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On fait macérer l'ipécacuanha avec le vin pendant douze heures. On obtient ordinairement 1,400 grammes de macéré, qui est ajouté à l'eau de fleurs d'oranger. Il en résulte un liquide du poids de 3,000 grammes.

L'aréomètre y accusant 3° de densité, il convient d'ajouter :

Sucre blanc en petits morceaux. 5,190 grammes.

Faites un sirop en chauffant légèrement au bain-marie. Ensuite le résidu du macéré d'ipécacuanha, le séné, le thym et les fleurs de pavot rouge sont mis à infuser pendant douze heures, avec 6,000 grammes d'eau bouillante. En exprimant la masse, on obtient un infusé du poids de 5,000 grammes. On y fait dissoudre le sulfate de magnésie (1). L'infusé marque à l'aréomètre 4o de densité. Par conséquent, on ajoute :

Sucre blanc.

8,350 grammes.

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m'ont été transmises par M. Luyckx, mon honorable prédécesseur à la pharmacie centrale.

PROCÉDÉ NOUVEAU POUR OBTENIR LA SOLUTION DE PERCHLORURE DE FER NEUTRE ET INAL

TÉRABLE. Malgré les procédés nombreux publiés en ces dernières années, la thérapeutique est loin encore de posséder une solution neutre et réellement inaltérable; aussi de graves accidents à la suite de l'emploi de ce précieux agent viennent de temps en temps rappeler le desideratum. Un sagace pharmacien de Paris, M.Adrian, dans un travail adressé à l'Académie, a repris l'étude de la question. Voici le procédé aussi sur qu'élégant que M. Adrian recommande à ses confrères pour obtenir la solution officinale de perchlorure de fer.

Le procédé que je suis déjà depuis longtemps dans mon officine, pour la solution de perchlorure de fer neutre, est très-simple. I consiste à préparer, au moyen de l'acide chlorhydrique et des pointes de Paris, une solution de protochlorure de fer marquant 25 degrés Baumé. Pour éviter toute peroxydation du fer, cette préparation est versée aussitôt dans une série de flacons de Wolf, dans lesquels on fait arriver un courant rapide de chlore bien lavé, pendant cinq à six heures environ. Ce temps suffit ordinairement pour faire passer tout le protochlorure de fer à l'état de perchlorure de fer dans les premiers flacons qui suivent les vases laveurs. Les derniers flacons, qui ne sont pas saturés, sont mis à la place des premiers, et ceuxci remplis par une nouvelle solution de protochlorure de fer, si l'on veut rendre l'opération continue. La solution de perchlorure de fer, versée dans une capsule de porcelaine, est soumise à une température qui ne doit jamais dépasser 50 degrés centigrades pendant une heure environ. Vers la fin de l'opération, on fait passer dans la liqueur un courant d'air pour enlever les dernières traces de chlore qui peuvent rester en dissolution. La liqueur obtenue marque de 29 à 32 degrés; on la ramène au degré voulu, soit en prolongeant l'évaporation, soit en ajoutant un peu d'eau distillée.

Le perchlorure de fer obtenu par ce procédé est chimiquement neutre, comme le prouvent les analyses suivantes; et des solutions conservées depuis longtemps n'ont point subi la moindre altération, tandis que le perchlorure de fer obtenu par les autres procédés s'altère dans les premiers jours qui suivent sa préparation.

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depuis la première apparition du mal jus-
qu'à la terminaison fatale; on a pu, par
conséquent, constater avec exactitude un
premier dérangement caractérisé par les
craintes exagérées sur la santé avec le re-
tour à la raison pendant trois ans, puis une
seconde affection qui s'est montrée avec
les caractères de la paralysie générale,
d'abord sous la forme maniaque ambitieuse
et ensuite sous la forme démente paraly-
tique.
OBS. VI. Exaltation à forme hypo-
chondriaque. Guérison, mais avec une
exagération des dispositions habituelles.
Apparition au bout de trois ans de la para-
lysie générale, d'abord sous le type mania-
que ambitieux, puis sous celui de la démence
Mort.

paralytique. Chlore. 16,989 16,959

Oxyde de fer.. 12,80 Fer... 8,960 8,976

Ces résultats sont tout à l'avantage du procédé et prouvent que la solution de perchlorure de fer obtenue en suivant les précautions que je viens d'indiquer est bien chimiquement neutre.

(Bullet. général de thérap., 30 janv. 1861.

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M. T..., âgé de cinquante-deux ans, d'une bonne constitution, avait toujours été d'un caractère irascible, exagéré, s'irritant des moindres observations, ne pouvant supporter le plus léger malaise. Ces dispositions sont assez généralement celles de ses compatriotes. Depuis plusieurs années il était sujet à un eczéma qui avait son siége à la partie interne des cuisses. On lui conseilla de faire des lotions sulfureuses. Ce moyen guérit l'affection cutanée; mais il assure qu'à la suite de ce traitement, il se déclara une névralgie intercostale du côté droit qui s'irradiait au cou et à la colonne vertébrale. Quatre mois de médication ne l'ayant pas soulagé, il se rendit dans un grand établissement de Paris. La violence de ses plaintes, ses accès de colère, ses menaces continuelles de mort, engagèrent le médecin à lui conseiller une maison de santé spéciale. Quand il arriva chez moi, il accusait les douleurs les plus intolérables. A l'entendre, il était torturé, atrophié, perdu, il ne lui restait qu'à mourir. On ne pouvait le toucher sans qu'il proférât les plaintes les plus vives; il semblait qu'on lui arrachât la peau. Au bout de quelques jours de l'emploi de bains prolongés, il y eut du mieux; dès qu'il ressentait la plus petite atteinte de son mal, il jetait les hauts cris, pleurait, gémissait, se roulait par terre, voulait se tuer, sans faire cependant aucune tentative réelle. Ce malade était le tourment de la maison; il réclamait les secours de la médecine jour et nuit, et quand on lui faisait quelques observations sur ses exigences, il répondait : «Que m'importe votre sommeil; moi, je sens que je vais mourir, et le médecin se doit au malade qui est en danger de mort. »

Peu à peu, cette grande exaltation se calma; au bout de trois mois il se trouvait

beaucoup mieux et pouvait faire des excursions dans Paris. Dans les six dernières semaines, il allait fréquemment au spectacle, à la campagne avec des personnes de ma famille; il ne lui restait que cette exagération qui est particulière à certaines parties des contrées méridionales, seulement plus prononcée chez lui. M. T... parlait de sa fortune, de ses actes, de sa conduite, de ses connaissances, avec des expressions tellement hyperboliques, que nous disions tous: «Il est menacé de paralysie générale, il aura la manie des millions. » Il proposait sans cesse des opérations qui devaient faire gagner des sommes considérables. Une amélioration réelle avait eu lieu dans son état; ses souffrances névralgiques étaient trèssupportables, il s'occupait de ses intérêts; il se détermina à retourner chez lui pour reprendre ses occupations. Lorsqu'il nous quitta, il ne présentait et n'avait jamais présenté aucun signe d'embarras de la parole, de faiblesse dans les membres, de diminution de la sensibilité, d'altération de la vue. M. T... était observé avec le plus grand soin, à raison des rapports intimes qui s'étaient établis entre nous.

Un an et demi après son départ, il revint à Paris et descendit dans ma maison; à part ses exagérations habituelles qui étaient un peu plus marquées, il avait toute son intelligence, faisait des affaires, mais il y mettait une opiniâtreté et un entêtement qui excluaient tout conseil et nuisaient souvent au succès; de grandes dépenses avaient lieu sans utilité, il achetait sans marchander et faisait des cadeaux dispendieux ; il ne fut soumis à aucun examen. Du reste, sa conduite n'offrait rien de particulier, et il ne donnait pas de signes de la maladie que nous redoutions. Un de mes fils fut, quelque temps après, passer un mois avec lui, et il ne constata que des emportements et des accès de colère poussés à l'extrême, à la moindre observation.

Trois ans et demi après sa sortie, M. T... nous fut ramené pour être soigné d'une paralysie générale. Voici ce qui s'était passé : les douleurs névralgiques qui s'étaient montrées quelques années avant sa première admission, et qui avaient beaucoup diminué, sans cesser entièrerement, ne se faisaient plus sentir depuis un an. Cette disparition n'avait pas tardé à faire place à un changement radical dans le caractère. D'emporté et de colère que M. T... se montrait habituellement, il était devenu doux, facile à conduire, mais complétement inhabile aux opérations industrielles. Il ne voulait plus en enten

dre parler, lorsqué ses enfants le conjuraient de les laisser faire et lui représentaient les pertes qui résultaient de cette inaction, il leur répondait : « Nous reprendrons nos opérations à la saison prochaine. Qu'importe que nous perdions maintenant cinquante mille francs, nous en regagnerons cinq cent mille dans un an. Il voyait partout des gains prodigieux et se croyait possesseur de sommes fabuleuses. Bientôt il fit des actes excentriques; il allait dans les cafés, vêtu de la manière la plus singulière, affichait des prétentions à plaire et parlait à tout le monde. L'argent était dépensé à des inutilités. La mémoire se perdait; on remarqua de l'hésitation, du bégayement. Les enfants qui avaient été bien renseignés sur la nature du mal, vinrent de nouveau le confier à mes soins.

Peu de jours après son arrivée, MM. Calmeil et Parchappe, appelés en consultation, diagnostiquèrent une démence paralytique grave, avancée, et qui devait marcher vite. Pendant les cinq ou six premiers mois qu'il passa avec nous, il allait et venait, faisait ses paquets pour retourner chez lui, mais abandonnait cette idée à la première observation; sa sensibilité cutanée était très-émoussée; on le pinçait sans qu'il fit de mouvement; il serrait médiocrement; il conservait encore ses idées de richesses, et disait de temps en temps qu'il allait faire une année magnifique, gagner des centaines de mille francs, des millions. Mais l'activité qu'il avait conservée fut insensiblement remplacée par de l'apathie; il vacillait sur ses jambes et tombait de temps en temps. Dans cette période, il ne parlait plus de grandeurs et de richesses que de loin en loin; il passait ses journées sur une chaise, triste, le regard morne, disant qu'il était mal; un jour, quoique la mémoire fût presque perdue, il s'écria qu'il allait devenir fou. Dans les derniers mois de son séjour à la maison, il ne quittait plus le coin du salon dans lequel on le plaçait; son œil était fixe, sans expression, il ne reconnaissait plus les siens ou les confondait les uns avec les autres; il répondait à peine et d'un air distrait aux demandes qu'on lui faisait. La parole était fort embarrassée, l'incohérence très-marquée; on le conduisait comme un enfant; il laissait aller sous lui et se tenait difficilement debout. L'altéra tion qu'il avait subie était si grande, que nous pensâmes, lorsqu'il partit pour son pays, qu'il succomberait en quelques mois. Il vécut encore près de deux ans, après avoir eu des contractions spasmodiques,

des contractures des membres, des plaies, des eschares, qui guérissaient et revenaient, pour se guérir encore.

Cette observation, dont le sujet n'a jamais été perdu de vue, est intéressante à plus d'un point. On suit d'abord pas à pas la longue incubation de la paralysie générale à laquelle cette organisation malheu reuse est, pour ainsi dire, fatalement prédisposée. Un premier dérangement de l'esprit, caractérisé par une hypochondrie exagérée, annonce l'approche du mal; ce fait confirme l'opinion émise par M. Baillarger sur le délire hypochondriaque, considéré comme symptôme précurseur de la paralysie générale. Un temps d'arrêt a lieu par les efforts de la nature; mais pour le personnel médical de l'établissement, la paralysie des millions éclatera dans un avenir plus ou moins éloigné; les rudiments intellectuels existent, il ne manque que ceux de la motilité. Trois ans se passent au milieu d'emportements, de colères non motivées; ses affaires se font parce qu'elles sont forcées, mais elles se heurtent à chaque instant contre un jugement faussé, une volonté capricieuse, des actes qui, sans être marqués au sceau de la folie, sont souvent blessants. La fortune peut être compromise, perdue à chaque moment, à raison des déterminations qui proviennent d'un cerveau placé dans de pareilles conditions, mais il faut rester l'arme au bras, contempler les événements sans pouvoir les prévenir, parce que la loi ne permet dans ce cas aucune mesure de conservation tant que l'individu parle raisonnablement. Enfin le moment est arrivé, le mal est sùr, il va se produire. Il se passe ici un phénomène que nous avons souvent noté dans les cas de l'espèce, la névralgie qui durait depuis des années cesse entièrement. Presque aussitôt il se fait un changement radical dans le caractère : il se montre tout l'opposé de ce qu'il avait été jusqu'alors. Quoique nous avons observé le plus ordinairement que la folie exagérât les qualités et les défauts de l'individu, il y a des exemples qui prouvent qu'elle substitue quelquefois un nouveau caractère à l'ancien. Ce phénomène est suivi des symptômes de la manic paralytique forme ambitieuse, et celle-ci, après avoir duré plusieurs mois, est remplacée par la démence paralytique, mêlée momentanément à un peu de dépression mélancolique, dans laquelle s'éteint le malade, après une lutte de plus de deux ans.

à

Les observations qu'on vient de lire ne laissent aucun doute sur les changements que peuvent éprouver le caractère, l'hu

meur, la conduite. Dans l'analyse de nos cent cas de paralysie générale, on trouve, lorsqu'on est arrivé à l'étude de la troisième catégorie, comprenant les désordres de l'intelligence précédant ceux de la motilité, et qui se compose de quarante-deux observations, qu'un des premiers et des plus constants désordres intellectuels appréciables est un changement de caractère qui consiste ordinairement en une irritabilité plus grande, en des mouvements d'impatience, de colère, de violence. Il s'observe dans les trois quarts des cas.

Chez un nombre beaucoup plus restreint d'individus, la maladie est au contraire précédée d'un état de calme, de placidité, d'indolence, d'apathie. Ces personnes raisonnent bien, conviennent qu'elles doivent travailler, agir, prendre un parti; mais entre la parole et l'action il y a un abìme qu'elles ne peuvent franchir. Un des plus anciens exemples que nous ayons observés de ce changement est celui d'un jardinier en chef d'une riche maison. Pendant plusieurs années, il s'était très-bien acquitté de sa place, dans laquelle il fallait autre chose que de la routine. Son activité étant extrême, il suffisait à tout. Peu à peu il devint silencieux, se relâcha de sa surveillance; il se plaignait d'un embarras dans la tête; il raisonnait encore bien, mais convenait que le repos lui serait utile. Il nous fut confié pendant deux mois. Dès le premier, il parut aller mieux; le second, il s'entretenait avec une grande lucidité de ses travaux d'horticulture; il était intéressant à entendre, et paraissait vivement désirer reprendre ses occupations; il indiquait encore des améliorations à faire. Nous le crùmes complétement rétabli, et nous engageâmes son maître à le retirer. Quelque temps après, nous eûmes de ses nouvelles; de retour à la campagne, il disserta sur ce qu'il y avait à faire, mais ne put rien exécuter, donner aucun ordre; il était toujours indécis. Il fallut le ren

voyer.

Le second exemple est celui d'un architecte, également confié à nos soins. Maric à une jeune femme qui lui était très-attachée, celle-ci s'aperçut, au bout de deux ans de mariage, qu'il gardait ses projets et ne paraissait plus s'en occuper : il promettait d'aller voir, de commencer, se promenait, et ne sortait pas de sa maison. Aux représentations de sa femme, il répondait qu'il ne demandait pas mieux que de travailler, et continuait à ne rien faire, et cet état persista un an. On s'aperçut que M. A... devenait plus irritable, bourru, et qu'il avait des absences. Par moment,

il bégayait. Ce fut alors qu'il nous fut amené. Il était au second degré de la paralysie générale, dont les symptômes ne s'étaient clairement manifestés que depuis cinq à six mois. Il devint plus doux, mais resta toujours apathique. Après un séjour de six mois, sa famille, le trouvant mieux, le reprit. Cet état stationnaire persista plus d'un an; puis la maladie fit des progrès, et il succomba au bout de deux

ans.

Au lieu de l'irritabilité colérique, de l'apathie raisonnée, ou avec l'un ou l'autre de ces états, il peut se manifester des symptômes plus graves; c'est ainsi qu'on note des perversions des facultés morales et affectives. Les familles s'affligent de ces changements, sans prévoir qu'ils se rattachent à une maladie très-souvent mortelle; et, en effet, ces individus continuent à s'acquitter des devoirs de la vie sociale. On note bien de temps en temps des actes d'indélicatesse, d'improbité, de débauche, etc.; on s'en afflige, mais on fait tous ses efforts pour les cacher, les réparer; quelquefois le scandale est assez grand pour qu'il y ait des poursuites, même des eondamnations.

C'est dans cette période prodromique de la paralysie générale, qui peut persister pendant plusieurs années, qu'on voit des hommes qui jusqu'alors s'étaient montrés religieux, de mœurs pures, probes, présenter les contrastes les plus opposés. De ces perversions, celle qui a le plus frappé est la manie du vol, qu'on peut rattacher à une disposition d'esprit, très-commune chez les paralysés généraux, par suite de laquelle ils se croient riches, puissants, maitres de tout ce qu'ils voient. Nous en avons cité plusieurs exemples, rappelonsles en quelques lignes. Le baron de V..., employé supérieur dans une grande administration où il remplit très-bien ses fonctions, donne, six ans avant son entrée dans mon établissement, des signes d'une altération notable de sa manière d'être; habituellement généreux, vivant dans d'excellents rapports avec sa femme, il se montre d'une avarice sordide, d'une débauche effrénée, et finit par dérober chez ses amis.

L'officier ministériel qui volait dans les ventes, et dont l'affaire eut un grand retentissement dans le temps, avait d'abord été interrogé, arrêté et mis en prison. Sa défense qui consistait à dire qu'il ne faisait qu'user d'un droit de sa profession, son calme, son insouciance, le peu d'impression que produisait sur lui l'appareil de la justice et les conséquences de ses

actes, ses antécédents jusqu'alors irréprochables, firent penser aux magistrats qu'il y avait dans ce cas un dérangement intellectuel. On lui fit donner sa démission, et il fut confié aux soins de sa famille ; mais près de sept ans s'écoulèrent avant que la folie ne fût reconnue.

L'employé du chemin de fer qui avait fait des détournements assez considérables, sans qu'on soupçonnât son désordre mental, répondait aux questions qu'on lui adressait à ce sujet : « Je n'ai pris que ce qui m'appartenait; cet argent était le mien, je l'avais gagné par mon travail et les améliorations que j'avais introduites dans l'administration. » Les raisonnements qui justifiaient cette opinion ne pouvaient laisser aucun doute sur le désordre déjà avancé de son esprit.

Ce n'est pas, en effet, un des côtés les moins curieux de la paralysie générale que cette manie ambitieuse. Ce caractère est d'autant plus utile à noter, qu'il arrive souvent que les facultés paraissant dans leur état naturel, personne ne se doute de la perturbation qui existe. Dans l'origine, l'exagération du moi que j'ai particulièrement signalée, la manic ambitieuse, ne se présentent pas avec les formes tranchées, ridicules, qu'elles auront plus tard. Les paralysés généraux en germe ont une exubérance de contentement et de puissance; ils parlent, les uns, de places, de dignités, de distinctions honorifiques; les autres, de spéculations, d'opérations, d'achats à faire qui offrent de grandes chances de fortune. Ceux-ci s'entretiennent d'améliorations, de perfectionnements, de découvertes; ceux-là de pièces de comédie, de romans, de livres à publier; leur mérite se trouvera récompensé. On prend ces discours pour les simples manifestations de ces désirs qui ne cessent d'agiter l'homme; mais comme aucune phrase singulière, aucune action insolite n'a éveillé l'attention, on ne s'en occupe pas autrement; ou si les personnages en question se montrent plus vifs, plus gais, plus entreprenants que d'habitude, se livrent à quelques déviations de la vie normale, on prononce le nom d'excentrique, et tout est fini.

On a voulu singulièrement circonscrire depuis quelques années cette folie des richesses, cette manie de grandeurs, cet orgueil du moi, que Bayle avait donné comme un des signes caractéristiques de la paralysie des aliénés, et qui ne révèle que trop, dans son expression pathologique, une des plaies morales de ce siècle. Nous avons cherché à nous renseigner sur l'exactitude de ce fait. Déjà nous nous étions

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