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l'amnios, ce liquide s'accumule dans la vessie, qui peut alors acquérir des dimensions tellement considérables, que l'accouchement spontané est impossible même avec un bassin parfaitement conformé, et quoique la grossesse n'ait pas parcouru toutes ses périodes.

3o Les difficultés qui peuvent résulter d'une semblable disposition sont telles, qu'on a pu, dans plusieurs cas, arracher la tête et les membres sans surmonter l'ob stacle.

4° Toutes les fois que l'examen anatomique des parties a été rigoureusement fait, il a été facile de constater qu'avec le développement du réservoir urinaire coïncidait l'hypertrophie de ses parois, et en particulier de la tunique musculaire, circonstance qui, jointe à beaucoup d'autres, me permettra de démontrer, dans un autre travail, que la vessie ne joue pas seulement le rôle de réservoir passif, mais qu'elle fait, pendant la plus grande partie de la grossesse, des efforts souvent renouvelés pour se débarrasser du liquide qu'elle reçoit.

5. Si l'étude des faits qui précèdent permet d'établir qu'il est à peu près impossible de reconnaitre pendant la grossesse un semblable vice de conformation, je ne doute pas qu'on ne puisse arriver aux plus grandes probabilités, sinon à la certitude, pendant le travail.

6 Tout en tenant compte des phénomènes insolites observés pendant la gestation et qui ont une certaine valeur, quoiqu'ils puissent se rattacher à des états pathologiques divers, il est incontestable que la main introduite dans l'utérus peut seule faire reconnaître le véritable état des choses, ou du moins permettre d'apprécier avec certitude qu'une collection de liquide existe dans la cavité abdominale de l'enfant.

7° La rareté de l'ascite simple portée à ce degré extrême sera déjà une présomption qui conduira à admettre une distension de la vessie, et si l'exploration des organes génitaux permettait de constater certains vices de conformation dont il a été question, je pense qu'on pourrait hardiment se prononcer pour une rétention d'urine.

8o Dans l'une ou l'autre hypothèse, la conduite à tenir devra être la même. Quand les tractions que permet la prudence seront restées sans résultats, c'est à l'évacuation du liquide qu'il faudra songer; c'est de tous les moyens que l'art peut employer le plus simple dans son application, et celui qui, entre des mains exercées, exposera le moins la santé de la mère.

9° Puisqu'il est démontré que les altérations des organes urinaires dont il est ques

tion ne compromettent pas nécessairement la viabilité des enfants, il est rigoureusement indiqué de pratiquer la ponction avec tout le soin que comporte cette opération quand on la fait intervenir chez l'adulte. L'insertion abdominale du cordon ombilical sera un guide sûr pour le choix du point le plus favorable.

10° Il n'est pas impossible qu'en procédant ainsi on puisse, après la naissance, par une nouvelle opération, rétablir les voies naturelles nécessaires à l'excrétion de l'urine, et conserver à la vie des enfants qui, sans ces précautions, eussent été sacrifiés.

(Commissaires: MM. Devillers, Bérard et P. Dubois.)

L'Académie se forme en comité secret

pour la suite de ses délibérations sur le prix d'Argenteuil.

Séance du 5 mars.

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CAUSES DE L'anémie et de CERTAINES HYDROPISIES. MM. BECQUEREL et RODIER adressent un mémoire intitulé: De l'anémie par diminution de proportion de l'albumine du sang et des hydropisies qui en sont les conséquences. En voici le résumé et les conclusions :

1o De même qu'il existe une anémie par diminution de proportion des globules du sang, on doit également admettre un état pathologique caractérisé par l'abaissement de l'albumine du sérum.

Cette diminution de l'albumine du sérum peut se produire d'une manière rapide; elle se traduit alors par la pâleur, une teinte jaunâtre de la face, une grande débilité, et surtout une anasarque générale sans albumine dans les urines.

3o Un grand nombre d'hydropisies aiguës, regardées encore aujourd'hui comme essentielles, doivent manifestement être at tribuées à cette cause pathogénique.

4o La diminution de l'albumine du sérum peut se développer avec lenteur. Elle constitue alors un état pathologique chronique qui se traduit par des symptômes particuliers, qui sont la pâleur avec une teinte jaunâtre de la face, une débilité extrême, enfin une hydropisie générale plus ou moins intense sans albumine dans l'urinc.

5o La plupart des hydropisies, regardées autrefois comme essentielles et passives, rentrent dans le cas précédent.

6o La diminution de proportion de l'albumine du sang produite d'une manière aiguë ou chronique, est complétement indépendante de l'abaissement du chiffre des globules. Ces deux altérations du sang

existent cependant très-souvent ensemble, et c'est tantôt l'un, tantôt l'autre qui prédomine.

7° La diminution de proportion des globules est tout à fait incapable de déterminer une hydropisie, à moins que la diminution de l'albumine du sérum ne soit venue s'y ajouter.

8. Les accidents qui viennent se joindre à ceux que nous avons précédemment exposés, lorsque la diminution des globules survient comme complication, sont : un bruit de souffle au premier temps du cœur, un souffle continu dans les jugulaires ou intermittent dans les carotides, de la dyspnée et des palpitations.

90 Les causes capables de déterminer la diminution lente et chronique de l'albumine du sang, sont : une alimentation insuffisante, des pertes sanguines considérables, une diarrhée longtemps prolongée, l'intoxication paludéenne.

10° Les mêmes effets se produisant sous l'influence des maladies organiques, telles qu'une affection du cœur, une maladie de Bright, constituent un véritable état cachectique, une cachexie.

11° L'état pathologique auquel on donne en général le nom de cachexie, n'est autre que l'ensemble de symptômes qui résulte de la diminution de proportion de l'albumine unie ou non à un certain degré d'abaissement du chiffre des globules. La première de ces causes rend bien compte des hydropisies qui y sont fréquentes, de la décoloration de la peau et de l'affaiblissement profond des malades. La deuxième explique les bruits de souffles cardiaques et vasculaires, la dyspnée, les palpitations, etc. 12o Les distinctions précédentes exercent une grande influence, et doivent être prises en grande considération dans le diagnostic, le pronostic et le traitement de ces hydropisies. (MM. Andral, Grisolle et Joly sont nommés commissaires.)

NOMENCLATURE MÉDICALE. M. PIORRY, après quelques considérations historiques préliminaires sur l'origine et le caractère des nomenclatures médicales anciennes et sur les doctrines qu'elles représentent, formule les propositions suivantes, qui sont l'expression abrégée des doctrines qu'il défend :

L'âme est le point de départ de l'organisation: c'est son influence qui détermine, soit l'organisation, soit les phénomènes vitaux et variés qui ont été attachés au principe vital, aux propriétés, aux forces vitales, etc.

L'âme, le principe vital, les propriétés vitales, ne peuvent être malades; les organes seuls sont susceptibles de maladie.

La thérapie peut influer sur les organes; mais des moyens moraux pourront seuls avoir une action sur l'âme.

Il ne peut y avoir de lésion fonctionnelle sans altération momentanée ou persistante dans les organes solides ou liquides. La lésion d'un organe, sa cause simple et directe, ses effets immédials, constituent la seule idée vraie que l'on puisse se faire de la maladie. La lésion bien spécifiée, survenue sous l'influence d'une cause et déterminant un effet fixe et absolu, peut être considérée comme un élément, une unité, que nous appelons un état pathologique ou monorganie.

Si l'on considérait de cette sorte la maladie, son existence unitaire pourrait être admise; mais par maladie, on n'entend, en général, que des séries de lésions survenues chez des sujets divers, sous l'influence de causes variées, produisant des effets multiples, souvent dissemblables.

Prise dans ce dernier sens, la maladie ne peut être logiquement admise; ses formes, ses espèces, ses variétés, ses degrés, etc., ne sont autre chose que des états pathologiques et souvent nombreux, qui coincident dans certains cas, et qui, dans d'autres, se succèdent ou se lient entre eux.

Les collections symptomatiques, dites maladies, sont complétement arbitraires, et varient suivant les opinions de chaque médecin. La fièvre typhoïde, les fièvres de toutes sortes, le rhumatisme, les scrofules, etc., ne sont chacun que des réunions d'états pathologiques qui, n'étant fixés, ni sous le rapport: 1o des lésions observées; 2o du nombre de ces lésions et des organes affectés; 3° des causes de ces souffrances organiques, ne peuvent être étiologiquement et pathologiquement considérées comme des éléments unitaires, auxquels la statistique soit applicable.

Le traitement des maladies, telles qu'on les admet, ne peut pas davantage être admis sur des règles fixes et sur des données positives. Le doute, l'indécision, le scepticisme médical, présideront toujours à la thérapeutique fondée sur de telles bases. La détermination des cas où convient telle médication, repose, soit sur la connaissance exacte des états pathologiques, simples et unitaires existant, soit sur l'appréciation des causes qui ont présidé au développement de ces lésions, soit sur les relations physiologiques et pathogéniques développées entre les diverses souffrances organiques dont les malades sont atteints.

Il faut accorder la pratique avec la théorie; et, puisqu'en clinique on fait de l'organo-pathologisme, et non du nosologisme, it faut, en pathologie, étudier, non pas

les maladies, mais les états organo-pathologiques, soit dans leurs causes et leurs effets, soit dans leur simplicité et leur corré

lation.

Pour se rappeler toujours les organes malades et la manière dont ils peuvent l'être, il est utile de chercher à oublier autant que possible, l'idée de la maladie exprimée par un nom.

Puisqu'il faut oublier les entités morbides, il convient de ne plus se servir des noms qui les représentent; puisque les états pathologiques sont importants à connaître, puisque leur étude forme les fondements d'une saine pratique, on est dans la nécessité de les nommer. Or, comme la plupart d'entre eux ne le sont pas, il est indispensable de créer des mots nouveaux. Ceux-ci ne seront pas et ne peuvent être les synonymes des appellations qui désignaient les maladies. Et, dans mes doctrines, il ne s'agit pas de refaire les mots anciens pour en fabriquer de nouveaux, mais de substituer aux idées hypothétiques et erronées, des faits véritables, représentés par des expressions justes et, autant que possible, correctes.

La nomenclature ou ononisme pathologique est donc la conséquence de la doctrine organo-pathologique.

L'Académie décide que la discussion sur la communication de M. Piorry, sera ouverte après la publication de cet exposé, dans le Bulletin de la compagnie. KYSTE OVARIque. M. DEPAUL, au nom de M. Jobert de Lamballe, forcé de s'absenter, présente la pièce suivante :

M. le docteur Besnier (de Lamballe), mon confrère et mon ami, m'a prié de présenter à l'Académie une pièce d'anatomie pathologique qui me paraît mériter l'attention de la compagnie. J'ai vu la malade et j'ai visité la pièce à Lamballe.

Cette préparation se compose de deux choses distinctes: 1° d'une membrane indépendante de la tumeur et qui n'a avec elle des rapports que par quelques adhérences; 2o d'un kyste, dont les parois sont dures et épaisses. Il représente une véritable poche, irrégulièrement bosselée à sa surface externe, et lisse à l'intérieur. La cavité de ce sac contient des poils en masse, qui ressemblent à de la bourre, des dents des plaques osseuses et un os long.

La membrane, qui n'a que des moyens d'union avec la tumeur, est formée par l'épiploon, reconnaissable à sa conformation

et à sa structure.

Ce kyste me paraît appartenir au kyste ovarique, qui sera trouvé, dans l'excavation du bassin, accolé aux parois du vagin. Il a gêné l'accouchement, au point de forcer le

médecin à appliquer le forceps pour extraire l'enfant, qui était arrêté dans l'excavation du bassin par cet obstacle. Après l'accouchement, notre confrère a appliqué sur le pédicule de la tumeur une ligature, et a fait ensuite la section de celui-ci audessus de la constriction.

La malade a éprouvé quelques signes de péritonite, mais ils ont bientôt disparu, et lorsque je l'ai examinée, elle était tout à fait hors de danger.

L'examen de la malade m'a permis de constater tout à fait en haut et dans le culde-sac vaginal, une solution de continuité, comblée probablement par une substance intermédiaire.

On pourrait se demander ici, si un fœtus avait cessé de se développer, ou bien si toutes ces parties osseuses se seraient développées sous une influence morbide particulière. Je ne me permettrai pas de résoudre une question semblable, très-controversée, et que jusqu'à présent on a si diversement expliquée.

Séance du 14 mars.

MAGNÉTISME. L'Académie reçoit un paquet cacheté contenant une note sur une nouvelle méthode de magnétiser. L'auteur demande que cette note soit déposée aux archives de l'Académie.

Le conseil a pensé qu'il n'y avait pas lieu d'accepter le dépot.

Sur la réclamation de quelques membres, M. le secrétaire perpétuel rappelle la décision qui a été prise dans le temps par l'Académie, sur la proposition de Double, décision d'après laquelle toute communication sur le magnétisme animal serait considérée comme non avenue.

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L'ordre du jour, demandé par plusieurs membres, est mis aux voix et adopté; par conséquent, le dépôt n'est point accepté. MATIW. - M. André SAUTUENCEZ, de la légation de Bolivie, envoie un échantillon d'une plante nommée maliw, qui jouit, suivant lui, de propriétés médicales précieuses, notamment pour la guérison de toute espèce de plaie. (Commissaires: MM. Roux et Mérat.)

FONCTIONS DES MUSCLES DE LA FACE. M. DUCHENNE (de Boulogne) adresse sous le titre de Recherches électro-physiologiques, une note dont l'objet principal est l'étude à l'aide de la galvanisation localisée des fonctions des muscles de la face.

Voici les conclusions qui résument ce travail :

1o Les faisceaux musculaires connus sous la dénomination de muscles myrtiformes, et qui de la fossette incisive se rendent à

vagin. M. Simpson, toutefois, avec sa dextérité bien connue, réussit non-seulement à l'appliquer, mais encore à opérer la délivrance dans l'espace de quinze à vingt minutes, en tirant les épaules du fœtus à travers le rétrécissement.

La mère et l'enfant ont survécu à cet accouchement laborieux; les suites de couches n'ont présenté aucune sorte d'accident.

(Monthly Journ. of. med. Sciences et Revue médico-chirurgicale de Paris.)

Chimie médicale, pharmaceutique et agricole.

ANALYSE CHIMIQUE DE L'HUMUS ET RÔLE DES ENGRAIS DANS L'ALIMENTATION DES PLANTES; par E. SOUBEIRAN. (Suite. Voir notre cahier de juillet, p. 57).

Je considère comme inutile de rapporter les nombres que j'ai trouvés pour diverses variétés d'humus. Une d'elles, préparée avec une dissolution faible de soude caustique, a fourni jusqu'à 56,4 pour 100 de carbone. L'azote faisait toujours partie de l'humus; sa proportion a varié entre 2 et 2,5 pour 100. Je crois devoir rapporter cependant les résultats que m'a donnés l'humus, extrait de la poudre de vieux bois.

On sait que, dans les forêts, on rencontre de vieux arbres dont le tronc se décompose lentement à l'intérieur, et finit par se réduire en une poudre d'un brun plus ou moins foncé. Quand cette décomposition est très-avancée, il suffit d'un choc un peu fort pour faire tomber en abondance ce produit de décomposition. Dans un vieux chêne de la forêt de Fontainebleau, percé d'un large trou par le bas, au niveau du sol, j'ai recueilli le bois transformé qui a servi à mon expérience. Il était humide, sa couleur était celle du tabac

Humus 3,66 grammes.
Acide carbonique.

Eau.

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d'Espagne; ses propriétés étaient celles du terreau le plus pur.

Il était insipide et inodore, il ne colorait pas l'eau, il donnait avec l'ammoniaque une dissolution très-foncée; repris ensuite par un acide, puis encore par l'ammoniaque, il la colorait de nouveau. Enfin, ce vieux bois, ainsi épuisé, donnait promptement une nouvelle liqueur colorée au contact de l'air et des alcalis. La poudre de vieux bois consistait donc en un mélange d'humus pur, d'un peu d'humate de chaux, et de matière non encore transformée, mais capable de se changer en humus, au contact de l'air et des alcalis.

J'ai extrait l'humus du vieux bois, en le lavant d'abord avec de l'eau, puis en le traitant par l'ammoniaque. Cette dissolution a été précipitée par l'acide chlorhydrique, et l'humus a été purifié par des lavages successifs à l'eau, à l'alcool bouillant et à l'éther. J'ai ensuite procédé à son analyse. Il laissait 7,16 p. 100 de cendres. Par la méthode de Warrentrap et Will, accusait 2,5 p. 100 d'azote. La combustion par l'oxyde de cuivre et le chlorate de potasse (déduction faite des cendres) a donné :

1,15 gr.-carbone.
0,248 hydrogène

azote

oxygène.

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il

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hydrogène.

azote oxygene

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4,8

2,5

37,7

100

ble que ce soit là la limite extrême que puisse atteindre la décomposition du ligneux quand on n'a pas recours à la chaleur et à des alcalis concentrés. Cette limite est bien éloignée, comme on le voit, du terme (72 pour 100), que M. Péligot a atteint dans l'ulmine artificielle.

Quant à l'azote, il est toujours un des

éléments constituants de l'humus, mais il serait impossible de dire quelle proportion lui appartient, et quelle proportion peut faire partie des produits azotés qui lui seraient mélangés. Il faut remarquer que dans la poudre de chêne usé, la quantité d'azote est plus forte que dans le bois de chêne qui lui a donné naissance. Ce fait rend probable qu'une partie de l'azote de l'air a été fixée pendant la décomposition du bois. C'était l'opinion de Théodore de Saussure. On pourrait arguer cependant des dépouilles que les insectes ont pu y laisser; mais depuis longtemps ils ne trouvaient plus un refuge dans cette poudre sans consistance, que le moindre ébranlement fait tomber au pied de l'arbre.

M. Liebig a admis que, par une décomposition plus avancée, l'humus se transforme en pourri, qui serait caractérisé par une plus forte proportion de carbone, et parce qu'il ne serait susceptible d'agir sur l'air qu'en présence des alcalis. Je ne connais aucune expérience qui puisse faire croire à l'existence de ce corps; sa formation est même rendue tout à fait improbable par les faits que j'ai rapportés. Nous voyons, en effet, que l'humus pur, c'est-àdire dissous par un alcali et précipité, n'exerce sur l'air qu'une action insignifiante; c'est à peine si, en six mois, conservé sur le mercure, il a modifié d'une manière sensible le volume de l'air. Si on ajoute de l'ammoniaque, l'effet est un peu plus marqué, mais l'action est encore des plus lentes, et il faudrait de longues années avant que l'humus ait pu atteindre la proportion de 72 p. 100 de carbone, à laquelle il est encore soluble dans l'ammoniaque. Cette limite n'approche pas même, dans la poudre de vieux bois, qui, pendant quinze à vingt ans peut-être, a subi l'action oxygénante de l'air.

Action de l'humus sur la végétation.

Les agronomes croient que l'humus sert directement de nourriture aux végétaux. Pour M. Liebig, son utilité consiste en ceci, qu'étant dans un état continuel de décomposition, l'humus forme de l'acide carbonique qui est absorbé à mesure par les racines. Le célèbre chimiste de Giessen me paraît avoir rabaissé beaucoup trop les services de l'humus comme matière alimentaire des plantes. Les motifs qu'il a apportés à l'appui de son opinion n'ont pas toute la valeur qu'il leur a accordée. Combattant l'idée que le terreau peut être absorbé à l'état d'humate de chaux, M. Liebig éta blit, d'après la quantité de bases trouvées dans les cendres des végétaux et d'après la

composition des humates, qué la quantité de carbone qui aurait été introduite sous cette forme ne serait qu'une partie très-minime du carbone total de la plante. Le peu de solubilité de l'humate de chaux lui fournit encore un argument dans le même sens; mais l'un et l'autre ont perdu leur portée quand j'ai eu fait voir que c'est surtout à l'état d'humate d'ammoniaque que l'humus pénètre dans le végétal. Le carbonate d'ammoniaque qui se forme par la putréfaction des engrais agit pour dissoudre l'humus formé, pour activer sa formation sous l'influence combinée de l'air, ou pour amener, à l'état de dissolution, l'humus qui est contenu dans le sol, à l'état d'humate de chaux. La quantité d'humus absorbé par la plante ne peut donc être appréciée ni par la solubilité de l'humate de chaux dans l'eau, ni par la proportion des cendres de la plante. L'ammoniaque qui a servi de dissolvant est élaborée et transformée dans le tissu de la plante, et concourt directement à la formation des produits azotés.

M. Liebig fait valoir encore que les bois, que les prairies améliorent la qualité du sol, bien qu'on n'y apporte pas d'engrais, qu'on enlève chaque année des récoltes en foin et en bois. Les plantes rendent donc au sol plus qu'elles n'en reçoivent, et le carbone enlevé sous forme de récolte provient de l'atmosphère. On ne saurait admettre ce raisonnement contre l'utilité de l'humus, car si l'humus absorbé a pour effet de donner une nourriture qui augmente la vitalité de la plante, et qui accroisse le nombre et le volume des organes de l'absorption, il arrivera que la plante puisera plus largement dans l'atmosphère. L'humus, sans avoir fourni tout le carbone, sera la cause efficace de cette production surabondante de bois et des autres éléments du végétal; la question n'est-elle pas tranchée, d'ailleurs, par ce fait si vulgairement connu, que dans une terre sans humus, la végétation est toujours maigre et peu productive?

Dans l'hypothèse de M. Liebig, suivant lequel le rôle du terreau se bornerait à fournir aux racines l'acide carbonique qui résulte de sa transformation, l'humus luimême cesse d'être en cause. Ce n'est pas lui, en effet, qui se transforme, c'est le ligneux, c'est le terreau charbonneux. Une fois changés en humus, ils cessent d'agir, car l'humus, soluble dans les alcalis, se conserve avec une extrême ténacité au contact de l'air et de l'humidité; si les alcalis interviennent, la décomposition en est à peine activée. Dans quel but la nature irait-elle produire un corps qui doit rester inactif et inerte? Comment supposer d'ail

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