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lui fit joyeux accueil; mais elle mourut au bout de huit jours. Notre comte, qui était son neveu, s'empara de sa succession; mais, fait remarquer un chroniqueur, il n'en jouit pas longtemps (a).

Henri et les autres barons d'Orient étaient peu satisfaits de voir arriver les Croisés, dont la présence allait nécessiter une nouvelle guerre, et probable-ment une guerre malheureuse comme celle qui avait précédée. Les Croisés n'apportant que des projets belliqueux, ne concevaient rien à cet amour de la paix, et le considéraient comme une trahison. Plusieurs s'imaginèrent qu'Henri s'était allié contre eux avec les Turcs, et qu'ils n'avaient pas d'ennemis plus dangerenx à craindre que le comte de Champagne, les chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, ceux du Temple, et les barons chrétiens de Palestine. Les conseils de la sagesse ne furent point écoutés, et Waleran attaqua les Musulmans, qui répondirent à cette provocation par le siége de Jaffa. La ville céda presque immédiatement; les infidèles massacrèrent cinq mille personnes (b). La citadelle seule résista, mais il y avait lieu de croire que, si elle n'était secourue, elle devait bientôt tomber entre les mains des ennemis. Une guerre terrible se préparait. Malek-Adel avait convoqué toutes ses forces et appelait à son aide le sultan d'Egypte et les princes de la Mésopotamie. A cette nouvelle,

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVI, ch. xxi, ap. Historiens occident. des Croisades, II, 211; Chronologia Roberti altissiodorensis, ap. D. Bouquet, XVIII, 262 A.

(b) Chronicon Leodiense, ap. D. Bouquet, XVII, 614 D.

Henri, effrayé, crut que ses troupes unies à celles des Croisés ne suffiraient pas à la défense de ses Etats, il demanda du secours au roi de Chypre, qui mit pour condition à son concours la restitution de Jaffa, et obtint ce qu'il demandait. En conséquence, Amauri envoya des troupes dans la place assiégée. De son côté, Henri fit ses préparatifs pour marcher vers cette ville. Les Croisés allemands partirent les premiers; mais, quand ils furent arrivés à leur première étape, ils apprirent la mort du comte de Champagne, qui s'était tué en tombant d'une fenêtre du palais d'Acre.

On n'est pas d'accord sur les circonstances au milieu desquelles se produisit ce funeste événement.

Nous n'insisterons pas sur une tradition des Provinois, qui veut que notre comte ait été précipité du haut de son château par un coup de vent (a).

Suivant une version plus vraisemblable, Henri était resté dans Acre pour organiser sa flotte, il eut à ce sujet un entretien avec les bourgeois de la ville. Après eux vinrent les Pisans: c'était le soir, et quand on les annonça, Henri était appuyé sur les barreaux de fer d'une fenêtre; il quitta cette fenêtre pour aller à la rencontre des Pisans, et quand il les eut congédiés, il recula croyant trouver derrière lui les barreaux qui, peu d'instants avant, lui avaient servi de soutien, mais il prit une fausse direction, arriva à une fenêtre qui n'avait pas de barreaux, trouva le vide et tomba. Auprès de lui se trouvait un nain

(a) Cette tradition nous a été indiquée par notre savant confrère M. Bourquelot.

élevé par lui et qui l'aimait beaucoup; quand ce nain vit tomber son protecteur, il s'élança sur lui, le saisit par les vêtements; mais il fut entraîné dans la chute, tomba sur lui et périt en même temps.

Si nous en croyons un historien anglais, notre comte, appuyé sur le meneau qui divisait en deux une fenêtre de la chambre la plus élevée du palais, adressait la parole à la foule, quand le meneau se rompit et entraîna dans sa chute le prince qui se brisa la tête.

D'après un autre écrivain, Henri passait en revue des fantassins, en partie armés d'arbalètes; il voulait les envoyer au secours de Jaffa; ces hommes étaient rangés dans la cour de son palais, lui les regardait du haut d'une fenêtre, appuyé sur le treillis dont cette fenêtre était garnie; mais le treillis céda et il tomba dans le fossé.

D'autres racontent qu'après le départ des Croisés allemands, Henri était resté dans Acre pour mettre ordre à ses affaires, avant de prendre aussi la route de Jaffa. Il passa la journée en entretien avec ses hommes. Quand ces entretiens furent finis, le soir était venu; il donna ordre de mettre la table pour souper, et demanda de l'eau pour se laver les mains. On lui en apporta, il s'approcha d'une fenêtre de la salle à manger qui se trouvait dans une des parties les plus élevées du palais; et, se lavant les mains, il tournait le dos à cette fenêtre, quand par distraction il recula et tomba. Le domestique qui lui tenait la serviette craignit d'être accusé de l'avoir poussé, et se jeta par la fenêtre; mais, plus heureux que son maître, il n'eut que la cuisse cassée. Il se traîna jusqu'à une porte, appela les pas

sants; les chevaliers et les sergents du comte, prévenus, vinrent chercher le cadavre de leur seigneur.

Aussitôt un grand bruit s'éleva dans la ville, on cria aux armes la plupart des habitants ne savaient ce qui était arrivé et croyaient que les Sarrasins, profitant de l'absence de l'armée, avaient pénétré dans Acre; on ne voyait qu'hommes effrayés courant çà et là. Quand Isabelle apprit ce malheur nouveau, elle était dans le château, et on n'y avait pas encore rapporté le corps de son mari. Elle sortit d'un air égaré, jetant des cris, se déchirant le visage avec les ongles, s'arrachant les cheveux, et même les vêtements qui tombèrent autour d'elle en lambeaux jusqu'à la ceinture. A quelques pas, elle rencontra les hommes qui apportaient le cadavre, elle se jeta sur les restes de son époux, les couvrit de baisers; ses plaintes étaient, d'instants en instants, mêlées de cris si douloureux qu'elle inspirait la pitié

à tous les assistants.

Ces faits se passaient le 10 septembre 1197.

Le lendemain Henri fut enterré dans l'église Sainte-Croix d'Acre. Un écrivain du XIIIe siècle parle de sa tombe qui était dans un des collatéraux près de la porte.

La mort de notre comte fut pour les Chrétiens de Terre-Sainte un événement désastreux. L'armée, au lieu de continuer sa marche, revint dans Acre, et les Sarrasins s'emparèrent du château de Jaffa (a).

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVII, chap. I et Iv. ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 219-221; Rogerüs de Hoveden, ap. D. Bouquet, XVII, 584 CD. La date de la mort

Mais l'arrivée de l'expédition partie de Messine rendit aux Croisés le courage et les forces ils vengèrent la prise de Jaffa en s'emparant de Sidon, Laodicée, Giblet, et enfin de Beyrout, d'où était parti le signal de cette guerre.

Henri eut pour successeur, comme époux d'Isabelle et comme chef des chrétiens de Terre-Sainte, l'ancien connétable de Jérusalem, devenu roi de Chypre, Amauri de Lusignan.

La mort de notre comte fit sur ses contemporains des impressions diverses tandis qu'il était regretté par les uns, d'autres considéraient sa triste fin comme un châtiment mérité; aux yeux des croisés allemands, il avait, par une intervention manifeste de la Providence, subi la peine de la résistance qu'il avait voulu mettre à l'exécution de leurs pieux dessins (a). Suivant le pape Innocent III, c'était pour venger la morale outragée que la main de Dieu avait précipité dans les bras de la mort le ravisseur de la femme d'Humfroi de Toron : « En

d'Henri II est fixée par le nécrologe de Saint-Etienne de Troyes (Bibl. de Troyes, ms. 1079) au 10 septembre, par le nécrologe de Meaux (Bibl. imp., lat. 5185 G, Du Plessis, Hist. de l'église de Meaux, II, 457) au 11 septembre; par le nécrologe de Rebais (Hist. de l'église de Meaux, II, 476) au 12 septembre, et par le nécrologe de Reims (Marlot, Hist. de Reims, 1re éd., II, 75 en marge, Varin, Archives administratives de Reims, I, 434) au 14 septembre. Ces indications chronologiques concordent avec le récit d'Ibn Alatir (Bibl. des Croisades, 1re éd., II, 533): celui-ci nous apprend que les Musulmans s'emparèrent de la ville de Jaffa au mois de schoual, qui en 1197 commençait le 16 août pour finir le 14 septembre

(a) Arnold de Lubek, Chronicon Slavorum, lib. V, cap. 1, § 7.

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