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atteints de fièvre typhoïde et soignés par M. Bouillaud avec un dévouement d'ailleurs admirable, ont succombé! Dirai-je que des fièvres continues simples, que des courbatures, que des embarras gastriques ont été pris pour des fièvres typhoïdes! et que c'est lorsqu'on tombe sur des cas semblables, que le succès arrive et que la méthode paraît excellente.

Dirai-je, enfin, que M. Bouillaud a dit à sa clinique que, pour réussir, sa méthode avait besoin d'être appliquée par lui. Je l'ai entendu. Je n'ai pu me tromper. (La suite au prochain No.)

HISTOIRE MÉDICO-CHIMIQUE DES PRODUITS PYROGÉNÉS INTRODUITS DANS LA THERAPEUTIQUE DEPUIS L'ANNÉE 1850; par le Dr V. GUIBERT (Suite. Voir notre tome XXX, p. 557.)

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S 1er. ORIGINE ET HISTORIQUE. La combustion du bois dans nos foyers donne lieu à la distillation de plusieurs produits pyrogénés qui sont entraînés avec des matières charbonneuses et qui se déposent à la surface de nos cheminées; ce mélange complexe, connu de toute antiquité, est désigné sous le nom de suie. Cette substance figurait jadis dans la matière médicale (Pharmacopée univ. de Jourdan) comme détersive, fébrifuge, antiépileptique; on la vantait aussi comme antivermineuse; on en retirait, par distillation, seule ou mêlée à de l'eau-de-vie, un esprit employé par gouttes dans les affections nerveuses, contre l'hystérie surtout. On en faisait aussi une pommade contre les dartres et la teigne. Elle entrait dans la composition de la poudre purgative d'Alhaud, mélange de résine, de scammonée et de suie, et vanté comme une panacée (1).

Ce médicament était complétement tombé en désuétude lorsqu'en 1854, M. Blaud, médecin à Beaucaire, frappé des merveilleux résultats obtenus par la créosote qui brillait alors de tout son éclat, imagina de reprendre la suie comme succédané de cette substance. M. Blaud publia deux mémoires intéressants sur les applications thérapeutiques de la suie; dans le premier (Revue médicale, juin 1854), il établit que la composition de la suie, dans laquelle il avait soupçonné l'existence de la créosote et de l'acide pyroligneux, l'avait conduit à essayer cette substance contre les affections où la créosote avait été vantée; dans le second (janvier 1845), il développe les propriétés thérapeutiques de la suie et reconnaît, ce qu'il paraît avoir ignoré jusque-là, que cette substance avait été usitée avant lui et dans la plupart des cas contre les mêmes affections.

(1) Ann. de méd. belge et étrangère. Bruxelles, 1858, t. IV, p. 102.

$ 2. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES ET CHIMIQUES.

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La suie est le produit de la combustion incomplète des matières organiques; elle se dépose et se condense sur les parties froides, sous la forme d'une masse noire pulvérulente et légère, ou bien sur les parties encore échauffées sous la forme d'une masse compacte et brillante.

La suie possède une odeur désagréable, une saveur amère et empyreumatique. L'eau en dissout les deux tiers. La suie nettoyée et pulvérisée prend le nom de suie préparée. Combinée à la potasse, elle constitue le fuligokali. Stromeyer la décrit ainsi : Fuligo splendens. Ex parte inferiori fumarii recipienda est; massa compacta, nigra, splendens, friabilis, odore bituminoso, et sapore ingrato salso, empyreumatico.

Suivant Braconnot, la suie renferme de la pyritine ou résine empyreumatique combinée à l'acide acétique qui sature aussi les bases qui ont été formées par les cendres, une substance extractiforme azotée à laquelle il donne le nom d'absoline, et du charbon provenant de la combustion incomplète des carbures d'hydrogène et des huiles empyreumatiques, dont l'hydrogène s'est brûlé sans qu'il y ait eu assez d'oxygène pour brûler aussi le carbone.

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$ 3. PROPRIÉTÉS MÉDICALES. Blaud a vanté la suie dans le traitement des dartres et des teignes, et surtout de la teigne faveuse; il faisait tomber les croûtes au moyen de cataplasmes et lavait les surfaces mises à nu, trois ou quatre fois par jour, avec la décoction de suie; cette pratique a aussi été recommandée en Belgique par M. Marinus.

Dans le traitement des ulcères et dans le pansement de certaines plaies, il se servait de gâteaux de charpie imbibée de cette même décoction.

Il s'en servait encore en injections contre les fistules invétérées ou entretennes par la carie des os; mais c'est principalement dans des cas d'ulcères carcinomateux de la matrice qu'il a vanté ces sortes d'injections; il prétend même en avoir obtenu des guérisons. Sans partager cette douce croyance, MM. Trousseau et Al. Lebreton assurent en avoir obtenu aussi de grands succès, mais seulement dans le traitement d'ulcères simples du col de l'utérus; cette pratique est préconisée aussi par M. Lébert.

Le docteur Giboin a employé avec avantage l'eau de suie en injections dans le catarrhe chronique de la vessie.

Dans le traitement de l'eczéma chronique, M. Bougard, médecin belge, s'est très-bien trouvé d'une mixture à parties égales de suie et de glycérine.

Dans l'ophthalmie scrofuleuse, MM. Caron-du-Villards et Baudelocque ont préconisé l'emploi d'un collyre de suie.

La suie possède des propriétés anthelmintiques bien prononcées; cette connaissance est vulgaire et date de très-longtemps. Contre les vers qui occupent le gros intestin, on donne la décoction en lavement, et pour ceux qui se logent dans l'intestin grêle, on fait prendre une décoction de suie et de café en poudre.

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COLLYRE DES BÉNÉDICTINS. On mêle 2 onces de suie avec de l'eau bouillante et, après la filtration, on évapore jusqu'à siccité; on dissout ensuite le résidu sec dans une quantité suffisante de vinaigre fort, et l'on ajoute 24 grains d'extr. de roses pour 12 onces de ce liquide. On emploie, comme collyre, quelques gouttes de cette solution ajoutées à un verre d'eau, contre les ophthalmies scrofuleuses.

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Le fuligokali, préconisé par M. Deschamps, est un mélange de potasse caustique et de suie; cette dernière substance (fuligo) remplace le charbon de terre (anthrax) de l'anthrakokali; il en existe aussi de deux espèces, le fuligokali simple et le fuligokali sulfuré.

Le procédé de M. Deschamps pour la préparation de ce médicament est le suivant on prend 20 grammes de potasse caustique et 100 grammes de suie brillante, pulvérisée, que l'on fait bouillir pendant une heure dans une quantité suffisante d'eau distillée. On laisse refroidir, puis on étend d'eau pour que la filtration se fasse mieux. On évapore et on dessèche pour obtenir le fuligokali en écailles ou en poudre. On l'enferme ensuite dans des flacons secs et chauds.

Si l'on veut obtenir le fuligokali sulfuré, on prend 60 grammes de fuligokali simple, 14 grammes de potasse caustique et 4 grammes de soufre; on chauffe le soufre et la potasse avec un peu d'eau; après la dissolution du soufre, on

ajoute le fuligokali, on évapore, on dessèche et on l'enferme de la même manière dans des flacons secs et chauds.

Les deux fuligokalis ont été administrés de la même manière et contre les mêmes affections que l'anthrakokali simple; on en donne 10 à 50 centigrammes sous forme de pilules ou en sirop; et pour l'usage externe on emploie une pommade qui contient un à deux gros par once d'axonge.

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SYN.: Goudron végétal, G. de Norwége, Poix liquide, Pix liquida, Pix navalis. -(All.): Theer; (Angl.): Tar; (Ital.): Catrame, Pece liquida; (Esp.): Brea, Alquitran.

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Ser ORIGINE ET HISTORIQUE. Le goudron, employé en médecine, est une huile empyreumatique d'une consistance emplastique qui provient de la combustion et de la distillation per descensum, des différentes parties des pins et des sapins lorsqu'ils sont trop vieux pour donner de la térébenthine par incision. Cette substance est le πιττα de Théophraste, le πιστα υγρα ou le κωνος de Dioscoride et le pix liquida de Pline. Son emploi en médecine date de trèsloin; déjà, dans le siècle dernier, Berkeley, évêque de Cloyne en Irlande, écrivit un ouvrage sur les vertus de l'eau de goudron qu'il vanta outre mesure dans le traitement de la phthisie (1). Cette eau a aussi été recommandée dans le scorbut par Ellis et Lind; dans l'asthme par Ramspak; contre les ulcères chancreux par Desbois de Rochefort. Les frères Lebeau l'ont préconisée pour la guérison des fistules et des ulcères fistuleux, même gangréneux, en en faisant prendre à l'intérieur plusieurs verres par jour.

Le goudron en vapeur a été proposé par Crichton dans le traitement de la phthisie pulmonaire à caractère atonique, avec absence de tout signe inflammatoire (2).

Hufeland et Neumann ont expérimenté les vapeurs de goudron, en 1818, à l'hôpital de la Charité à Berlin, et ils en recommandèrent l'emploi dans la blennorrhée pulmonaire, la phthisie pulmonaire atonique et dans la phthisie laryngée, tant qu'il n'y a pas de symptómes inflammatoires bien prononcés. Ils

(1) CLOYNE. Série de réflexions philosoph. et de recherches sur les vertus de l'cau de goudron. Londres, 1744.

(2) CRICHTON. Pract. observations of the treatment of several varieties of pulmonary consumption and of the effects of the vapour of boiling tar in that disease; London.

ont trouvé ces vapeurs nuisibles dans la phthisie à la fois tuberculeuse et scrofuleuse, dans celle à marche aiguë et dans la disposition à l'hémoptysie : ces essais furent faits sur 54 malades distribués dans deux salles. Un pot rempli de goudron fut exposé quatre fois par jour à une température assez élevée pour remplir la chambre de ces vapeurs, en ayant soin de ne pas faire entrer le goudron en ébullition. Sur ces 54 malades, 4. furent guéris, 6 améliorés, 16 restèrent à l'état stationnaire; chez 12 la maladie empira et les 16 autres moururent (1).

Il est bon de noter que le diagnostic de ces 54 malades fut porté sans qu'on ait pratiqué l'auscultation ni la percussion; Hufeland en convint lui-même en 1856 et fit suivre cet aveu des lignes suivantes :

"Les signes de l'auscultation et de la percussion, dit Hufeland, peuvent être employés comme signes auxiliaires pour déterminer la place où se trouve une vomique, mais nullement pour établir le diagnostic, vu que l'auscultation ne peut pas seulement faire distinguer si la matière crépitante est du mucus ou du pus (2). >

Dans une question aussi importante que celle de la guérison de la phthisie par l'emploi des vapeurs de goudron, on a le droit d'exiger une certitude complète dans le diagnostic et, pour bien établir celui-ci, ce n'est pas trop d'employer tous les moyens que la science met actuellement à notre disposition.

Malgré les succès attribués au goudron par les différents auteurs que nous venons de citer, ce médicament était tombé, vers 1850, en un discrédit à peu près complet pour l'usage interne; de nos jours de nouvelles expériences ont été entreprises et depuis quelque temps le goudron est redevenu positivement à la mode.

C'est principalement à cause de son usage externe appliqué à un grand nombre de maladies de la peau, que nous mentionnons le goudron dans notre mémoire; cette substance, en effet, a acquis une importance réelle contre ces maladies et s'est placée à peu près en tête des agents thérapeutiques cutanés.

Le goudron est employé en médecine vétérinaire depuis longtemps dans le traitement des maladies cutanées soit seul, soit associé au savon vert ou à la graisse avec les cantharides; c'est un excellent topique qui remplace avec avantage l'onguent de pied pour conserver à la corne des sabots sa souplesse. Bateman, en Angleterre, et Alibert, en France, furent les premiers médecins qui préconisèrent son emploi contre les maladies cutanées de l'homme; M. Girou soutint, en 1851, une thèse remarquable dans laquelle il recommande une pommade au goudron dans le traitement des affections psoriques de l'homme et surtout contre le prurigo, la teigne granulée et les dartres (3).

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(5) L. GIROU. Considérations sur les maladies cutances et sur une nouvelle manière d'administrer le goudron dans le prurigo. Thèse. Paris, 1831.

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