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» Orient, » dit ce pontife, « une femme a été succes»sivement, par une immonde union, livrée à deux » soi-disant époux, et cet illicite mariage a obtenu, » non-seulement le consentement, mais l'approba» tion officielle du clergé du pays. Mais Dieu, vou>>lant effrayer ceux qui songeraient à imiter un si » détestable exemple, a promptement, et d'une ma» nière éclatante, vengé ses lois violées : il a fait pé>> rir par le glaive Conrad, jadis marquis de Mont>> ferrat, qui avait le premier, par un adultère, » épousé la reine de Jérusalem; Henri, jadis comte » de Champagne, qui avait succédé à Conrad dans » la faute, lui a aussi succédé dans le supplice, et, » précipité par la justice divine, il a succombé >> comme Conrad à une mort imprévue. »

Innocent III prononça ce jugement en consistoire public au palais de Latran, le 22 mai 1199 (480) (a). Il le reproduisit plusieurs fois depuis (879, 922), et plus tard Honorius rappela cette sentence en la confirmant (1029) (b).

La voix des papes était l'écho de la conscience

(a) Les numéros en chiffres arabes placés entre parenthèse, renvoient aux articles du Catalogue des Actes des comtes de Champagne.

(b) La nullité du mariage de Conrad et d'Henri avec Isabelle. était évidente. Les conventions matrimoniales conclues entre Humfroi de Toron et Isabelle, alors que cette dernière avait huit ans, étaient valables comme fiançailles. Pour la validité des fiançailles le droit canon exigeait seulement que les futurs conjoints eussent atteint l'âge de sept ans (Décrétale de l'année 1170 dans les Décrétales de Grégoire IX, liv. IV, tit. II, chap. vII; Décrétales de l'année 1180, ibid., chap. iv et vii). Dès qu'entre fiancés des relations conjugales (carnalis copula) avaient lieu, le consentement en

publique. Quand, en 1190, les fins politiques, esquivant par un détour les lois de l'Eglise sur l'indissolubilité du mariage, avaient prétendu rompre et de fait avaient rompu celui d'Humfroi de Toron, la bonne foi populaire avait protesté contre leurs subterfuges. Et, si nous quittons les régions de la morale pour parler selon la prudence humaine, à quoi ces subterfuges avaient-ils servi? Un chroniqueur du XIIIe siècle, racontant les événements qui ont suivi le mariage de Conrad et celui d'Ilenri, assure qu'on ne peut douter que ces deux malheureuses unions n'aient été pour le royaume de Jérusalem une source continue de périls et d'affaiblissement (a). Dans tous les cas, ni le marquis de Montferrat ni le comte de Champagne ne purent arrêter sur le penchant de la ruine la faible et factice monarchie créée par les croisades sur les côtes de la Syrie.

Henri ne semble pas avoir été vivement regretté par ses sujets orientaux. Mécontents de ce qu'il ne se faisait pas couronner roi, ils étaient persuadés que cette apparente humilité cachait une arrière-pensée de retour en Europe, et qu'Henri repoussait dans la couronne, non pas un honneur dont il se crût indigne, mais un lien qui l'eût attaché définitivement à

tre pubères était présumé, le mariage commençait et il était indissoluble (Décrétale de l'année 1170, ibid., ch. vIII). Le serment du mari était considéré comme une preuve suffisante de l'existence des relations (Décrétale de l'année 1180, ibid., ch. vI.) Donc, Humfroi de Toron était l'époux légitime d'Isabelle, et tout mariage contracté par elle du vivant d'Humfroi était nul.

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXV, ch. XII, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 154.

eux. On prétendit même qu'au moment de sa mort tous ses préparatifs de départ étaient faits (a).

Quoi qu'il en soit, Henri paraît n'avoir eu aucune des qualités qui, d'un homme élevé à la puissance suprême, font un souverain éminent. On peut dire de lui qu'il fut bon père et bon époux nous avons vu qu'il se fit regretter de sa femme; on raconte que la fenêtre par où il tomba l'avait souvent préoccupé, non à cause de lui, mais à cause de ses enfants, et que, pour les assurer contre tout danger, il avait plusieurs fois prescrit de poser sur cette fenêtre un grillage de fer (b). Mais, comme comte de Champagne de 1187 à 1190, comme chef des Croisés du mois d'août 1190 au mois d'avril 1191, comme roi de Jérusalem de 1192 à 1197, nous ne sachons pas qu'il ait, en quoi que ce soit, montré des qualités hors ligne. Nous avons cité de lui deux actes où l'emportement de son caractère paraît sous un jour des plus défavorables; mais on doit lui rendre justice si ses procédés pacifiques envers les Turcs n'ont rien de glorieux, ils sont ceux d'un homme prudent.

Ce qui, chez Henri, paraît avoir été le plus apprécié par les Chrétiens orientaux, c'étaient les revenus qu'il tirait de Champagne: pour un royaume aussi besoigneux, un prince riche était une nécessité.

(a) Jacques de Vitry, II, 99, ap. Bongars, 1, 1123-1124. Suivant Richard de Devizes, sect. 99; la raison qui aurait empêché Henri de se faire couronner roi, aurait été l'opinion que, réguliè rement son couronnement n'aurait pu avoir lieu qu'à Jérusalem.

(b) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVII, var. D, ap Historiens occidentaux des Croisades, II, 221!

Avant de partir pour la Terre-Sainte, notre comte avait fait payer par ses sujets l'impôt extraordinaire qu'on appelait aide. Nous ignorons quel fut le chiffre total de la somme perçue, mais ce chiffre dut être considérable, car les habitants de la petite ville de Chablis déboursèrent, à eux seuls, trois cents livres, soit environ six mille francs de notre monnaie au pouvoir de trente mille (401 bis).

Depuis le départ d'Henri, Marie de France ne cessa de lui envoyer tous les revenus que, charges déduites, le comté de Champagne produisait (a); elle lui envoya même davantage, car elle s'endetta pour lui. Notre comte et elle étaient morts tous deux que ces dettes n'étaient point encore payées, et Thibaut III dut s'occuper de leur réglement (461, 491, 492, 493, 495, 496). Mais les dépenses énormes qu'il fallait faire pour maintenir la domination franque en Palestine, rendaient ces ressources insuffisantes. Henri se trouva en Terre - Sainte dans une telle gêne qu'il lui arriva maintes fois de se lever le matin sans savoir comment il procurerait aux gens de sa maison et à lui-même la nourriture de la journée; le roi de Jérusalem, un des plus riches barons de France, fut à plusieurs reprises réduit à donner son mobilier en gage à ses fournisseurs qui, dans ses états même, refusaient de lui rien livrer à crédit (b).

Henri avait eu trois filles de sa femme Isabelle.

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVI, ch. xiv, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 195.

(b) L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVII, chap. v, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 223. Voir dans notre Ca

Marie, qui était née la première, mourut jeune et sans alliance; Alix, la seconde, devenue l'aînée par la mort de sa sœur, épousa, en 1208, Hugues de Lusignan, roi de Chypre (a); Philippine, la troisième, devint, quelques années plus tard, femme d'Erard de Brienne, fils de cet André, seigneur de Ramerupt, dont nous avons parlé plus haut et qui avait été une des victimes de la troisième croisade. Alix et Philippine furent en Occident considérées comme bâtardes, conformément aux règles du droit canonique qui dès lors, en Europe, dominait la législation des successions (b), et, en conséquence de cette illégitimité, elles se trouvèrent exclues de la succession au comté de Champagne.

Aucun fait politique remarquable ne signale l'administration de Marie de France en Champagne pendant l'absence d'Henri. Quoi qu'en disent quel

talogue no 541, la quittance d'une somme de 160 marcs d'argent, due par Henri II et payée après sa mort par Thibaut III.

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXX, ch. xv, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 308-509; Maslatrie, Hist. de Chypre, I, 177.

(b) Humfroi de Toron, mari d'Isabelle de Jérusalem, vivait quand elle épousa Henri (Catalogue des actes des comtes de Champagne, n° 832, et D. Bouquet, XIX, 583 C), donc, le mariage d'Isabelle et d'Henri n'était canoniquement qu'une union illicite. Nous ignorons si Humfroi de Toron mourut avant la naissance des filles d'Isabelle et d'Henri, mais c'est une question sans importance ici, et sans rapport aucun avec la question de leur légitimité aucun ma. riage subséquent ne pouvait valider l'union originairement adultère d'Isabelle et d'Henri Décret de Gratien, seconde partie, cause XXXI, quest. I, chap. Iv; décrétale du pape Alexandre III, 1180, dans les Décrétales de Grégoire IX, liv. IV, titre VII, ch. 11, et décrétale de Célestin III, ibid., ch. v.

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