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ques manuscrits, on ne peut imputer à cette princesse un fait qui eut lieu, en 1192, dans les domaines d'un de ses vassaux les Juifs de Braisne, ayant couronné d'épines un chrétien, le promenèrent dans les rues en le fustigeant, puis le crucifièrent: le tout avec la permission d'Agnès, dame de Braisne, comtesse de Dreux, mère du comte Robert II, l'un des Croisés qui s'étaient trouvés au siége d'Acre (a); Agnès leur avait abandonné ce chrétien sous prétexte qu'il était convaincu d'homicide et de vol. L'indignation fut générale. Aussitôt Philippe-Auguste, nouvellement arrivé de Terre-Sainte, se rendit en personne à Braisne, et, à titre de représailles, y fit brûler quatre-vingts Juifs (b).

Pendant ce temps, Marie remplissait d'une manière régulière et prosaïque ses devoirs féodaux, tant envers ses vassaux qu'envers le roi nous la voyons, par exemple, avec Guillaume, archevêque de Reims, son beau-frère, à la cour tenue par Philippe-Auguste à Compiègne, en juin 1196; elle y assiste à l'hommage fait au monarque français par Baudouin, comte de Flandre (c). On se rappelle que Baudouin était gendre de Marie.

(a) Art de vérifier les dates, II, 671.

(b) Rigord, Guillelmus Armoricus, de Gestis Philippi Augusti, ap. D. Bouquet, XVII, 36 D, 71 A, 769 E; Chronicon Alberici, ap. D. Bouquet, XVIII, 756 E-757 A. Suivant plusieurs manuscrits, les Juifs se seraient permis ces inqualifiables excès à Bray-sur-Seine, avec l'autorisation de la comtesse de Champagne; mais la désignation de cette princesse et de cette localité est le résultat d'une erreur de transcription signalée par les continuateurs de D. Bouquet. XVII, 769 E.

(c) Rigord, ap. D. Bouquet, XVII, 46 A.

CHAPITRE III.

Bègne de Thibaut, III

1497-1204.

Thibaut naquit à Troyes le 13 mai 1179 (a); il perdit son père à l'àge de vingt-deux mois ; il avait, onze ans environ quand Henri II, son frère aîné, partit pour la Terre-Sainte. On se rappelle que Henri II, à ce moment, solennel, avait fait jurer aux barons champenois que, si la mort l'empêchait de revenir en Occident, ils porteraient leur hommage à Thibaut. Quand Henri cessa de vivre, son frère était âgé de dix-huit ans et quelques mois, par conséquent mineur au point de vue du droit féodal; par conséquent, la comtesse Marie, sa mère, devait conserver la régence, et il paraît qu'en fait elle continua d'administrer la Champagne (b), donnant

(a) Gislebertus Montensis, ap. D. Bouquet, XIII, 579 AB; nous croyons cette date rigoureusement exacte: Gislebert de Mons qui nous l'indique était un des clercs attachés à la personne de Baudouin V, comte de Hainaut; or, il nous raconte que Baudouin se trouvait à Troyes le jour où eut lieu la naissance de Thibaut,

(b) L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVI, chap. xiv, ap, Historiens occidentaux des Croisades, II, 195-196, et le Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 293 E, nous disent que Thibaut ne devint comte de Champagne qu'après la mort de sa mère.

toutefois à son fils une part dans cette administration (a).

Mais Marie, qui avait reçu en même temps la nouvelle de la mort de Marguerite, sa sœur, et d'Henri II, son fils aîné, était vivement affectée de ce double coup (b). Le 25 février 1198, le pape Innocent III en écrivit à Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, à Michel, archevêque de Sens, et à Anseau, évêque de Meaux. « Notre fille en Jé» sus-Christ, Marie, comtesse de Champagne, a » conçu, non sans raison, à cause de la mort de son » fils, le comte Henri, de bonne mémoire, une dou» leur qui l'émeut jusqu'au fond de l'âme et la » plonge dans un grand abattement. Nous éprou»vons pour elle une compassion qui n'est pas >> feinte et nous partageons son chagrin, car la mort » de ce prince n'est pas seulement une perte pour » elle : elle n'est pas la seule qui doive en éprouver » de la tristesse; mais nous sommes frappés tous » par ce coup terrible qui, en ce moment, expose » la chrétienté à un péril imminent. Par cette lettre >> apostolique, nous invitons votre fraternité à lui » porter dans sa peine des paroles de consolation. » Le pontife continuait en chargeant les trois pré

(a) Albéric, ap. D. Bouquet, XVIII, 760 D.

(b) Chronologia Roberti altissiodorensis, ap. D. Bouquet, XVIII, 262 A; Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 293 E; Chron. Guill. de Nangiaco, ap. D. Bouquet, XX, 748 B. La distance n'avait pas supprimé les relations entre Marguerite et Marie. Ainsi, quand notre comtesse avait appris que la reine de Hongrie allait partir pour la Terre-Sainte, elle lui avait envoyé Joscelin, abbé de la Charmoie, Gall. christ., IX, 971 B.

lats de protéger la personne et les biens de Marie contre les gens mal intentionnés qui voudraient lui faire tort (a).

Mais cette lettre dut arriver à destination trop tard Marie mourut au commencement de mars 1198 (b).

Elle fut enterrée dans la cathédrale de Meaux. Sa tombe existait encore au xvi° siècle; elle était située dans le sanctuaire du côté de l'évangile, entre deux piliers; elle consistait en une table élevée de trois pieds au-dessus du sol et sur laquelle était couchée la statue de la princesse, sculptée en ronde bosse. En exécution d'une fondation faite par Thibaut III (c), un cierge, fourni aux frais du domaine, brûlait continuellement devant ce mausolée, et toutes les fois qu'il y avait encens à l'autel on encensait la statue; le nombre des coups d'encensoir était fixé à trois,

(a) Voir notre Catalogue, no 448, et D. Bouquet, XIX, 349 B-350 A.

(b) En mars suivant Rigord (ap. D. Bouquet, XVII, 48 B), le 3 mars suivant le nécrologe de Rebais (Du Plessis, Histoire de l'église de Meaux, II, 475), le 5 mars suivant le nécrologe de Meaux (Bibl. imp. lat. 5185 G) et celui de Saint-Etienne de Troyes (Bibl. de Troyes, ms. 1079), le 8 mars suivant le nécrologe du prieuré de Fontaines (Du Plessis, Histoire de l'église de Meaux, II, 470), le 11 mars suivant Roger de Hoveden (D. Bouquet, XVII, 588 A); cette dernière date est généralement admise (Art. de vérifier les dates, II, 610; Bourquelot, Histoire de Provins, I, 142); mais, nous nous demandons s'il ne vaudrait pas mieux adopter celle qui est fournie par les nécrologes de SaintEtienne de Troyes et de la cathédrale de Meaux.

(c) Nécrologe de Meaux, à la date du 5 mars (Bibl. imp., lat. 5185 G, Du Plessis, Hist. de l'église de Meaux, II, 458.)

on les appelait coups de la comtesse; le cierge luimême était connu sous le nom de cierge de la comtesse Marie. Mais, le 25 juin 1562, cette tombe fut abattue par les Huguenots, et la cathédrale de Meaux n'en a pas conservé de trace (a).

Lorsque Thibaut perdit sa mère il n'avait pas encore dix-neuf ans. Dans la rigueur du droit, le roi de France pouvait refuser d'accepter l'hommage du jeune comte, mais il le traita avec plus de faveur. Quand, au mois de novembre 1193, Philippe avait voulu faire rompre son mariage avec Ingeburge de Danemark, Thibaut avait été un des grands personnages, évêques et barons, qui avaient juré qu'Ingeburge était parente d'Isabelle de Hainaut, première femme du roi, Par conséquent, il avait contribué, autant qu'il était en lui, à ce divorce célèbre qui, prononcé par Guillaume, archevêque de Reims, permit au monarque français d'épouser Agnès de Méranie, et qui devait plus tard, avec un si grand retentissement, attirer sur Philippe et sur la France les foudres d'Innocent III (b). Canut VI, roi de Danemark, frère d'Ingeburge, attaqua, devant le pape Célestin III, la décision de l'archevêque. de Reims; dans sa plainte il ne parlait pas seulement de la partialité du juge, mais il accusait de faux témoignage les évêques et les barons sur la dé

(a) Extrait d'un manuscrit de l'abbé Le Dieu, daté de 1707 et cité dans la Notice de Mgr Allou, sur la cathédrale de Meaux, p. 7; Du Plessis, Hist. de l'église de Meaux, I, 188.

(b) Annales aquicinctensis monasterii, ap. D. Bouquet, XVIII, 546 BC; Rigord, ap. D. Bouquet, XVII, 38 CD et n; Rogerus de Hoveden, ibid., 561 A B, 577 E-578 A.

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