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vieilles institutions, l'isolement des affaires étran- | avait donné avis des efforts qu'elle préparait pour gères, avaient jusqu'alors formé un amalgame heu- le maintien de ses priviléges, la bourgeoisie de reux de peuples régis par des lois et des mœurs si Zurich résolut de ne pas faire moins pour la conpeu analogues aux projets du Directoire, une pa-servation des siens. Huit cents hommes sortirent reille catastrophe devait faire sentir des contre- à l'instant de ses murs, et allèrent prendre une coups, et l'occupation des vallées principales sem-position d'observation sur les bords du lac. Du blait n'être que le premier acte du terrible drame reste, on se disposa à repousser la force par la qui devait bouleverser ce pays. Avec tant d'énergie, force, mais le retour du député qui avait été envoyé des désirs si impérieux, des besoins et des intérêts à Berne, ayant annoncé le sort de cette ville, et si différents, il était impossible qu'une fois le lien signalé les nombreux rassemblements de paysans principal de la confédération relâché, l'on s'accor- qui se formaient à Meilen, refroidit bientôt ce zèle. dât jamais sur aucun point: les petits peuples as- L'on entra en pourparlers avec l'assemblée de sujettis, voulaient l'indépendance; les citoyens des Kusnacht, et l'on signa un arrangement, en exévilles, l'égalité; ceux des capitales, leurs privilé- cution duquel Zurich reçut une garnison de 1,000 ges. Ici, l'on se déclarait pour l'ancien régime; paysans, et s'engagea à tenir sur pied un pareil là, pour le nouveau; ailleurs, on rejetait l'un et nombre de bourgeois pour les besoins éventuels. l'autre. La démocratie la plus absolue était tou- La régence provisoire déposa ses pouvoirs entre jours chère aux petits cantons; l'oligarchie avait les mains d'un nouveau conseil, composé d'un pour soutien quelques familles riches et puissan- quart de bourgeois et de trois quarts d'habitants tes : enfin, le fanatisme et l'esprit de l'ancienne des campagnes. Brune et l'agent Mengaud ayant confédération repoussaient de concert le nouvel appris cette révolution, différèrent alors d'enordre de choses; et ses partisans mêmes étaient près voyer des troupes à Zurich. de se déclarer contre les Français, dont l'influence trop marquée commençait à donner de l'inquiétude.

Ainsi, dans plusieurs cantons, la chute de Berne et la présentation de la constitution furent suivies de troubles intestins. A Zurich, où la jalousie des paysans contre les bourgeois s'était souvent manifestée, deux pouvoirs se disputaient déjà l'autorité. | Un comité représentant les campagnes s'érigea à Kusnacht, et déclara la guerre à la régence provisoire de Zurich. Ce comité, sûr d'être soutenu par les Français, ordonna des arrestations, et mit une force armée sur pied. Déjà, les deux partis s'observaient depuis quelques jours, lorsque le 6 mars, le bruit se répandit à Zurich que l'ennemi arrivait aux portes: tous les citoyens coururent aux armes, ne sachant si c'étaient leurs compatriotes ou les Français. Vers six heures du soir, les députés de la moitié du canton, constitués en assemblée nationale, signifièrent à la régence provisoire de remettre dans le délai de six heures ses pouvoirs entre les mains de l'assemblée du canton, et de recevoir une garnison de 1,000 hommes. On ignorait alors, à Zurich, que Berne eût succombé; et, comme, peu d'heures auparavant, cette ville

Le canton de Lucerne en se soumettant à des conditions semblables obtint la même faveur. Il parvint ainsi à dissiper la méfiance des paysans contre les bourgeois qu'ils accusaient de les avoir vendus à la France.

A l'intant où Berne tombait sous les coups de Schawembourg, les députés des cantons de Schwitz, Uri, Underwald, Zug et Glaris se réunissaient à Brunnen avec ceux de Saint-Gall, de Thurgovie, de Sargans et du Rhinthal, pour délibérer sur l'acceptation de la constitution. Le résultat de cette conférence, où le fanatisme exerça autant d'influence que l'amour de la liberté, ne pouvait être douteux. Elle fut rejetée à l'unanimité; et une adresse vigoureuse le fit connaître à Brune. « Les petits cantons, disait-elle, avaient, depuis plusieurs siècles, une république basée sur la » liberté et l'égalité ne possédant au monde » d'autres biens que leur religion et leur indépen» dance, d'autres richesses que leurs troupeaux, >> leur premier devoir était de les défendre. »

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Ces obstacles inattendus, qu'il eût été si facile de prévoir, donnèrent alors à Brune l'idée de former de l'ancien corps helvétique plusieurs républiques indépendantes. Suivant le nouveau projet

du général, le pays de Vaud jusqu'à Niddau, le | avantages commerciaux, au prix d'une indépencanton de Fribourg, le pays de Sanen, le Sieben- dance éphémère; mais la manie de donner des thal, l'Oberland, le Valais et les bailliages italiens, lois uniformes à toute la terre, dominait trop le pays situés sur les revers opposés des deux chaì- Directoire, pour qu'il prît la peine de calculer ce nes des Alpes, et de trois langues différentes, au- qu'il perdrait en froissant les intérêts d'une cité raient formé un même corps de nation sous le essentiellement marchande et spéculatrice. Genom de Tellegau; enfin, on eût composé du reste nève, annexéc à la France sous le rapport politide la Suisse la troisième république. que et militaire seulement, en conservant ses Ce plan qu'Ochs et Laharpe avaient originaire-institutions aurait peut-être joui de quelque proment écarté, était reproduit par deux intrigants, appuyé par le résident français à Sion, et par les menées de Genève, qui espérait conserver son indépendance et peut-être accroître son territoire au milieu de ces changements politiques.

La position de Genève à cette époque justifiait assez ses démarches. Depuis la fin de 1797, elle se trouvait comme dans un état de blocus: un arrêté du Directoire interdisait toute communication de la France avec cette ville; et, depuis l'entrée de la division Brune dans le pays de Vaud, elle n'avait plus de relations avec la Suisse. Essentiellement commerçante, il ne lui restait d'autre parti à prendre pour éviter la famine, que de se jeter entre les bras des Français : le résident Félix Desportes ne négligeait aucune occasion de l'y pousser.

Sous le double rapport militaire et commercial, la réunion de ce petit État était très-avantageuse à la république. Assise sur le Rhône, qui la sépare en deux parties, non loin du confluent de l'Arve dans le fleuve, Genève, dont l'enceinte est baignée par le lac, était susceptible d'en maîtriser la navigation, et de devenir à la fois un grand dépôt pour la frontières des Alpes et de l'Helvétie, et un boulevard qui eût couvert l'Ain et le plat pays du mont Blanc. Autant la France trouvait son compte à s'en saisir, autant Genève devait le craindre. Si la réunion se fût opérée en lui conservant ses magistratures, ses lois et ses franchises, comme tant d'autres se sont pratiquées, la petite république eût acquis, à la vérité, de grands

(1) Ces réflexions ne peuvent s'appliquer qu'à l'état précaire de Genève en 1798: aujourd'hui que cette ville fait partie intégrante de la Suisse, tout est changé. Son sort étroitement lié à celui de l'Helvétie lui offre de nouveaux intérêts, lui impose de nouveaux devoirs. Elle doit

spérité (1). Genève, préfecture, soumise à la conscription et au système fiscal de la France, devait regretter le passé, et saisir la première occasion de s'émanciper. Aussi, les politiques Genevois penchaient pour la création d'une république rhodanique, dont ils espéraient fixer la capitale chez eux.

Cependant l'érection de cet État qui semblait à leur convenance, déplut au pays de Vaud, dont l'assemblée réclama vivement au Directoire et à Brune l'exécution du premier projet d'organisation territoriale de la Suisse. La voix des Vaudois retentit dans le Luxembourg sans toucher le Directoire: trop fier de ses succès, ou trop occupé de l'expédition d'Égypte, de ses élections et du congrès de Rastadt, il laissa à Brune le soin de concilier des intérêts si opposés; imitant en cela le sénat romain, qui renvoyait les démêlés des provinces conquises au tribunal de leurs proconsuls.

Brune s'en tint à son dernier projet : seulement, pour témoigner quelques égards aux Vaudois et aux Bâlois, il désigna Lausanne et Bâle pour capitales des républiques rhodanique et helvétique, réservant à Genève un sort désormais facile à prévoir.

Toute la Suisse, à l'exception des petits cantons, murmurait contre le bouleversement du corps helvétique. Laharpe qui désirait de bonne foi des réformes salutaires et un gouvernement plus fort, indigné d'être l'instrument involontaire du malheur de son pays, sentit la nécessité de représenter au Directoire les funestes conséquences

être décidée à vaincre ou à mourir pour son indépen dance, tontes les fois que celle-ci sera menacée, et que la Suisse, partageant les mêmes sentiments, s'apprêtera à la soutenir,

TOME III.

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de ce projet. On indisposait gratuitement les Suis- | où la politique tour à tour altière, cupide et verses, en enlevant à la France le résultat qu'elle satile du Directoire, parvint à dissoudre les liens attendait de la destruction de l'ancien gouverne- d'une confédération amie, qui couvrait la plus ment; car il n'y avait ni unité, ni confédération, faible frontière de France. L'Europe, étonnée de dans les trois républiques qui remplaçaient la ligue l'audace de cette entreprise, garda, pour l'instant, helvétique. Les directeurs furent frappés de cette le plus profond silence; mais, dès lors, tous les imprudence; mais, pour la réparer, ils en com- hommes d'État prévirent la chute d'un gouvernemirent une autre, en chargeant, au mépris du ment qui ne prenait pour règle de sa conduite droit le plus sacré des nations, l'ex-conventionnel que ses caprices, et qui prétendait régir toutes les Lecarlier d'organiser constitutionnellement l'Hel-nations avec la baïonnette. vétie. Ce nouvel arrêté dessilla les yeux des plus chauds partisans des Français, qui s'étaient flattés jusqu'alors de les voir quitter incessamment la Suisse. Dès lors, ils demeurèrent convaincus que l'indépendance de leur patrie était perdue sans ressource, et qu'assimilée en tout aux républiques batave et cisalpine, elle serait tenue sous la tutelle forcée d'un corps auxiliaire étranger.

Quoi qu'il en soit, on se consola de l'acte du Directoire par l'usage que son délégué en fit; car, alors, la présence de 30,000 baïonnettes le dispensait de tous égards. Sur l'invitation de Lecarlier, les représentants des cantons d'Argovie, Bâle, Berne, Fribourg, Léman, Lucerne, Oberland, Schaffhouse, Soleure et Zurich, se rendirent à Arau, où ils proclamèrent, le 12 avril, sous la protection d'un corps d'élite français, la république helvétique, une, indivisible et démocratique.

Sur ces entrefaites, Genève, dont l'anxiété était parvenue au dernier période, renonça à tout espoir de conserver son indépendance, et prit le parti de solliciter sa réunion à la France, qu'elle prévoyait ne pouvoir éviter. Une commission fut nommée pour examiner le projet rédigé à l'instigation de Desportes; mais comme on la choisit parmi les patriciens, elle le rejeta à l'unanimité. Cette résistance irrita le Directoire, qui envoya le général Girard avec 1,500 hommes prendre possession de la ville. Le sénat signa alors par crainte, l'acte qu'il refusait avec raison; et, le 28 avril, Desportes reçut pour la république le serment de fidélité des magistrats. Ils mirent toutefois à leur soumission, les conditions les plus favorables, entre autres l'exemption de levées d'hommes jusqu'à la paix générale, et la conservation au profit des habitants, des fonds et édifices publics.

L'inaction de l'Autriche dans ces graves circon stances ne dut pas moins surprendre; elle s'attendait sans doute à voir prolonger la lutte, et à y être appelée ensuite en libératrice; rôle préférable, sans doute, à une intervention forcée. Le hasard et le départ de l'expédition d'Égypte firent tourner à son avantage la lenteur de ses décisions et le mystère de sa politique.

Tandis que la confédération helvétique voyait ainsi détruire du même coup son indépendance et ses vieilles constitutions, le pape, chancelant sur le saint-siége, après avoir cherché à s'y maintenir avec l'assistance du roi de Naples, en fut chassé par le Directoire, du moins, sur des motifs plus spécieux.

Pie VI ne cherchait qu'une occasion favorable de rompre le traité de Tolentino arraché à sa faiblesse. Les cours de Naples et de Vienne applaudissaient à cette intention, et si elles ne s'engagèrent pas formellement à le soutenir, du moins est-il certain qu'elles lui en laissèrent entrevoir la possibilité. Déjà il avait appelé au commandement de ses troupes le général autrichien Provera, dont l'ambassadeur Joseph Bonaparte n'obtint le renvoi qu'avec beaucoup de peine. Cette résistance indisposa le Directoire : toutefois le grand âge du souverain pontife et le délabrement de sa santé trouvèrent grâce devant lui, et il résolut d'attendre sa mort, avant d'ériger les États romains en répu blique. Jugeaut nécessaire néanmoins de disposer les esprits à un changement de gouvernement, il y envoya des agents secrets qui travaillèrent avec tant d'activité, que les cris de liberté se firent entendre de toutes parts.

Les ministres du pape, instruits, dit-on, que le peuple de la capitale méditait un mouvement, Ainsi finit le premier acte d'un drame sanglant, se déterminèrent à le laisser éclater, afin de trou

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ver dans sa répression, un moyen de dégoûter les | conitaine, et la réunion à cet État, des provinces Français de pareilles tentatives: cette conduite sus-mentionnées. hasardeuse et peu apostolique n'eut pas le résultat que le saint-siége espérait.

Berthier ne perdit pas un instant pour faire ses préparatifs; il donna au général Serrurier le com

Le 27 décembre, le palais de l'ambassadeur fut mandement supérieur de toutes les troupes stationentouré par la populace, aux cris de Vive la répu-nées sur la rive gauche du Pô, pour s'opposer aux blique romaine! Les séditieux, parés de cocardes Autrichiens, en cas qu'ils voulussent s'immiscer tricolores, réclamaient l'appui de la France. Plu- dans les affaires de Rome. Six mille Cisalpins ou sieurs individus signalés comme espions du gou- Polonais furent placés à Rimini, pour couvrir la vernement, mêlés parmi eux, les excitaient de la république cisalpine. Le général Rey prit le comvoix et du geste. Joseph Bonaparte accompagné mandement d'un corps de réserve qui s'établit à de plusieurs officiers, les somma de se retirer; Tolentino, devant le débouché d'Ascoli, et tint mais, au même instant, les troupes papales ayant les communications des Apennins entre Tolentino forcé la juridiction de l'ambassade, débouchèrent et Foligno. Huit demi-brigades d'infanterie et trois de tous côtés, et firent feu sur les mutins. Le géné- régiments de cavalerie, formant à peu près 18,000 ral Duphot s'élança au milieu des troupes pour hommes, furent dirigés sur Ancône, où le général les arrêter; il fut massacré, et l'ambassadeur au- en chef arriva le 25 janvier 1798. Après avoir rait éprouvé le même sort, si la fuite ne l'eût dé-réuni ses troupes, et laissé dans cette ville le gérobé aux coups des assassins. Cette scène tragique dura cinq heures, pendant lesquelles les ministres romains ne prirent aucune mesure pour tirer la légation française de l'horrible position où elle se trouvait. Leur complicité, dont on aurait peut-être douté, se manifesta par le silence obstiné que le cardinal Doria opposa aux réclamations itératives de Joseph Bonaparte, qui prit enfin le parti de se retirer à Florence.

néral Dessoles avec des forces suffisantes pour contenir le duché d'Urbin toujours prêt à se révolter, il continua sa marche sur Rome. Cervoni commandait l'avant-garde, et Dallemagne le corps de bataille. Les troupes légères ne rencontrèrent d'autres ennemis qu'un gouverneur papal, qui fut enlevé à Lorette avec 200 hommes; et, le 10 février, l'armée française arriva devant l'ancienne capitale du monde.

Cette ville était dans la consternation. Les envoyés du pape, après avoir tenté vainement de désarmer la colère directoriale, sollicitèrent l'assistance du cabinet de Naples; mais l'aspect des forces imposantes rassemblées sur les frontières, enchaîna sa bonne volonté. Ainsi, privé de tout appui, abandonné de ses conseillers qui avaient pris la fuite, le pape, trop instruit pour compter sur la générosité de la république, se prosterną aux pieds des autels pour implorer l'assistance divine, et obtenir la conservation de son pouvoir temporel.

L'assassinat de Duphot eut des suites plus graves que celui de Basseville : les troupes qui rentraient en France reçurent ordre de rétrograder; et Berthier, qui commandait l'armée d'Italie, celui de marcher sur Rome. D'après les instructions que le Directoire lui transmit, ce général ne devait lancer son manifeste qu'à Macerata, pour épouvanter le pape et l'engager à prendre la fuite. Il lui était recommandé de favoriser secrètement les provinces de Pesaro, d'Urbin et de Sinigaglia, dans leurs projets de réunion avec Ancône. Dans le cas où Rome eût été occupée par un corps considérable de troupes napolitaines, l'intention du Directoire était que Berthier négociât pour obtenir la partie des États romains, en deçà de l'Apennin, et la province de Perugia. Enfin, s'il était démontré qu'on ne pût prévenir l'armée napoli-vait y entrer que comme allié de la république taine à Rome, le général était autorisé à conclure un accommodement avec le pape, en lui imposant la condition de reconnaître la république an

La prise de Rome n'eût offert aucune difficulté; mais, conformément à ses instructions, Berthier se contenta de faire occuper le château Saint-Ange, et tint son armée campée hors des murs. Il ne de

romaine, et jusque-là les fondateurs de cet État se tenaient prudemment cachés. Enfin, le mouvement insurrectionnel eut lieu, le 15 février : le peuple

se réunit au Campo-Vaccino, prononça l'abolition du gouvernement sacerdotal, et envoya une députation au général français, pour lui annoncer qu'il venait de recouvrer ses droits. Berthier fit alors son entrée triomphante, aux acclamations d'une populace ivre de joie et de licence; puis signifia au pape l'ordre de se retirer en Toscane, où ce vieillard vénérable ne tarda pas à éprouver des vexations aussi blâmables qu'inutiles.

Pendant qu'on travaillait ainsi à régénérer Rome, les ennemis de la république qui cherchaient tous les moyens d'expulser les Français de leurs conquêtes, fomentèrent partout la révolte, et cherchèrent à affaiblir la discipline, en détruisant les liens d'estime et de confiance qui attachaient les soldats à leurs chefs. On ne peut se dissimuler que la conduite de quelques généraux ne favorisât les menées de ces émissaires : l'amour de la gloire ne fut pas toujours leur mobile, et des exactions scandaleuses souillèrent souvent leurs lauriers.

Berthier avait ordonné, à Rome, la saisie de toutes les propriétés anglaises et des émigrés français; mais le Directoire l'ayant nommé chef d'état-major de l'armée d'Angleterre, Masséna, qui le remplaça, confia l'exécution de cette mesure à des agents peu fidèles, qui, soutenus par quelques officiers, organisèrent un affreux brigandage. Les palais et les hôtels furent dévastés; et tout ce que l'exécution de l'onéreux traité de Tolentino avait laissé de richesses dans Rome, devint la proie de leur cupidité.

Cependant l'armée française, dont la présence couvrait tous ces désordres, languissait dans un dénûment absolu. La solde était arriérée de plusieurs mois; l'habillement ruiné; le soldat sans chaussure. Les agents de l'ennemi, profitant de l'incurie du Directoire, qui laissait périr ses troupes de besoin au milieu de l'abondance, présentaient aux soldats le tableau de leur misère, et par opposition, celui de l'aisance dont jouissaient les corps cisalpins. Ils leur désignaient les généraux comme des perfides, ne songeant qu'à leur fortune, et s'appropriant des contributions, qui devaient assurer le bien-être et la subsistance de l'armée. Ces insinuations, adroitement ménagées, firent une impression profonde sur des hommes irascibles et justement indignés.

Le 24 février, les officiers des corps stationnés à Rome, se réunirent pour dénoncer les déprédateurs au Directoire, et invoquer contre eux la sévérité des lois. Un homme d'un caractère moins entier que Masséna, eût facilement calmé cette effervescence; mais ce général, dont la conduite à Padoue et dans l'État de Venise, n'avait pas été d'ailleurs sans reproche, somma l'assemblée de se dissoudre; et, sur son refus, voulut faire sortir de Rome la plus grande partie des troupes. Les officiers s'opposèrent, en corps, à cette mesure; ce qui l'obligea à se retirer à Ancône, et à remettre le commandement de l'armée au général Dallemagne.

La populace romaine, qui, peu de jours auparavant, avait accueilli les Français avec des transports d'allégresse, donna dans cette circonstance une preuve de sa mobilité, en les attaquant au moment de leur désunion. Heureusement, Dallemagne rassembla quelques troupes, et dissipa la foule qui marchait contre le château Saint-Ange. Murat sortit en même temps avec une colonne mobile de cavalerie pour réduire la population de Velletri et de Castel-Gandolfo, qui s'était levée spontanément pour donner la main aux révoltés de Rome : son apparition étouffa la rébellion à son principe. Cette diversion des Romains et le départ de Masséna calmèrent l'exaltation des troupes; et bientôt elles rentrèrent dans l'obéissance. Dallemagne, débarrassé de toute inquiétude de ce côté, porta une attention sévère sur les malversations qui avaient occasionné tant de murmures : des officiers et des administrateurs désignés par la clameur publique, furent livrés aux tribunaux, et leur juste châtiment prouva aux habitants de Rome que l'armée désavouait le brigandage dont ils avaient été victimes.

Peu de jours avant ces événements, une scène à peu près semblable eut lieu à Mantoue, où les régiments de la garnison prirent les armes sans officiers avec l'intention de rentrer en France. Déjà même ils commençaient à briser les portes de la ville, lorsque le général Miollis vint à bout de les apaiser, en prenant l'engagement formel de faire acquitter la solde arriérée, et de renouveler l'habillement et la chaussure.

Un mouvement insurrectionnel d'une nature

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