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représentations à Henri : « C'est votre vassal, » lui disaient-ils, «<et, par sa charge, c'est un de vos plus >>> hauts barons.» « Je n'ai pas reçu son hommage, »> répliqua Henri, « je ne le tiens pas pour connéta»ble. » Les barons insistèrent : « Faites-le mettre » en liberté; si vous le tenez plus longtemps captif, >> vous n'en tirerez que de la honte. » Ces conseils furent écoutés et, après un jour d'emprisonnement, Amauri vit s'ouvrir devant lui les portes du château où il était enfermé. Trois jours après, Henri étant entouré de ses barons, Amauri se présenta, fit entre ses mains démission de la charge de connétable et lui abandonna le comté de Jaffa. Peu de temps après, Gui de Lusignan mourut, avril 1194 (a), et les Latins de Chypre choisirent Amauri pour lui succéder.

Suivant une autre version, l'arrestation d'Amauri aurait eu lieu après la mort de Gui, et aurait sans doute eu pour cause la crainte chez Henri de voir réunis dans les mêmes mains la souveraineté de la Chypre, le comté de Jaffa et la connétablie de Jérusalem (b).

Henri donna le comté de Jaffa à Jean d'Ibelin, frère utérin d'Isabelle de Jérusalem, sa femme; puis

(a) Maslatrie, Histoire de Chypre, I, 53.

(b) L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVI, chap. xxi, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 208; et var. D., ibid., 202-203. Amauri avait reçu le comté de Jaffa du roi Richard, Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 540 B. Les Pisans étaient du côté de Gui de Lusignan depuis plusieurs années, voir Vinisauf, livre V, chap. x.

il se réconcilia avec les Pisans qui rentrèrent dans Acre, 1194 (a).

Sur ces entrefaites, Bohémond III, prince d'Antioche, devint, par trahison, prisonnier de Léon, prince d'Arménie, son vassal. A cette nouvelle, notre comte, s'embarquant, partit d'Acre, gagna Tripoli dont le comte Raymond III se joignit à lui, et ils arrivèrent tous deux à Antioche. Delà Henri envoya à Léon des ambassadeurs qui obtinrent la liberté de Bohémond, mais ce dernier fut obligé de consentir à la rupture du lien de vassalité qui lui soumettait Léon, et bientôt le chancelier de l'empereur Henri VI, arrivant en Orient, couronna les premiers rois de deux nouveaux royaumes, Amauri de Lusignan, roi de Chypre, et Léon, roi d'Arménie (b).

Pendant ce voyage, le prince champenois, alla visiter la terre du Vieux de la Montagne, qui le reçut avec beaucoup d'honneurs, et lui montra tous ses châteaux. Dans un de ces châteaux, était une tour surmontée de créneaux, et sur chacun des créneaux se tenait un homme vêtu de blanc : « Seigneur, » dit le Vieux de la Montagne au comte, « vos hommes ne feraient pas pour vous ce que les miens font pour moi.» « Cela peut bien être, » rẻ

(a) Historiens occidentaux des Croisades, var. D., II, 203. (b) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVI, chap. xxvi et XXVII, ap. Historiens occidentaux des Croisades, II, 214-215 et var. D; ibid., 208. Ces couronnements eurent lieu en 1197 pour Amauri, et le 6 janvier 1198 pour Léon, Maslatrie, Histoire de Chypre, I, 127, 141. Suivant une variante (Hist. occ. des Croisades, II, 211), Henri se serait rendu en personne en Arménie, pour négocier la délivrance du prince d'Antioche.

pondit le comte. Alors, le Vieux de la Montagne, élevant la voix, adressa dans sa langue un ordre à deux des hommes qui se tenaient sur la tour: aussitôt ils se précipitèrent en bas, et brisés par la chute expirerent. Henri déclara qu'il n'avait pas besoin de démonstration plus ample.

En entrant dans ce château, Henri vit fixé près de la porte un fer pointu: « Je vais,» lui dit le Vieux de la Montagne, « vous montrer comment on exécute mes volontés. » Il jeta un morceau d'étoffe qu'il tenait à la main; à ce signe, trois ou quatre hommes se précipitèrent sur cette pointe de fer et périrent sous les yeux d'Henri, qui pria son hôte de s'en tenir là.

Le Vieux de la Montagne lui donna des bijoux et lui promit de ne faire assassiner, ni lui, ni aucun des siens, ni en Palestine, ni au-delà des mers (a).

A son retour, Henri passa par l'île de Chypre; il s'y réconcilia avec Amauri de Lusignan, qui vint au-devant de lui et lui fit toutes sortes d'honneurs. Une des clauses de l'acte de cession de l'île de Chypre, à Gui de Lusignan, déclarait ce dernier débiteur d'une somme de soixante mille besans envers le roi d'Angleterre. En quittant la Palestine, Richard Coeur-de-Lion avait cédé cette créance au comte Henri. Ce dernier donna au successeur de Gui quittance de cette somme, qu'il n'avait du

(u) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVI, ch. xxvIII, ap. Hist. occ. des Croisades, II, 216; et var. D, ibid., 210. Suivant un de ces textes, Henri se rendit dans la terre du Vieux de la Montagne, en allant à Antioche; suivant l'autre, ce fut en revenant d'Arménie.

reste guère moyen de se faire payer, et, pour assurer l'oubli des anciennes haines, convint avec lui d'une alliance de famille : l'aîné des fils d'Amauri devait épouser l'aînée des filles d'Henri. Ce fut en exécution de ce traité que Hugues Ier, roi de Chypre, fils d'Amauri, devint plus tard mari d'Alix de Jérusalem, fille d'Henri (a).

Tandis que ces événements se passaient, le grand sultan Saladin était mort, 5 mars 1193 (b), laissant ses Etats divisés entre ses fils, son frère Malek-Adel et ses principaux émirs. C'était pour les Chrétiens une garantie de sécurité; mais bientôt Malek-Adel parvint à réunir sous son autorité la plus grande partie de la Syrie. En face d'un ennemi aussi puissant, l'intérêt bien entendu des Chrétiens demandait le maintien de la paix. L'intention d'Henri était de la conserver, et il avait renouvelé la trève conclue avec Saladin (c), quand des événements imprévus le contraignirent à la guerre. D'une part, l'émir de Beyrout avait des corsaires qui pillaient les navires Chrétiens, et les réclamations adressées contre lui aux sultans de Damas et d'Egypte restèrent sans résultat, soit que l'émir de Beyrout se considérât comme indépendant et ne tînt pas compte de la volonté des sultans, soit que ceux-ci approuvassent

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXVI, chap. XXI, et liv. XXX, ch. xv, ap. Hist. occ. des Croisades, II, 209, 308-309; var. D, ibid., 213; Maslatrie, Hist. de Chypre, I, 142-143.

(b) Boha Eddin, Bibl. des Croisades, 2e éd., IV, 361.

(c) Cette trève avait dû expirer le 22 juillet 1196.

sa conduite (a). D'autre part, la croisade était prêchée en Europe, où sans doute on supposait qu'à l'expiration de la trève conclue avec Saladin la guerre devait nécessairement recommencer. L'empereur Henri VI avait promis de commander cette expédition. Retenu en Occident par une maladie, qui devait l'enlever le 28 septembre 1197, il chargea Conrad, chancelier de l'empire, de prendre sa place à la tête des Croisés. Conrad, parti de Messine le 1er septembre 1197, s'arrêta en Chypre avec une partie de la flotte, et le reste, conduit par un autre Conrad, archevêque de Mayence, délégué par le chancelier, aborda au port d'Acre le 22 septembre (b). Un grand désastre venait de frapper le royaume de Jérusalem.

Des pèlerins, impatients des lenteurs de l'expédition officielle, l'avaient devancée sur le sol de la Terre-Sainte; à leur tête était Waleran, fils d'Henri III, duc de Limbourg (c). En même temps, arrivait Marguerite, sœur de Marie, comtesse de Champagne et du roi Philippe-Auguste, veuve successivement d'Henri Court-Mantel et de Bela III, roi de Hongrie. Elle avait vendu son douaire et apportait en Orient le prix qu'elle avait reçu; elle débarqua à Tyr, où Henri vint la recevoir et

(a) Ibn Alatir dans la Bibl. des Croisades, 1re éd., II, 533; 2e éd., IV, 379.

(b) Arnold de Lubek, Chronicon Slavorum, liv. V, cap. II, §7; cf. Maslatrie, Hist. de Chypre, I, 127.

(c) Rogerus de Hoveden, ap. D. Bouquet, XVII, 584 C; cf. Art de vérifier les dates, III, 115.

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