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tai. Je savois qu'à l'Opéra - Bouffon, Alcime étoit assidument du nombre des Amateurs qui occupoient le coin de la Reine; et je m'étois donné une peine infinie pour exceller, s'il m'étoit possible, dans la brillante exécution des airs italiens que je devois chanter. J'espérois qu'il m'applaudiroit; il m'applaudit, mais foiblement, plutôt en homme complaisant et poli, qu'en homme sensible et charmé. Je fus comme vous croyez bien, peu flattée d'un tel succès; et les éloges que je reçus d'ailleurs ne me tinrent ne me tinrent pas lieu

des siens.

Sans désespérer cependant de le réduire à s'occuper de moi, je m'avisai d'engager mes compagnes à essayer, sous les yeux de nos mères, s'il nous seroit permis de nous dire entre nous, tantôt à demi-voix, et tantôt à Fo reille, quelques petits mots échappés. L'essai me réussit. Nos mères, d'abord inquiètes de cette nouveauté, se con

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sultant des

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alloient nous l'interdire; Alcime cette fois voulut bien plaider notre cause, mais avec l'indulgence qu'on a pour des enfans. Il fit entendre que la froide raison n'avoit rien d'assez amusant, d'assez intéressant pour de jeunes esprits; que le sérieux, à notre âge, devenoit bientôt ennuyeux, et qu'il falloit nous laisser au moins quelques momens de cette innocente gaîté qui nous alloit si bien, et nous embellissoit encore.

Ces derniers mots ne m'échappèrent point; et dans nos propos, j'eus grand soin de faire jouer tout leur jeu aux traits de ma physionomie. Je m'animois, j'agaçois mes compagnes; en disant des riens, j'avois l'air de pétilder d'esprit et de vivacité et je ne manquois pas d'enjoliver ma bouche ide tous les charmes du sourire quelquefois même je riois aux éclats sans savoir de quoi; car j'avois d'assez belles dents. Je mourois d'envie de le rendre

curieux de nos entretiens; mais hélas! j'y perdois mes peines: il nous laissoit dans notre coin jouer et causer à notre aise; et de tout mon petit manége, il ne me restoit plus que le regret de ne l'avoir pas écouté... Je ramenai vers lui toute mon attention, sans pouvoir m'attirer la sienne. Enfin mon impatience poussée à bout, me fit prendre un parti violent. Je lui écrivis ; mais dans ma lettre, je gardai l'anonyme et je sus déguiser ma main. La voici cette lettre car je ne veux rien vous cacher.

«Je m'ennuie, Monsieur, de voir » qu'on ne soit rien pour vous, parce » qu'on a le malheur d'être jeune, » et que dans votre estime il n'y ait » que les mères qui ne soient plus » enfans. Eh bien! je veux qu'Al» cime sache que, dans le monde, il » voit une jeune personne très-atten»tive à recueillir ses sentimens et ses » pensées; je veux qu'il sache que, » dans

>> dans sa bouche, la sagesse a pour >> moi un charme irrésistible, et que >> sa voix la fait pénétrer dans mon

» ame

Comme un jour doux dans des yeux délicats.

>> Je veux qu'il sache enfin que le plus >> estimable des hommes, en est aussi » pour moi le plus aimable, non pas » à cause de sa figure, qui pourroit >> être un symbole trompeur des ver»tus dont elle est l'image, mais à » cause de la bonté, de la beauté » d'une ame qui se peint dans tous >> ses discours comme dans une glace » pure, et qui, je crois, n'a jamais » su ni feindre, ni dissimuler ».

Le Sage le plus flegmatique auroit été flatté de cette lettre. Alcime a depuis avoué qu'il ne l'avoit pas lue sans quelque émotion; et en m'en parlant, long-temps après, son visage qui rougissoit aussi facilement que celui Tom. II.

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d'une vierge, se coloroit encore d'une aimable pudeur.

Dès-lors il ne put se défendre d'une attention involontaire pour les jeunes personnes qu'il avoit négligées. Je vis fort bien que ses regards, en passant et en repassant sur notre joli groupe, y cherchoient l'anonyme, et il lui fut facile de l'y appercevoir : mon trouble et mon saisissement suppléoient à ma signature; je la sentois écrite sur mon front en lettres de feu. Je fus donc reconnue; et je n'en pus douter, car lui-même il baissoit la vue quand ses yeux rencontroient les miens.

Vous allez croire que je fus bien aise que mon secret m'eût échappé. Point du tout; dès que je crus voir tomber le voile du mystère, la modestie naturelle à mon âge reprit sur moi tout son empire. Je perdis contenance; et au lieu du plaisir que je croyois avoir à être distinguée, je n'en ressentis plus qu'un pénible embarras. Ma lettre lui

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