit (146 degrés), à 15 ou 16 mill. de son extrémité vésicale, telle que l'a indiquée M. Mercier. Cet instrument remplit, en effet, merveilleusement les indications que l'on recherche en pareil cas, parce qu'à mesure qu'on le pousse dans l'urèthre, son extrémité longe la paroi supérieure, et qu'en le poussant vers le col de la vessic, son talon déprime la paroi postérieure et en opère le redressement, pendant que le bec, dirigé en haut, s'engage de lui-même dans l'orifice du col. La sonde en gomme élastique dite sonde à béquille, qui n'est qu'une copic du cathéter de M. Mercier, peut remplir les mêmes indications. Nous avons eu récemment l'occasion de faire l'application de ces principes chez un malade du service de M. Trousseau; ce malade atteint d'une cystite du col, n'urinait pas depuis cinq ou six jours, et plusieurs ten

TRAITEMENT DU DELIRIUM TREMENS PAR LA DIGITALE A HAUTE DOSE. Le docteur Jones emploie depuis plusieurs années contre le delirium tremens la teinture de digitale qu'il administre à la dose énorme de 15 grammes et qui est répétée au bout de quelques heures. Il est rare qu'on soit obligé de recourir à une troisième dosc, laquelle est alors réduite à la moitié des deux doses précédentes. La digitale, administrée à semblable dose, parait exercer son action bien plus sur le cerveau que sur le cœur; le pouls devient, en général, plus fort et plus régulier, la sueur froide et visqueuse disparaît, la peau se réchauffe; aussitôt que le remède exerce toute son action, il survient un sommeil tranquille qui se prolonge pendant cinq ou six heures et après lequel on répète la dose de teinture de digitale. On n'a pas observé d'augmentation de la sécrétion urinaire, mais, par contre, on a quelquefois remarqué une légère diarrhée. Sur soixante-dix malades traités de cette manière par le docteur Jones, il n'en mourut qu'un seul qui était atteint d'une affection organique de l'encéphale; dans trois cas seulement, ce traitement demeura sans résultat et l'on fut obligé de recourir à d'autres moyens. Par toutes les autres méthodes de traitement employées antérieurement (opium, antispasmodiques, etc.), le docteur Jones constata que le nombre proportionnel des guérisons était plus défavorable et la mortalité plus considérable que par l'emploi de la teinture de digitale. Dr D..... (Medical Times and Gaz. et Medic. Central-Zeitung, no 97, 1860.)

CAS MALHEUREUX d'inversion de l'utérus. (Clinique de M. NELATON.) Un fait regrettable, mais non dépourvu d'intérêt pratique, s'est passé à l'amphithéâtre de M. Nélaton, le 23 novembre. Une jeune femme, accouchée depuis trois semaines, était entrée dans les salles de ce professeur pour un renversement complet de l'utérus. Comment s'était produit cet accident? On ne l'a pas su d'une manière précise, mais

il est infiniment probable qu'il a eu pour cause des tractions imprudentes exercées sur le cordon au moment de la délivrance. Toujours est-il que la malade portait dans le vagin une tumeur du volume d'un gros œuf de dinde, et qu'en appliquant la main au-dessus du pubis, on sentait au lieu de la saillie formée par le corps de l'utérus un infundibulum qui admettait l'extrémité de plusieurs doigts. Ainsi point de doute sur la nature de la lésion, et déjà la gravité de celle-ci n'était que trop accusée par les hémorrhagies qui avaient jeté cette femme dans un état d'anémie effrayant. Il était évident qu'une nouvelle perte de sang, si minime qu'elle fût, pouvait entrainer la mort de la malade.

Dans ces conditions critiques, M. Nélaton fit une première tentative de réduction, le 21: la jeune femme ayant été plongée dans le sommeil anesthésique, l'habile chirurgien introduisit en entier la main dans le vagin, et, après avoir déprimé avec l'index et le médius le point central de la tumeur, il réunit tous ses doigts en cône et chercha par une propulsion méthodique à retourner l'utérus. Cet essai fut infructueux. La tumeur fuyait à la faveur de l'extensibilité du vagin, et la main restait impuissante. Il eût fallu que l'anneau formé par le col utérin pût opposer une résistance suffisante, et la main gauche de l'opérateur appliquée sur l'hypogastre pendant que la droite agissait dans le vagin, ne parvenait pas à produire cette fixité indispensable du col. Cependant il parut à M. Nélaton que la constatation du siége de cet anneau par le palper abdominal devait rendre possible la création du point d'appui qui faisait défaut, et il pensa à utiliser cette donnée dans une seconde séance, qui fut ajournée au surlendemain.

Le 23, ce professeur s'adjoignit M. Depaul, accoucheur éminent dont la prudence n'est pas moins connue que l'habileté. M. Depaul dans un cas semblable avait eu le bonheur de réduire le renversement utérin en s'aidant d'un refouloir en forme de champignon. M. Nélaton céda la place à son savant collègue, et se réserva le soin d'exercer lui-même, à l'aide des deux mains, sur l'infundibulum l'action en sens inverse qui devait se combiner avec les efforts dirigés de bas en haut sur l'organe renversé. M. Depaul exécuta d'abord les manœuvres auxquelles s'était livré M. Nélaton, le 21, mais sans plus de succès. Il eut recours alors au refouloir. Un instant il crut que l'utérus frane hissait l'anneau : c'était une erreur. L'o

pérateur avait cu la sensation d'une résistance vaincue, mais cette résistance était celle du tissu utérin; l'inversion n'avait pas cédé, c'était l'utérus qui s'était rompu!

Le 25 au matin, la malade succombait aux suites d'une péritonite. On s'y attendait, mais ce résultat n'en est pas moins triste, et la seule chose qui a pu consoler les deux chirurgiens, c'est le sentiment du devoir accompli. La malade, en effet, étant vouée à une mort certaine, il était impérieusement indiqué de tenter la réduction du renversement ou d'enlever l'utérus. L'extirpation de cet organe dans l'état d'inversion a été pratiquée une fois par M. Velpeau, et l'opérée se portait bien trois ans après; mais la plupart des femmes qui l'ont subie ont succombé au bout de quelques heures, et les plus heureuses n'ont pas survécu au delà d'une année. La réduction est d'ailleurs la première opération qui se présente à l'esprit, et en réalité la seule raisonnable à mettre en pratique. Il faut y procéder le plus tôt possible et se servir exclusivement de la main. Les refouloirs, comme tous les intermédiaires, sont inintelligents et incapables de transmettre au chirurgien la sensation des éraillures qui précèdent le déchirement des tissus. Or, mieux vaut encore échouer dans ses tentatives de réduction que de déchirer l'utérus. Il nous reste à tirer de ce fait un dernier enseignement que M. Depaul a mis en relief dans quelques paroles bien senties :

« L'inversion de l'utérus est un des accidents les plus graves qui puissent affliger la femme nouvellement accouchée; graves par la nature de l'affection qui expose la malade à toutes sortes de dangers; graves, ainsi qu'on vient de le voir, par la difficulté, pour ne pas dire l'impossibilité de remédier au renversement sans aggraver la situation. Ici donc, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de prévenir, c'est d'éviter le mal; et, quand on sait qu'à part certaines circonstances exceptionnelles, l'inversion de l'utérus est toujours produite par des tractions intempestives et violentes sur le cordon, on ne saurait trop avoir présent à l'esprit le sage précepte qui veut que la main gauche soit placée sur le fond de l'utérus pendant que la main droite procède à la délivrance, afin de saisir les modifications qui peuvent survenir dans la forme de l'organe et de reconnaître à la dépression qui s'y produit la tendance à l'inversion. (Journal de médecine et de chirurgic pratiques, décembre 1860.)

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