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La confirmation du fait de Saint-Loup ne s'est pas fait attendre longtemps. Le 2 août, un jeune garçon, âgé de douze ans, d'une forte constitution, entre à l'HôtelDieu de Provins le soir dans le service de M. Hublier, chirurgien en chef de cet hopital; il porte une pustule maligne sur l'avant-bras gauche dans sa partie postérieure et interne, à la jonction du tiers supérieur avec le tiers moyen. Le lendemain, 3 août, je le vois avec M. Hublier; au moment de notre visite, il est vierge de tout traitement. Sa pustule est arrivée au troisième degré. Ainsi il y a un œdème comme emphysémateux de tout l'avant-bras, de la main, et il remonte jusqu'à la partie moyenne du bras; il est si considérable, que l'articulation du coude reste demifléchie. En se rapprochant de la pustule, cet œdème devient plus dur, c'est un véritable noyau du volume d'un œuf de poule, au centre duquel se trouve une tumeur grande comme une pièce d'un franc, arrondie, élevée au-dessus du niveau de la peau, d'une coloration violacée, et surmontée dans sa circonférence de petites vésicules remplies de sérosité roussâtre, au centre desquelles on voit un point noir et de primé. C'est la pustule maligne dont je vous ai parlé sous le nom de forme sèche, par opposition à la forme humide, dont le gonflement démateux est plus considérable, plus transparent, plus tremblotant, comme de la gelée, dont les vésicules sont remplies de sérosité jaunåtre, et dont l'eschare du centre est jaunâtre et sans résistance à l'incision, au lieu d'étre noire et dure au bistouri comme dans la forme sèche.Enfin, la cautérisation de la forme humide est plus difficile que celle de l'autre. C'est le 1er août que ce malade s'est aperçu qu'il avait un bouton sur l'avantbras, et c'est le jeudi 30 juillet qu'en cousant son pantalon il s'est piqué avec une aiguille et qu'il a dû s'inoculer le virus. Il était en effet dans une ferme où des moutons mouraient du sang, et il a porté des peaux fraichement déshabillées. Il n'est donc pas étonnant que du sang virulent ait sali son pantalon.

nous deux autres médecins, M. Duprat, aide-major du 8o lanciers, et M. Grandvilliers, docteur - médecin à Provins. Ces messieurs s'assurent de la nature de la maladie, et pour eux comme pour nous c'est bien une pustule maligne. A ce moment l'œdème nous semble encore diminué. Dans tous les cas il diminue si bien, qu'en quatre jours il n'en reste plus. Le troisième jour, la pustule est flétrie, les vésicules n'existent plus, et déjà un cercle rouge inflammatoire apparaît autour de la tumeur, en même temps que l'eschare passe de la couleur gris-jaunâtre au noir; elle a d'ailleurs, comme la pustule, la grandeur d'une pièce de 1 franc, et elle est parfaitement arrondie. Le sillon qui la sépare des parties vivantes ne tarde pas à se montrer. Mais le noyau du volume d'un œuf de poule reste encore dur; seulement il est plus apparent et plus proéminent, parce que l'œdème qui l'entourait a disparu; cependant il finit par s'effacer peu à peu, en même temps que l'eschare se sépare de plus en plus, au point qu'elle tombe le 17 août dans l'après-midi. A sa place il y a une plaie arrondie, taillée à pic, profonde de toute l'épaisseur du derme et à fond grisâtre. Le 18, elle commence déjà à se déterger, et on aperçoit quelques boutons charnus qui annoncent le travail réparateur.

Le troisième cas cst arrivé ce matin même, et je vous en fais part à l'instant.

Un petit cultivateur se présente à moi ; il porte à la partie supérieure et externe de l'avant-bras une petite tumeur large comme une pièce de 1 franc, parfaitement arrondie, élevée au-dessus du niveau de la peau, d'une coloration rouge-violacé, déprimée au centre, où se voit un point noir et dur des dimensions d'une lentille; autour de ce point noir et à la circonférence de cette tumeur se trouve une couronne de vésicules qui paraissent n'en former qu'une seule, et qui est remplie de sérosité très-rousse. Ce bouton bien caractéristique, qui a été décrit dans les livres et par les auteurs, quoi qu'en ait pu dire mon confrère, ami et voisin, M. le docteur Joux, A huit heures du matin, le 3 août, on est porté sur un noyau du volume d'un applique des feuilles fraiches de noyer sur œuf de pigeon, aplati et arrondi, et formé cette pustule maligne devant M. Bailleul, par le tissu cellulaire infiltré et induré, et médecin-major du 8o lanciers. Ces applica- enfin autour de ce noyau on trouve cet tions souvent renouvelées ont été conti-œdème comme emphysémateux qui comnuées pendant sept à huit jours. Une demi-mence la troisième période. Cet œdème heure après la première application, M. Bailleul, M. Hublier et moi nous croyions déjà constater de la dimination dans l'œdème. A deux heures de l'après midi, nous revoyons ce malade et avec

s'étend en haut sur le commencement du bras et en dehors, en bas et en dehors. également jusqu'à la jonction du tiers moyen au tiers supérieur; toute la partie supérieure de l'avant-bras a d'ailleurs aug

menté de volume. Enfin, pour dire tous les caractères de cet œdème, il se termine ex abrupto par une espèce de marche d'escalier qui le sépare des parties saines, c'est-à-dire qu'il ne se confond pas avec elles d'une manière insensible.

Enfin, autour du bouton caractéristique, la peau est légèrement érysipélateuse, ce qui s'observe assez rarement; elle y est chaude.

Ce malade accuse des élancements et des démangeaisons; des élancements sans doute à cause de la rougeur érysipélateuse. Il se plaint d'un malaise général; toute la nuit il avait des frissons. C'est depuis trois jours seulement qu'il s'est aperçu de ce bouton; mais il fait remonter ses démangeaisons à mercredi dernier, sans en être positivement sûr. Enfin, il a déshabillé dernièrement trois ou quatre moutons qui sont morts chez lui du sang.

Préoccupé de cette nouvelle pustule maligne (la véritable forme sèche), je n'ai songé qu'à lui indiquer la feuille fraîche de noyer sans examiner assez l'état général; mais ce soir le malade doit revenir, et je verrai s'il n'y a pas complication d'embarras gastrique, ce qui expliquerait l'érysipele, les frissons et le malaise général.

En date du 21 septembre, M. Raphaël donne en ces termes la suite de cette troisième observation :

« Je n'ai point attendu le soir pour visiter mon malade, j'y suis allé à deux heures de l'après-midi. Il avait appliqué le matin même des feuilles fraiches de noyer, et il les avait renouvelées depuis une heure seulement.

« Depuis son retour chez lui, et après, l'application des premières feuilles de noyer qui avait été faite chemin faisant, il avait été obligé de se tenir couché; son mal de tête avait redoublé, et il était survenu des éblouissements, des envies de se trouver mal, des envies de vomir et des sueurs froides. Pour éviter ce malaise, i était obligé de rester couché; à peine sur, son séant, il devenait plus malade. A ma visite de deux heures, j'ai recherché s'il y avait les signes d'un embarras saburral; ils n'existaient pas, et l'état local qui n'avait pas diminué, n'était cependant pas assez développé pour faire croire que la quatrième période devait se montrer; en, un mot, l'état local ne pouvait faire pré, sumer que l'empoisonnement, était si proche, car les symptômes décrits plus haut indiquent bien que l'intoxication commençait; le pouls était encore régulier et large, mais mou. Je fais lever le ma lade, je le panse moi-même devant M, Hu-,

blier. J'applique sur le bouton et sur toute l'étendue de l'œdème une couche de feuilles de noyer en épaisseur de trois ou quatre les unes sur les autres, et je serre un peu les bandes pour faire obéir ces feuilles et les faire appliquer sur la peau. Pendant le pansement et après, le malade se plaint d'éblouissements; il est pâle, ses yeux sont cernés; il va se trouver mal, ditil; il est couvert de sueur froide, il a des envies de vomir; enfin il vomit des matières blanches écumeuses, à trois reprises et coup sur coup. Il a très-soif; on lui donne à boire de l'eau sucrée mêlée avec un peu d'eau-de-vie, et peu à peu tous ces symptômes généraux diminuent pour disparaître au bout de vingt à ving-cinq minutes et ne plus revenir. A partir même de ce moment, ce malade n'a plus été obligé de rester couché. Bref, le 16 le suintement de sérosité s'est fait sans les feuilles, et le jeudi, à quatre heures du soir, il n'y a plus d'œdème; déjà le sillon qui va séparer le vif de l'eschare se montre, et le bouton caractéristique est changé en plaque d'un gris jaunâtre, déprimée et humectée de sérosité. Il est évident qu'il n'y a plus de pustule maligne; qu'il ne reste plus qu'un point de gangrène autour duquel on voit un cercle inflammatoire, et que la cicatrisation se fait par l'élimi nation et les bourgeons charnus.

» Ce n'est pas tout, ajoute M. Raphaël. Le lundi 14 septembre courant, quand j'étais chez mon malade sujet de la troisième observation, sa femme se plaint d'avoir des démangeaisons très-vives sur la poitrine, où elle a, dit-elle, un petit bouton qu'elle a écorché. Elle avait tou ché, le samedi 12 septembre, aux peaux des moutons morts du sang, et que son mari avait déshabillés. Nous trouvons en effet, sur la partie antérieure de la poitrine, au-dessus du sein et vers le bord externe du sternum, une écorchure longue d'un centimètre, à fond grisȧtre, autour de laquelle il y a de petites pustules gras nulées remplies de sérosité roussâtre et placées très-irrégulièrement. Le bouton caractéristique n'existe pas; mais ces petites pustules granulées reposent sur un noyau très-dur, de la dimension d'une pièce de deux francs, et placé dans l'épaisseur de la peau, qui, plus gonflée, présente l'aspect d'une tumeur aplatic. Sur ce noyau, la peau est violacée et briquetée,et autour elle est légèrement érysipelateuse. D'ailleurs, pas d'œdème, ni de symptômes généraux d'aucune espèce.

י

Je, panse moi-même cette malade sur son lit, J'ouvre avec mes ciseaux courbes

toutes les phlyctênes et toutes les pustules granulées, et j'applique une couche épaisse de feuilles de noyer; je m'arrange à les faire porter fortement sur la peau. Trois quarts d'heure environ après je trouve la malade levée; elle n'a plus de tous les symptômes généraux, qu'un peu mal à la tête. Je découvre le mal, il y a un suintement considérable. Je panse avec de nouvelles feuilles de noyer qu'on renouvellera exactement de trois heures en trois heures, et je me retire, bien certain que l'amélioration a commencé et qu'elle continuera. Jeudi, à quatre heures du soir, l'état local est en voie de diminution, le scin n'est plus gonflé; l'érysipèle a disparu, les aisselles ne sont plus doulou reuses, le noyau est moins étendu, l'eschare centrale est plus arrondie et entièrement noire, et il n'y a aucun des symptômes généraux de la veille, la malade à même faim. Le vendredi, j'ai revu cette femme qui allait de mieux en mieux. Depuis je ne suis pas allé la voir, et je n'ai pas eu de nouvelles, ce qui veut dire que la gué rison se continue. »

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Ainsi, ajoute M. Nélaton, après avoir cité les extraits que nous venons de reproduire, voilà dans l'espace d'un mois quatre observations de pustule maligne qui se suivent, et toutes quatre guéries très-rapidement. Il me semble que cela répond à la question que je posais tout à l'heure. Pourra-t-on dire encore qu'il n'y a là qu'une coïncidence? Une fois, deux fois, on pourrait à la rigueur admettre la coïncidence; mais quand le fait se reproduit quatre fois de suite, dans les mêmes conditions et de la même manière, il n'est vraiment plus possible d'invoquer la coincidence.

Ces faits sont sans doute de nature à surprendre, et ils surprendront beaucoup de médecins; j'ai pensé qu'ils offriraient assez d'intérêt aux yeux de l'Académie pour justifier la communication que je viens de lui faire.

M. ROBERT. Il m'est très difficile de faire pénétrer dans mon esprit que de simples feuilles de noyer puissent guérir la pustule maligne. Je crains qu'il ne se soit glissé dans ces faits quelque méprise, quelque cause d'erreur qui aura échappé à l'observateur. Je connais M. Raphaël pour un médecin très-éclairé et très-consciencieux; par conséquent, je në mets nullement en doute l'exactitude de tout ce qu'il affirme. Mais n'aurait-il pas pu se tromper sur quelques points? Relativement au premier fait, je ne suis pas très-convaincu qu'il ait eu affaire à une véritable pustule maligne.

Il y a eu, dit notre confrère, un œdème très dur des paupières avec pustulation; mais dans la pustule maligne il y a toujours le point d'inoculation marqué par une petite phlyctène entourée d'un œdème dur. Telle est du moins la description qu'en donnent tous les auteurs, notamment Enault et Chaussier.

Il y a un autre fait que j'ai observé dans la pustule maligne, et qui manque dans les observations de M. Raphaël. J'ai vu chez les sujets atteints de pustule maligne que j'ai eu l'occasion d'observer les vaisseaux lymphatiques engorgés et enflammés dans une grande étendue. Chez un matelassier dont le souvenir est en ce moment présent à mon esprit, et qui avait une pustule maligne sur le dos de la main, tous les vaisseaux lymphatiques du membre thoracique étaient enflammés, et les ganglions de l'aisselle engorgés. Ce caractère manque dans l'observation de M. Raphaël. Si, à l'absence de ce signe, on joint l'absence du point d'inoculation, les caractères essentiels de la pustule maligne ne me paraissent pas bien établis dans la première observation de M. Raphaël.

Dans les trois autres je trouve encore les mêmes sujets de doute. On nous dit que M. Raphaël exerce dans un pays où la pustule maligne est très-commune. Mais je voudrais, puisque M. Raphaël a essayé plusieurs méthodes de traitement, qu'il nous fit connaître les résultats qu'il a obtenus par les autres moyens mis en usage. Ces résultats nous donneraient au moins la mesure de la gravité des cas de pustule maligne auxquels il a eu affaire. Ne peut-il pas se faire que les pustules malignes que M. Raphael observe à Provins soient moins graves que celles des autres pays?

J'insiste sur tous ces motifs de doute, parce que je crains que l'on ne s'autorise de ces faits pour s'abandonner à une expectation dangereuse, quand on a sous la main, dans le cautère actuel, un moyen sûr et si simple en réalité, que je ne comprendrais pas que l'on reculât devant son emploi pour recourir à des moyens douteux et dont l'efficacité n'est rien moins que démontrée.

M. NELATON. Il y a deux choses à considérer dans la relation de M. Raphaël. Il expose d'abord très-nettement ce qu'il entend par pustule maligne, et il énumère avec soin tous les signes qu'il lui faut pour asseoir son diagnostic. Mais à côté de la pustule maligne type, décrite par Enault et Chaussier, et où l'on trouve effectivement le point d'inoculation dont vient de parler M. Robert, il y a une autre variété

de pustule maligne dans laquelle on ne trouve pas ce point d'inoculation: c'est précisément sur cette circonstance que M. Bourgeois (d'Etampes) a insisté, sur l'absence de ce point, comme l'un des caractères propres à cette variété de pus tule maligne à laquelle il a donné le nom d'œdème charbonneux des paupières. Or, c'est à un cas de ce genre que M. Raphaël a eu affaire; et il ne faudrait pas croire que cette variété de pustule maligne soit moins grave que l'autre. Loin de là, elle est si grave, au contraire, qu'un grand nombre de malades y succombent, même malgré l'application du fer rouge. Pour donner un exemple à l'appui, il me suffira d'extraire d'une des lettres de M. Raphael le passage suivant :

« Je suis allé un jour voir avec M. Deroy, médecin à Beton-Bazoche, un malade près duquel il était appelé pour la première fois pendant que j'étais chez lui. Ce malade avait une pustule maligne sur le cou. I ne voulut jamais nous croire, et malgré toutes nos supplications il persista à ne pas se laisser brûler. Comprenant tout le danger qu'il courait, je n'ai pas hésité à l'en avertir, espérant qu'il se laisserait faire. Ainsi, je lui dis : C'est si bien un charbon, pour me servir de l'expression des gens de nos campagnes, que si vous ne le laissez pas brûler, dans quatre jours Vous serez enterré. Tout fut inutile et quatre jours après il était en terre. »

Ce qui m'a fait ajouter une entière confiance dans les observations de M. Raphaël, indépendamment de ce que je le connaissais déjà pour un observateur très-sérieux, c'est que, lorsqu'il a eu recours pour la première fois à l'usage des feuilles de noyer, il ne croyait pas lui-même à leur action. Il n'a été porté à les essayer que sur les indications fournies par M. Po mayrol, qui n'a lui-même annoncé les résultats qu'il a observés qu'après avoir pris toutes les précautions possibles pour éviter de se défendre contre toute chance d'erreur.

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Quoi qu'il en soit, je crois qu'il résultera de cette communication une chose utile. Les praticiens, mis en demeure par ces faits d'essayer les feuilles de noyer, les essayeront, et on ne pourra manquer d'être fixé sur la valeur de ce moyem. col

M. PIORRY. On n'a parlé jusqu'ici que de la pustule maligne que l'on observe dans certaines contrées. Il en est une beaucoup plus grave et beaucoup plus commune et qui ne mérite pas moins, par conséquent, de fixer l'attention, je veux parler de la pustule maligne qui se développe sur de

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siége des sujets atteints de fièvre typhoide. (Expression de surprise dans l'assemblée.) Depuis quinze aus j'étudie avec soin la marche de ces eschares qui se développent à la région sacrée dans le cours des fièvres graves...

M. LE PRÉSIDENT interrompant l'orateur: Je ferai remarquer à M. Piorry qu'il est hors de la question. Il s'agit de la pustule maligne, et non point des accidents qui se produisent dans la fièvre typhoide.

M. PIORRY. J'en demande pardon à M. le président, je suis parfaitement dans la question... M. Piorry, continuant, décrit les caractères et la marche des eschares du sacrum, qu'il assimile à la pustule maligne, et termine en citant comme principal trait de ressemblance entre ces deux états morbides les quelques cas, de guérisons des eschares de la région sacrée qu'il a obtenues par l'emploi du même moyen, l'application topique des feuilles fraiches de noyer.

"

M. RENAULT (d'Alfort). Je crois, autant qu'il est possible d'en juger par les symptômes que M. Nélaton vient de rappeler, que c'est bien effectivement de la pustule maligne produite par le contact d'animaux malades qu'il s'agit dans les observations communiquées à l'Académie. Mais je ne crois pas qu'on soit fondé à distinguer deux espèces de pustule maligne, l'une grave et l'autre bénigne; je n'entends parler, bien entendu, que de la pustule maligne vraie, c'est-à-dire celle qui est inoculée. Ce qui fait que je n'admets pas cette distinction, c'est que j'ai fait un très-grand nombre d'expériences d'inoculation sur des animaux, et que j'ai toujours obtenu des résultats identiques, c'està-dire toujours également graves, et constamment mortels, de quelque pays d'ailleurs que provinssent les animaux qui m'ont fourni le virus contagieux. Je ne comprendrais donc pas comment il pourrait y avoir chez l'homme deux sortes de maladies différentes provenant du même virus, l'une grave et l'autre bénigne. Je comprends bien qu'il y ait des hommes qui offrent plus de résistance que d'autres à l'action du virus ; cela peut bien constituer des différences de degré dans l'intensité de la maladie, mais jamais deux maladies ou deux espèces de maladies différentes.

D'un autre côté, il faut bien faire attention de ne pas attribuer non plus à des espèces différentes les résultats différents que l'on obtient de la cautérisation. Cette différence dans les résultats de la cautérisation dépend du temps écoulé depuis

l'inoculation et nullement d'une différence, dans la nature du mal. Il résulte, en effet, des expériences que j'ai faites sur la rapidité de l'absorption des matières virulentes et sur la durée da la période d'incubation des phénomènes généraux d'intoxication, que l'on a d'autant moins de chances de réussir à arrêter la marche des symptômes généraux qu'on aura plus tardé à détruire par la cautérisation les tissus malades. Aussi suis-je porté à croire avec M. Robert qu'il est beaucoup plus prudent de commencer dans tous les cas par cautériser. Je ferais pour ma part le contraire de ce que propose M. Nélaton je cautériserais d'abord, sauf à appliquer ensuite les feuilles de noyer si la maladie ne paraissait pas suffisamment enrayée. Je sais bien qu'à cette ma nière de procéder l'expérimentation per drait quelque chose en certitude (sourires); mais je croirais ma responsabilité beaucoup mieux assurée en agissant ainsi. Libre ensuite, si l'on tient à avoir des résultats positifs, à expérimenter directement in anima vili.

ABSORPTION DES MÉDICAMENTS. M. BR QUET lit un mémoire ayant pour titre : Etude des variations que subit l'absorption des médicaments, suivant la nature des máladies, suivant l'âge et suivant le sexe des malades. Ce mémoire, qui fait suite à un travail précédent du même auteur sur le même sujet, est résumé dans les conclusions suivantes :

4° L'état apyrétique est notablement plus favorable à l'absorption des médicaments que l'état pyrétique.

2 L'état typhoïde favorise cette absorption moins que les autres états phlegmasiques; cependant elle y est, dans le tube digestif, plus énergique qu'on ne l'avait supposé jusqu'à présent, puisqu'elle n'est que d'un dixième à peu près inférieure à celle qui se produit dans l'état pyrétique.

5. Dans le diabète, l'absorption des médicaments dans l'intestin paraît être trèsfaible.

4 On peut constater si, dans certaines maladies, les états de tolérance ou d'intolérance aux médicaments tiennent à une susceptibilité particulière, ou à des variations dans l'absorption; ainsi dans l'état hystérique, la tolérance pour l'opium ne tient nullement à un défaut d'absorption, elle est le résultat d'une susceptibilité spéciale.

5 La rapidité avec laquelle les substances médicamenteuses du genre des alcaloïdes du quinquina sont éliminécs, est dans un rapport direct avec la quantité des urines rendues. Cette rapidité est la

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mesure exacte du temps que l'économie met à se débarrasser de la plus grande partie des substances fixes ingérées à titre de médicament.

1

6o L'absorption des médicaments analogues aux alcalis du quinquina est plus active chez les jeunes gens que chez les adultes dans une proportion considérable; chez les vieillards, elle est encore notablement moins active que chez l'adulte.

7° Elle est moins active chez la femme que chez l'homme, dans la proportion d'un sixième à un huitième.

8o En déduisant d'un effet médicamenteux donné la portion qui est due à la quantité absorbéc du médicament, le reste donne la mesure de la susceptibilité à être influencé par les médicaments. (Commis sion déjà nommée.)

Séance du 6 octobre.

SIROP IODO-TANNIQUE.-M. Gaultier de CLAUBRY donne lecture d'un rapport sur un nouveau composé pharmaceutique, le sirop iodo-tannique, qui a pour base le produit obtenu par la réaction de l'iode sur le tannin sous l'influence de l'eau.

Le rapporteur propose, au nom de la commission, d'adresser à l'auteur une lettre de remerciments et de déposer honoráblement son travail dans les archives.

M. VELPEAU ne veut rien dire sur la partie chimique du rapport; mais il trouve que M. le rapporteur conclut un peu vite en déclarant que le nouveau médicament est un médicament utile.

M. GAULTIER DE CLAUBRY. La phrase à laquelle M. Velpeau fait allusion est écrite tout entière de la main de M. Gibert, dans une note que je dépose avec mon rapport sur le bureau de l'Académie, M. Gibert a employé la nouvelle préparation pendant plus d'une année, soit à l'hôpital, soit dans sa pratique particulière, et M. Bouchardat, un des membres de la commission, l'a administrée avec beaucoup de succès à de nombreux malades.

M. VELPEAU ne trouve pas que la note de M. Gibert confirme pleinement la proposition émise par M. Gaultier de Claubry sur les propriétés thérapeutiques du sirop iodo-tannique, et il est d'avis de modifier les conclusions du rapport, dans la crainte de voir ce médicament figurer à la quatrième page des journaux, avec l'approbation de l'Académie.

ML CAVENTOU fait observer qu'il ne s'agit pas évidemment ici d'un composé chimique défini, et c'est là une considération importante en thérapeutique,

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