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comte de Gloucester. Thibaut était présent et fut un des témoins de l'acte (514).

Cependant le pape Innocent III, effrayé des malheurs qui avaient en Terre-Sainte suivi la mort du comte Henri, convoquait les Chrétiens d'Occident à une nouvelle croisade, 13 août 1198 (a); Foulques, curé de Neuilly, fut en France le principal agent du Saint-Siége, et son éloquence fit des prodiges. Vers le commencement de décembre 1199, il y eut à Ecly, un tournoi organisé par Baudouin, comte de Flandre et de Hainaut (b), et où se trouva réuni un nombre considérable de hauts personnages. Beaucoup y prirent la croix. En tête de ces nouveaux défenseurs de la Terre-Sainte furent notre comte Thibaut; Louis, comte de Blois, son cousin germain ; Simon de Montfort, que la guerre contre les Albigeois devait, plus tard, rendre si célèbre ; et Renaud de Montmirail. Après eux, les historiens nomment plusieurs barons, la plupart moins notables, et parmi eux des Champenois qui ne doivent pas être oubliés ici : Gautier, comte de Brienne; Geofroi de Joinville, sénéchal de Champagne; Robert, son frère; Gautier de Vignory; Gautier de Montbéliard; Eustache de Conflans; Gui Du Plessis, son frère; Henri d'Arzillières; Oger de Saint-Chèron; Villain de Neuilly; Geofroi de Villehardouin, maréchal de Champagne; Geofroi, son neveu, et Robert de Villy, son frère; Guillaume de Neuilly; Evrard

(a) Rogerus de Hoveden, ap. D. Bouquet, XVII, 590-593. (b) Chronicon sythiense, ap. D. Bouquet, XVIII, 601 B; Villehardouin, ibid., 433 A; L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVII, chap. XXI, ap. Hist. occ. des Croisades, II, 243.

de Montigny; Manassès de l'Isle-sous-Montréal ; Macaire de Sainte-Menehould; Milon le Breban de Provins (a); Gui de Chappes; Clarembaud, son neveu ; Renaud de Dampierre (Marne). Garnier de Traînel, évêque de Troyes, se croisa aussi au tournois d'Ecly (b). Le comte de Flandre prit le même parti le 23 février suivant; les comtes Hugues de SaintPol et Geofroi du Perche imitèrent son exemple.

Il fallait déterminer le mode d'organisation de la croisade. Les barons s'assemblèrent une fois à Soissons et plusieurs à Compiègne pour en délibérer, 1200. On s'accorda pour faire le voyage par mer; restait à choisir un port d'embarquement et à régler les conditions du transport. Les trois plus hauts barons de la croisade, c'est-à-dire les comtes de Champagne, de Flandre et de Blois, désignèrent chacun deux agents, en tout six, qui après mûr examen optèrent pour Venise et partirent pour cette ville, où ils arrivèrent au milieu du mois de février 1201. Les deux représentants de Thibaut étaient Geofroi de Villehardouin, maréchal de Champagne, et Milon le Breban. Le premier nous a laissé le récit de cette mission et de la croisade qui en fut la conséquence. Les Vénitiens demandèrent une somme de 85,000 marcs d'argent qui aujourd'hui auraient le pouvoir de 8 à 9 millions; et, moyennant

(a) Petit-fils du maréchal Guillaume le Roi, fils du maréchal Milon; sur ces deux personnages voir notre tome III, p. 129-132.

(b) Villehardouin, ap. D. Bouquet, XVIII, 433 A B; voir une autre liste dans D. Bouquet, XVIII, 800 B. Villehardouin dit ici que Thibaut, quand il se croisa n'avait pas plus de 22 ans : Thibaut devait être alors âgé de 20 ans 6 mois.

84 ce, prirent l'engagement de transporter en TerreSainte 4,500 chevaliers, autant de chevaux, 9,000 écuyers et 20,000 sergents. Ce traité fut conclu au commencement d'avril. Nous en avons encore le texte : il est rédigé au nom du doge de Venise et des trois comtes, Baudouin de Flandre, Thibaut de Champagne et Louis de Blois (a). Geofroi de Villehardouin revint par Plaisance et par le Mont-Cenis, et dut être de retour à Troyes à la fin d'avril ou dans les premiers jours de mai (b); il y trouva Thibaut atteint d'une maladie mortelle.

Ce prince avait déjà fait une partie de ses préparatifs de voyage. Afin de ne pas laisser derrière lui des infidèles, tandis qu'il allait en chercher si loin pour les combattre, il avait fait rechercher et arrêter les hérétiques qui se trouvaient à Troyes; une partie d'entre eux avaient échappé au châtiment par une profession de foi orthodoxe, mais huit, cinq hommes et trois femmes, avaient été condamnés au feu et exécutés, 1200. Parmi eux se trouvaient deux vieilles femmes que leurs coreligionnaires nommaient l'une Sainte-Eglise et l'autre Sainte-Marie, et quand des catholiques demandaient à ces hérétiques quelle était leur croyance, ils recevaient une réponse à double sens : « Je crois ce que croyent Sainte

(a) D. Bouquet, XVIII, 436-437 n.

(b) Avant le 24 mai, puisqu'il revit Thibaut vivant; après le 1er avril, puisqu'il rencontra au Mont-Cenis le comte de Brienne, qui se trouvait encore à Sézanne le 1er avril (voir notre Catalogue, n° 542), puisqu'enfin le traité avec les Vénitiens est daté du mois d'avril et de Venise.

Eglise et Sainte-Marie (a). » On appelait ces malheureux popelicains, populicains, puplicains, publicains, cathares, paterins ou patarins (b). C'étaient des Manichéens. Tandis qu'on les brûlait dans le Nord, ils devenaient les maîtres dans le Midi, et peu d'années après une croisade célèbre était entreprise contre les Albigeois pour rétablir par les armes l'autorité de l'Eglise.

En même temps, Thibaut prenait des sûretés contre les ennemis qui auraient pu attaquer ses Etats ou lui faire un tort quelconque en son absence. Eudes III, duc de Bourgogne s'engageait à ne laisser faire contre lui aucune poursuite, à cause des parties de la Champagne qui relevaient de la Bourgogne (538). Le pape Innocent III promettait au jeune comte une protection plus générale : « Nous avons été touché de la pureté de >> votre foi et de la constance de votre dévotion, » lui écrivait-il. « Renonçant à vous-même et à ce >> qui vous appartient, vous portez la croix du » Seigneur afin de suivre pauvrement le Christ pau>> vre. Vous vous êtes condamné à un temporaire >> exil pour venir en aide au Christ exilé. Aussi nous » voulons vous accorder les faveurs dont les lois de >> Dieu et de l'honneur nous permettent de disposer >> envers vous par une grâce spéciale. En consé»quence, cher fils en Notre-Seigneur, nous prenons

(a) Albérie, ap. D. Bouquet, XVIII, 765 B.

(b) Annales aquicinctensis monasterii, ap. D. Bouquet, XVII, 11, n; Philippide, ibid., 127 B; Radulfus Coggeshalæ, ap. D. Bouquet, XVIII, 59 E; Chronologia Roberti altissiodorensis, ibid., 249 E; Albéric, ibid., 763 B.

>> sous la protection de saint Pierre et sous la nôtre >> votre personne et tous les biens dont vous avez >> actuellement la possession régulière, ou que dans >> l'avenir vous pourrez légalement acquérir avec » l'aide du Seigneur. » 15 mai 1200 (513).

Vers la même époque, Thibaut paraît avoir achevé de payer les dettes qu'Henri II lui avait laissées (541), et, notamment en rançonnant les Juifs (a), il avait réuni des sommes considérables destinées à subvenir aux frais de l'expédition projetée.

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Quand Geofroi de Villehardouin vint lui annoncer le traité conclu avec les Vénitiens, le jeune comte, tout épuisé qu'il était par la maladie, ressentit une joie si vive qu'il se crut guéri, ses forces semblaient revenir il monta à cheval (b). En même temps arrivaient en France des ambassadeurs du Doge qui venaient demander aux barons croisés la ratification des conventions arrêtées par Geofroi de Villehardouin et par les autres députés. Cette ratification fut donnée par les barons dans une grande assemblée qui se tint à Corbeil, vers la fin d'avril ou le commencement de mai 1204. Les Vénitiens, la main sur des reliques, y jurèrent solennellement l'observation du traité, et les Croisés s'engagèrent de la même façon. Ensuite on mit en délibération le choix d'un général en chef, et les voix tombèrent sur le comte de Champagne, mais Thibaut ne jouit pas longtemps de cet honneur (c).

(a) Voir son épitaphe et l'art. 459 de notre Catalogue. (b) Villehardouin, ap. D. Bouquet, XVIII, 437 B-438 A. (c) L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVII, chap. xxiv, ap. Hist. occ. des Croisades, II, 245-246.

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