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rapide, aussi ne croyons-nous pas utile de transcrire ici les notes recueillies jour par jour.

L'épanchement sanguin s'est résorbé avec facilité, et le gonflement a toujours été en diminuant de même que la chaleur morbide. Les mouvements de pronation et de supination s'exécutaient dès le 15me jour avec facilité et sans douleur; ceux de flexion et d'extension, au contraire, ne sont revenus que plus tard vers le 25me jour, et n'étaient pas complets au bout de six mois, car le bras ne pouvait pas encore, à cette époque, être complétement étendu en ligne droite. Cet état a persisté (1). Cela n'ôte cependant rien à la dextérité des mouvements, ni à la force du membre qui présente sa conformation naturelle, à part cette légère flexion de l'avant-bras sur le bras, et qui a même recouvré une longueur égale à celle du côté opposé.

Nous ne ferons pas suivre cette observation de longues réflexions pour faire ressortir les avantages de l'irrigation dans ce cas; le décollement des épiphyses, de même que la luxation du coude en arrière, est un accident trop généralement redouté pour qu'il soit besoin d'établir par de longs raisonnements combien on a intérêt à éviter les accidents inflammatoires violents qui occasionnent trop souvent chez les enfants lymphatiques, comme notre petit malade, l'induration des parties molles lacérées, la suppuration des surfaces articulaires, la confusion des divers tissus et finalement la tumeur blanche, ou tout au moins l'ankylose du coude. Or, à notre avis, l'irrigation seule est capable de prévenir tous ces accidents en modérant et maintenant dans de justes bornes l'irritation morbide à mesure qu'elle tend à se produire. Seule, elle peut ensuite réveiller la vitalité des tissus articulaires et leur rendre la souplesse nécessaire pour l'exercice de leurs fonctions. (La fin au prochain No.)

DE LA DOCTRINe des esprits surnaturels ET DU MERVEILLEUX en philosophie et EN MÉDECINE; par M. le docteur PARIGOT, professeur à l'Université de Bruxelles, membre du comité d'inspection des établissements d'aliénés et membre effectif de la Société.

Dans un ouvrage intitulé: Tableau synoptique des maladies mentales, publié en 1854, nous n'hésitâmes pas à attaquer l'illuminisme moderne en le classant parmi les perversions de l'intelligence, lesquelles, arrivées à un certain degré d'intensité, deviennent de la véritable folie; notre opinion ne s'étant pas modifiée depuis, nous avons l'intention de réfuter dans cet article des doctrines qui depuis longtemps eussent dû être confondues dans l'intérêt de bien des gens et surtout dans celui de la profession médicale, qui n'est arrivée à l'estime qu'elle inspire que par la véritable science, l'honnêteté de la pensée et le dévouement à l'humanité. Dans le but que nous nous proposons, nous ne craignons pas de reprendre des idées et des arguments émis dans divers articles de ce Journal, d'autant plus qu'ils coïncident (nous en sommes fier) avec ceux d'hommes fort compétents qui viennent d'écrire récemment sur la même matière. Le médecin, dans sa pratique et dans le monde, est souvent obligé de résoudre ou

(1) Il en a été de même dans toutes les observations parvenues à ma connaissance; serait-ce la

règle?

pour le moins de discuter des questions aussi intéressantes que difficiles touchant la philosophie et la psychologie; qui ne voit en effet l'étroite liaison de ces sciences et de la médecine humaine?

S'il est un côté par lequel l'intelligence ne doive point se renfermer dans les limites de la nature et hors desquelles elle peut affirmer ce qu'elle conçoit, c'est uniquement celui qui conduit à l'idée de Dieu. La raison autant que le sentiment religieux révèlent un Créateur et une religion; aussi n'est-ce point dans le domaine de ces idées que nous prétendons entrer, mais nous pensons que si le naturel et le surnaturel n'ont qu'un seul point de contact, les arguments qui ont établi un passage vers l'absolu et l'éternel ne peuvent également servir à nous faire adopter comme vraies des fictions évoquées par des cerveaux malades ou par un charlatanisme qui voudrait se couvrir d'un manteau sacré. En effet, il existe un abîme entre la foi et la crédulité; la première est aussi pure et respectable que la seconde est ignorante et propre à servir à l'exploitation des hommes peu instruits. Ceci bien entendu, il ne nous reste rien à dire de plus pour éviter toute équivoque au sujet de notre appréciation de la doctrine des esprits, sinon d'ajouter encore que lorsque nous parlons de l'inconnu, nous n'entendons point désigner ce qui nous reste à découvrir dans les sciences positives.

Déjà on a remarqué que l'inconnu, le surnaturel et l'impossible ont toujours eu de l'attraction pour les hommes en raison directe des malheurs des temps, ou du peu de valeur morale de l'époque. Tout est-il incertain, corrompu et transitoire, aussitôt apparaissent des imposteurs de toute espèce avec leur public spécial qui doit leur servir de proie. C'est ainsi qu'aujourd'hui une portion intelligente, mais peu raisonnable de nos contemporains, se trouve dans la nécessité de recourir à l'intervention de forces imaginaires, soit pour retremper ses croyances, soit pour trouver un appui fallacieux à de vaines théories médicales et autres. Cet aveu donne la mesure non-sculement d'une faiblesse, mais ce qui est pis, d'une perversion morale qui peut altérer la sanité du principe intellectuel qui nous éclaire. Enfin, l'humanité n'en étant plus aux temps où elle implorait le bon ou le mauvais vouloir des faux dieux, il n'y a pas de milieu possible: si au milieu du 19e siècle nous leur sacrifions de nouveau, c'est que nous sommes en pleine décadence.

A ce sujet la différence des temps est fort remarquable et facile à saisir; ainsi aux époques de vie et de spontanéité des nations, on ne voyait que de rares savants s'occuper du principe et de la fin de toute chose; bien que spéculative, ce n'en était pas moins de la vraie science; mais les philosophes qui s'élevaient alors à de grandes hauteurs métaphysiques, passaient par le monde sans avoir attiré l'attention de la foule. Les discussions à perte de vue ne troublèrent donc jamais ceux qui, dans l'état normal de la société, paraissent devoir suivre le cours d'une vie heureuse, quoique obscure et pleine de travail. En est-il encore de même ? Non, car de nos jours, grands et petits sont à la recherche de l'inconnu, en conséquence de quoi la démonologie est devenue l'une des grandes

questions du jour. En 1857, les premiers venus, savants ou non, se déclarent maîtres ès-sciences occultes et souvent docteurs en l'art de guérir; de telle sorte que si, de nos jours, l'arbre de la science est redevenu banal, tout prouve que ses fruits ne se sont point améliorés, car l'esprit public paraît malade, la morale aux abois et le désordre des idées n'a besoin que d'un accident pour passer dans l'ordre des faits; il semble, tout au moins, que la société se trouve sous le poids d'une influence fatale qui relâche les caractères, amollit la volonté de faire le bien, et ne fait qu'appliquer la pensée à un scul but, l'argent et le pouvoir. Qui s'étonnera donc, après ce préambule tiré de l'histoire de notre époque, de reconnaître que les hommes qui ont le plus marqué dans ses fastes aient toujours eu plus de passion que de vertu, et que les peuples qu'ils ont dirigés soient arrivés à de si pitoyables résultats quant à leur civilisation? Tout se lie dans le monde intellectuel et matériel, et le sujet que nous traitons, quoique restreint, n'en contribue pas moins à mettre en évidence l'une des plus tristes faiblesses de l'esprit public, celle qui abâtardit le gouvernement physique et moral de l'homme. C'est donc ici que le médecin doit intervenir et que son action est de la plus haute importance. Ainsi, au milieu des difficultés croissantes, rien n'est plus commun que d'entendre dire aux prophètes de la nouvelle école, ou bien à leurs disciples (tous des illuminés par l'ultra-spiritualisme), que le millénium va commencer, que des facultés de l'âme, aujourd'hui latentes, vont nous donner accès aux sphères de l'inconnu, etc., etc., et d'un autre côté d'entendre parler de doctrines scientifiques qui vont renverser tout ce que l'antiquité et nos pères nous ont légué en fait de sciences d'observation, par exemple, que les infiniment petits acquièrent par leur dilution infinitésimale une puissance proportionnellement d'autant plus grande, que les semblables détruisent les semblables, que l'eau, le camphre, etc., sont des panacées pour tous les maux, etc., etc. Tout cela paraît fort beau et conviendrait assez si, par ce moyen, on pouvait renverser le matérialisme auquel tant de gens tiennent si fort et sous lequel les mœurs succombent, mais il faut ajouter que pour nous tirer d'affaire, ce n'est pas sur notre force intellectuelle, ni sur notre courage moral qu'on nous recommande de compter, mais, chose extraor dinaire, sur une infirmité de notre système nerveux, car, de l'aveu des illuminés, ce n'est que dans un état voisin de la plus terrible maladie, qu'il nous sera donné de retrouver le passé, de connaître le présent et de prévoir l'avenir! En un mot, c'est de l'extase et de l'hallucination qu'il faudrait tout espérer!

Sauf le moyen, la science nouvelle arrivait à propos; aujourd'hui que chacun cherche un fil conducteur pour les difficultés de l'avenir, cette puissance, si l'on pouvait l'acquérir, devrait convenir surtout alors que la misère et l'ignorance augmentent le nombre des hommes à la quête d'un sort plus heureux. Le difficile c'est de nous faire croire au surnaturel, alors que nos pères ont déjà été mystifiés à ce sujet; supposant même que toutes ces promesses fussent réalisables, qu'on nous explique au moins comment et par quelle fatalité, d'une part les souffrances morales et matérielles, et de l'autre ce pouvoir magique procéderaient à la fois de circonstances aussi déplorables? comment, en abru

tissant l'homme, on éveille son intelligence ? enfin, qu'on explique pourquoi l'âme s'élèverait en dignité alors que sa manifestation dans le corps serait avilie? En attendant la solution de ces questions, nous répondrons que c'est parce que l'extase des somnambules et les hallucinations des illuminés naissent plus facilement alors que la tension nerveuse excite des esprits sans principes et sans vigueur, et que cet état mental représente celui d'un malheureux qui, mourant de faim, prétend assister à de somptueux repas.

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Qu'on n'ait 'pas l'air de s'y méprendre, le spiritualisme n'est point ici en cause; nous applaudissons à son but, celui d'élever l'âme au-dessus des choses terrestres et de chercher à enfermer l'infini dans le monde idéal, mais tout a des bornes] et la sagesse consiste à savoir les connaître et à les respecter. L'activité intellectuelle, alors même qu'elle est poussée aussi loin que possible chez certaines natures privilégiées, n'aboutit pas toujours à la maladie; c'est ainsi que les méditations d'un Copernic, d'un Newton, d'un Salomon de Caus ou d'un Watt, qui ont commandé à la matière et à l'esprit d'obéir à ce que Dieu avait mis en eux, n'ont rien d'analogue avec cette folie qui prétend dépasser les limites que la nature a fixées, à nos sens et à notre intelligence. Si l'esprit est un chez les hommes, non-seulement les dons ou facultés spéciales sont diverses, mais il faut ne pas confondre la force saine et la perversion de l'essence spirituelle. On n'a jamais condamné les licences de l'imagination dans les œuvres de l'esprit, cependant il faut reconnaître qu'il y a des bornes que cette dernière ne peut franchir; ainsi la pensée peut s'isoler de la réalité et se créer un monde dans lequel elle règne sans contrôle; c'est fort bien, mais c'est aussi l'extrême limite de ce qui est raisonnable; l'hallucination physiologique touche à l'erreur, c'est son ultimatum, car l'esprit est encore maître de ce qu'il conçoit d'absurde; il peut dissiper l'erreur, mais s'il hésite, il est perdu. Enfin on ne peut admettre que l'imagination déréglée, la fantaisie, comme l'appellent les Allemands, aille au point de croire à la vie, à la réalité des fantômes qu'elle a créés, ou bien que dans certains rêves extatiques décorés du nom de lucidité somnambulique, on veuille de nos jours reproduire, après plus de vingt siècles, la divination sacrée des sybilles. Vraiment les médiums (Hume et consors) qui prétendent s'interposer entre le visible et l'inconnu, nous rapprochent des temps où les démons étaient évoqués ou exorcisés; alors des barbares vinrent mettre fin à ces folies. Si les nôtres continuaient, il serait curieux de savoir à qui nous serions redevables de notre régénération.

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Arrivons au fond de la question; qui ne sait aujourd'hui que la séduction des esprits les plus légers prend son origine dans un mélange de science et d'erreur que les novateurs ont rendu inextricable, Aussi ne trouve-t-on le plus souvent qu'un tissu de subtilités se jouant des mots et des faits. Pour mettre les pseudo-sciences en crédit, tout a été employé, livres, journaux, prosélytisme, etc. On a été jusqu'au point d'en imposer au public par l'autorité des noms; aussi actuellement les titres les plus sonores ne sont-ils plus une garantie suffisante pour décider de la validité des faits. Des savants, très-estimables du reste, ne peuvent-ils pas, comme de simples mortels, avoir de l'inclination pour

le merveilleux, pour l'absurde même, et chercher, par exemple, dans les rapports inconnus de l'âme et du corps, le fond mouvant sur lequel ils bâtissent leurs théories? L'astrologie, l'alchimie, la sorcellerie, la crânioscopie, l'homœopathie, le magnétisme animal, etc., ont du vrai et du faux mélangés dans leurs doctrines, et sont, suivant un excellent observateur, M. L. Peisse, les signes non équivoques d'un délire scientifique qui a possédé le monde intellectuel depuis les prêtres de l'Inde antique, jusqu'aux thaumaturges de nos jours; l'homme est faible et de tout temps il a été tourmenté par le désir insatiable de tenter l'impossible; ce délire finira-t-il jamais? C'est difficile à croire, il est probable même que cette perversion intellectuelle se continuera dans les pseudo-sciences qui remplaceront celles qui sont en faveur à notre époque. Enfin ce délire, s'il ne cesse jamais complétement, peut-être pourra-t-il diminuer d'intensité, car la civilisation poursuit aussi une marche lente, mais infaillible quant à ses effets sur l'humanité. La civilisation dépendant du degré d'instruction et, conséquemment, du critérium que possède l'esprit humain pour discerner le vrai de l'absurde, le probable de l'impossible, on comprend que l'intervalle qui doit séparer les croyants aux sorciers, à la magie, au dynamisme progressif des infiniment petits, au surnaturel du magnétisme, etc., soit aussi celui qui existe entre la crédulité des anciens, l'atonie de l'époque et le progrès qui surgira dans l'avenir. A mesure que l'instruction se propage dans une nation, l'instinct de la raison, le bon sens aidant, l'influence épidémique de l'erreur sur les masses a moins de chance de succès. A cet égard, il doit déjà y avoir amélioration, car autrefois les illuminés sortaient le plus souvent des rangs les plus infimes de la société. En Allemagne nous voyons encore quelquefois des contemplations mystiques se propager parmi d'obscurs sectaires. Dans l'Amérique du Nord, à part les Mormons et leur prophète, c'est l'intuition de l'invisible qui a marqué l'époque; c'est là que règnent les esprits frappeurs, les tables tournantes, parlantes, etc. Si l'Europe a échappé, pour ainsi dire, à cette folie, c'est qu'elle n'a pu en imiter puérilement que quelques-unes; elle avait, d'ailleurs, été frappée trop durement par les événements politiques pour pousser les choses à l'excès de ce côté; toutefois, il faut remarquer que généralement les prophètes des pays rationalistes pratiquent plus volontiers l'art de guérir que l'art divinatoire proprement dit; il est vrai qu'ils affectent une forme religieuse et inspirée dans leur exploitation; certains médecins même tendent à l'orthodoxie religieuse, l'illuminisme n'est pas loin! Aussi en Belgique avons-nous des Driesken-Nypers inspirés, des docteurs bien pensants et des docteurs verts, homeopathes et autres. Beaucoup d'entre eux croient avoir une mission à remplir: celle de prouver le néant de la raison humaine, au moyen de forces irréductibles à la science officielle, vicille et usée, disent-ils, et sur laquelle ils n'ont plus qu'à souffler pour la faire disparaître. Ce qu'il y a de bien remarquable c'est que les doctrines qui exploitent le surnaturel n'emploient que des formes mystérieuses dans leurs applications usuelles et qu'elles doivent se propager comme si elles étaient des conspirations contre le sens communs. Peu sont appelés et tous ne sont pas élus. Il faut convenir à la science; des qualités particulières et du zèle surtout sont requis. Pour

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