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M. Gille: Une question est controversée au sujet de l'action de l'hydrate de chloral dont vient de vous entretenir M. Willième c'est celle de savoir comment il se comporte dans l'économie. Des expériences, qui viennent d'être faites, et que M. Willième ne mentionne pas dans son travail, démontrent que l'hydrate de chloral se transforme réellement en chloroforme et en acide formique dans l'économie.

M. Personne vient de faire ces expériences au moyen de l'appareil qu'on emploie ordinairement dans les recherches. toxicologiques du chloroforme. Il a constaté d'une manière évidente la présence de ces corps dans le sang, corps qui, d'après lui, sont ensuite convertis en chlorure de sodium et en formiate de soude, produits de son élimination.

5, OBSERVATION d'un polype pharyngien inséré sur la partie inférieure de la paroi latérale gauche du phaÉcrasement linéaire. rynx. Guérison; par M. le docteur LARONDELLE, correspondant,

L'an dernier, le 6 du mois d'août 1869, la nommée Marie Vanderaedt, domiciliée à Eupen (Prusse), vint me consulter. Depuis longtemps elle éprouvait une très-grande gène dans la gorge. Elle était âgée de 28 ans, non mariée, ménagère de profession. D'un tempérament lymphatique, d'une constitution faible, elle avait un teint chloro-anémique très-prononcé. Tout son corps était d'une maigreur extrême. Il n'en avait pas toujours été ainsi; autrefois sa santé était excellente et sa constitution bien forte; mais depuis seize mois environ, elle ressentait une difficulté dans la déglutition. Cette difficulté, d'abord légère, avait fait des progrès incessants. Cette fille s'était adressée à plusieurs médecins qui ne l'avaient traitée que par des absorbants et des toniques. Quoi qu'il en soit, depuis six

mois, la dysphagie était devenue complète; les aliments solides ne passaient plus du tout, les liquides mêmes revenaient trèssouvent par les narines. La voix avait subi de profondes altérations, son timbre était devenu enroué et nasillard; on avait beaucoup de peine à comprendre ses paroles; elle parlait comme si elle avait une boule dans la gorge. La respiration était bruyante et génée; des accès de suffocation et des quintes de toux très-pénibles se déclaraient fréquemment. A ces tourments venaient s'ajouter des nausées, quelquefois même des vomissements.

A l'inspection de l'arrière-bouche, on découvrait, en abaissant la langue, une tumeur située en arrière de la base de la langue; elle remplissait tout l'espace compris entre ce dernier organe et la paroi postérieure du pharynx. Elle descendait en bas jusque sur le larynx. En provoquant des nausées, on voyait la tumeur remonter un peu en haut, tout en restant audevant du voile du palais. Elle paraissait être de forme arrondie; sa couleur était rougeâtre, sa surface unie; elle n'était pas très-dure au toucher. Aucune fluctuation n'y était sensible; elle n'était pas animée de battements. Elle n'était le siége d'aucune douleur, soit spontanée, soit à la pression. Le doigt pouvait la circonscrire en tous sens, sauf à gauche, où elle avait son point d'insertion sur la paroi latérale gauche du pharynx, en arrière de la base de la langue, en-dessous de l'amygdale et au-devant de la partie inférieure du pilier postérieur du voile du palais. Cette attache avait lieu au moyen d'un pédicule trèscourt, de deux centimètres environ d'épaisseur. On ne constatait nulle part d'engorgement ganglionnaire.

Le diagnostic de cette tumeur n'offrait pas de grandes difficultés. Et d'abord elle ne provenait ni de l'amygdale, ní du voile du palais; ces organes situés au-dessus d'elle, se trouvaient dans leur état normal. L'idée d'une excroissance syphi

litique devait aussi être écartée, parce que la malade n'avait jamais eu d'antécédents de cette nature. Ce ne pouvait être non plus un abcès, car cette espèce de tumeur présente de la fluctuation et une large base. Des tumeurs cancéreuses envahissent quelquefois le pharynx; mais ces néoplasmes contractent des adhérences intimes avec les tissus voisins, en outre, ils s'ulcèrent promptement et sont accompagnés d'engorgement ganglionnaire, et rien de cela n'existait. Un anévry sme de la carotide interne peut proéminer dans le pharynx, mais outre qu'il est fluctuant, il est le siége d'un bruit de souffle et de battements isochrones aux pulsations artérielles, et ce n'était pas notre cas. Une tumeur ganglionnaire peut également se montrer dans la cavité pharyngienne, mais contrairement à ce que nous constations, ces tumeurs ne sont pas pédiculées et dans le cas actuel on aurait dû pouvoir constater son existence à l'extérieur même du cou. Était-ce peut-être un kyste? D'abord, les kystes sont ordinairement fluctuants, ensuite ils sont tellement rares dans cette région que nous n'avons pas même cru devoir faire une ponction exploratrice pour éclairer le diagnostic.

Nous sommes arrivés ainsi, par voie d'exclusion, à regarder la tumeur pour un polype. Son insertion nous montrait que ce n'était ni un polype laryngé, ni un polype naso-pharyngien ; c'était un polype pharyngien proprement dit.

C'était cette tumeur qui faisait obstacle à la nutrition et au passage de l'air. Son ablation était d'une nécessité évidente. Pour l'opérer je n'hésitai pas à choisir la méthode par écrasement linéaire, parce que l'instrument de M. Chassaignac m'a rendu de très-grands services dans l'ablation d'un grand nombre de tumeurs diverses.

Je fis l'opération le 12 août, dans la demeure de la malade, à Eupen, avec l'assistance de Messieurs les docteurs Buttgenbach d'Ensival, et Cuper d'Eupen.

La malade fut placée sur une chaise, en pleine lumière devant une grande croisée. La tête, un peu renversée en arrière, fut maintenue dans cette position par un assistant. Une large spatule, introduite dans la bouche, abaissa la langue, et, au moyen de pinces de Museux, je saisis solidement le polype et l'attirai ensuite de la profondeur du pharynx vers la cavité buccale. Ces pinces furent confiées à l'un de mes aides, et je conduisis au moyen du doigt l'anse de la chainette autour du pédicule du polype. L'instrument, une fois bien placé, fut mis en jeu avec la lenteur prescrite. Mais, alors que la chainette commençait à sectionner le pédicule, il survint une menace d'asphyxie, qui nous obligea de terminer l'opération avec célérité. Les pinces de Museux ramenèrent le polype en entier au-dehors de la cavité buccale. En explorant ensuite le pharynx au moyen du doigt, je constatai l'existence d'un petit moignon du pédicule sur la paroi du pharynx. Point ne fut nécessaire de recourir aux hemostatiques préparés d'avance en cas de besoin.

La malade jouit immédiatement du bénéfice de l'opération; elle se sentit délivrée à l'instant même de toutes les souffrances qui l'avaient affligée depuis si longtemps.

Aujourd'hui, il y a près de sept mois que la tumeur a été enlevée et aucune récidive n'est venue ternir le succès de l'opération. Le reste du pédicule a complètement disparu, seulement à sa place, la muqueuse paraît un peu plus dure au toucher.

Examen de la tumeur. Elle est de forme ovale, d'une couleur rougeâtre; son grand diamètre mesure 7 centimètres, son petit 4 centimètres. Sa consistance est plutôt molle que dure; sa surface est unie et lisse; elle est recouverte par une membrane muqueuse très-mince et très-adhérente; celle-ci manque dans le point qui correspondait à son attache à la paroi du pharynx, et cela dans une étendue de 4 centimètres de dia

mètre. Cette partie dépourvue de muqueuse a une couleur blanchâtre. A la surface de la tumeur on ne distingue aucune trace d'insertion du pédicule. Celui-ci était donc formé par la muqueuse elle-même.

A l'incision, on voit que l'intérieur de la tumeur est d'une couleur blanchâtre; la surface de section est lisse.

M. le professeur Van Kempen, de Louvain, a eu l'obligeance de soumettre le polype à l'examen microscopique. Il a trouvé que cette tumeur est composée de tissu conjonctif et de tissu élastique, qui circonscrivent des alvéoles remplies de vésicules adipeuses. Le tissu adipeux y est même très-abondant.

Réflexions. La rareté des polypes de la partie inférieure du pharynx est un fait reconnu par tous les chirurgiens. Mais ce n'est pas seulement sous ce rapport que le cas, que nous venons de relater, offre de l'intérêt. Il en acquiert un bien plus grand encore à cause de son origine dans le tissu conjonctif Sous-muqueux. En effet, les polypes qui se montrent dans le pharynx, tirent le plus souvent leur origine d'une membrane fibreuse; ainsi, la plupart de ces polypes s'insèrent sur la membrane fibreuse de la voûte du pharynx, d'autres ont leurs racines sur la membrane fibreuse des vertèbres cervicales, comme M. le professeur Michaux en a vu un exemple. Le polype, qui a fait le sujet de notre observation, était implanté sur la paroi latérale du pharynx et ne pouvait avoir son origine ailleurs que dans le tissu conjonctif sous-muqueux. M. Van Kempen, dont l'autorité est si grande en pareille matière, admettait dès avant toute observation de ce genre, qu'un polype pharyngien peut prendre naissance dans le tissu conjonctif sous-muqueux du pharynx. Le cas que nous signalons vient donner complètement raison à la théorie de ce savant anatomiste. Depuis lors, les Archives de clinique chirurgicale, de M. Langenbeck, de Berlin (1869, t. X, p. 107), ont rapporté

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