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devant Acre, au lieu de deux cents mille guerriers partis bien équipés et pleins d'enthousiasme, cinq mille hommes exténués, sans armes et sans vêtements (a). Le temps s'employait en escarmouches; ainsi, le 2 octobre 1190, les Sarrasins firent une sortie et le combat resta indécis jusqu'à l'arrivée du comte Henri, de Geofroi de Lusignan et des Templiers, qui forcèrent les Musulmans à battre en retraite et leur tuèrent quarante hommes (b). Dans une de ces rencontres le maréchal du comte de Champagne fut fait prisonnier (c). Mais la famine et les maladies faisaient plus de ravages que le fer: elles enlevaient, dit-on, deux cents chrétiens par jour; le duc de Souabe, qui expira le 21 décembre 1190, fut une de leurs victimes, Henri lui-même tomba malade (d). Quand la venue de Philippe-Auguste, 20 avril 1191, permit aux assiégeants de prendre sérieusement l'offensive, les deux tiers de l'armée chrétienne avaient péri (e). Enfin, Richard Coeur-de-Lion étant arrivé le 8 juin (f), Acre capitula le 12 juillet suivant (g).

(a) Gui de Bazoches, dans Albéric, ap. D. Bouquet, XVIII, 753B; Tagernon dans la Bibl. des croisades, III, 325; cf. Art de vérifier les dates, II, 24; Boha Eddin, ap. Bibl. des croisades, 2e éd., IV, 281, 290.

(b) Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 511 A. (c) Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 512 D. (d) Schchab Eddin, ap. Bibl. des croisades, 1re éd., II, 641. (e) Gui de Bazoches dans Albéric, ap. D. Bouquet, XVIII, 753 B. (f) Boha Eddin, ap. Bibl. des croisades, 2e éd., IV, 305; Vinisauf, livre III, chap. II,

(g) Cette date est donnée à la fois par les historiens chrétiens et par les arabes, voir Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet,

L'armée chrétienne, commandée par les deux rois de France et d'Angleterre, était victorieuse et semblait formidable, mais les dissensions des chefs compromirent le succès d'une expédition commencée sous d'aussi heureux auspices. L'accord ne pouvait exister entre Richard et Philippe-Auguste qui, dès le 31 juillet, prit la mer pour regagner la France (a). On raconta que ce départ précipité avait été provoqué par un complot formé par le roi Richard, le comte de Flandre et le comte de Champagne, pour empoisonner le monarque français. Le comte de Flandre, qui venait de mourir, avait, disait-on, révélé le complot avant d'expirer (b). On ajouta qu'aussitôt le roi de France monté sur son vaisseau, le comte Henri s'était jeté dans une barque, était allé le rejoindre, et simulant la surprise : « Beau sire, »> lui avait-il dit, «< beau cousin, me laisserez-vous donc >> en cette terre étrangère?» « Oui, par la lance de » saint Jacques, » se serait écrié le roi, « oui, mau» vais traître, et jamais ni vous ni vos héritiers ne >> rentrerez en Champagne. » Alors le comte serait

XVII, 524 A, et Ibn Alatir dans la Bibl. des croisades, 1re éd., II, 517.

(a) Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 526 D. (b) Chronique de Rains, ch. vII, page 43. Cf. L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXVI, ch. Iv, ap. Historiens occidentaux des croisades, II, 179. Cette histoire est peu vraisemblable. Le comte de Flandre mourut le 1er juin (Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 519 B); Richard Coeur-de-Lion n'arriva devant Acre que le huit (Benedictus Petroburgensis, ibid., 520 A). Les causes qui décidèrent le départ de Philippe-Auguste furent des faits postérieurs à l'arrivée de Richard.

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retourné dans la ville d'Acre, aurait été trouver le roi Richard et lui aurait dit : «< << Seigneur, nous >> sommes perdus et déshonorés, car le roi de >> France s'en retourne, il sait nos projets par le >> comte de Flandre, et soyez sûr qu'il s'en vengera » en nous perdant tous (a). » On trouve dans ce récit, tout faux et tout invraisemblable qu'il est, le reflet des haines qui agitaient les croisés. La vérité est que Philippe et Richard s'étaient quittés, en apparence, dans les meilleurs termes, et qu'avant de partir le monarque français avait juré de ne faire ni laisser faire, à son retour en France, aucun dommage au roi d'Angleterre absent. Plusieurs seigneurs français avaient cautionné par leur serment l'exécucution de cet engagement, entre autres le comte Henri (b). Mais Richard et Philippe, rivaux comme souverains, se haïssaient comme hommes. Une des causes de cette haine était la libéralité avec laquelle Richard attirait à lui les vassaux du roi de France. Le comte de Champagne était du nombre de ceux qui s'étaient laissé gagner; ses ressources se trouvaient épuisées à l'arrivée de Philippe, et ce dernier sur ses plaintes lui avait offert un prêt de cent livres parisis, dont le remboursement aurait été assuré par une hypothéque en Champagne : Richard avait immédiatement fait présent à Henri de quatre mille boisseaux de blé, de quatre mille cochons salés et de quatre mille livres d'argent, et ainsi avait à

(a) Chronique de Rains, chap. VII, pages 44-45.

(b) Benedictus Petroburgensis, ap. D. Bouquet, XVII, 526 C; Vinisauf, livre III, chap. xxu.

la fois donné moralement un soufflet au monarque français et indisposé contre ce prince un des plus hauts barons de France (a).

Les barons de Terre-Sainte ne s'entendaient guère mieux; au lieu d'unir toutes leurs forces, dans l'intérêt commun, afin de reconstituer contre les Turcs la puissance chrétienne, si compromise en Orient, ils s'épuisaient en luttes intestines pour se disputer les débris du royaume de Jérusalem, dont ces égoïstes rivalités avaient commencé et devaient consommer la ruine. Pendant le siége d'Acre, Sybille, reine de Jérusalem, mourut avec ses deux filles, 1190 (b). Cette mort devait légalement, et si l'on tenait compte du droit héréditaire, faire perdre la couronne de Jérusalem à Gui de Lusignan, époux de Sybille; et la sœur de Sybille, Isabelle, fille comme elle d'Amauri 1, devait succéder à sa sœur comme reine de Jérusalem, si tant était qu'il existât encore un royaume de ce nom. Isabelle était mariée à Humfroi de Toron, homme d'une valeur mince, et un grand nombre des barons craignirent que s'il devenait roi il n'achevât de perdre ce qui restait de possessions aux Chrétiens d'Orient. On ne pouvait contester les droits d'Isabelle, l'expédient auquel on recourut fut de lui donner un autre mari. Humfroi avait pour ennemie personnelle Marie Comnène, veuve du roi Amauri, sa belle-mère et reine douairière de Jérusalem, à laquelle se joignit bientôt

(a) Richard de Devizes, sect. 63, dans les Chronicles of the Crusades, p. 40.

(b) L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXV, chap. x, ap. Hist. occ. des croisades, II, 151.

Conrad, marquis de Montferrat, qui comptait le supplanter. Conrad, après la bataille de Tibériade, avait eu la gloire de sauver Tyr, et, pour défendre les possessions chrétiennes en Palestine, il avait la capacité et les ressources en argent et en hommes dont Humfroi était dépourvu. La reine Marie présenta à l'archevêque de Pise, Albert, légat du SaintSiége en Orient, une requête tendant à faire prononcer la nullité du mariage d'Isabelle. «Ma fille,»> disait-elle, «< n'avait que huit ans quand a été célé» bré son mariage avec Humfroi, donc ce mariage >> est nul. » Humfroi, cité devant le tribunal du légat, répondit qu'il reconnaissait l'exactitude des faits allégués par Marie Comnène, mais qu'Isabelle, étant devenue depuis nubile, c'est-à-dire majeure quant au mariage (a), avait ratifié les conventions faites pendant sa minorité (b), qu'en conséquence le mariage était devenu valide. Le droit canonique lui donnait raison, et il n'y avait pas d'autre droit à faire valoir devant un tribunal ecclésiastique. Mais aussitôt qu'Humfroi eût terminé sa défense, un des chevaliers présents, le bouteiller de Senlis, prit la parole et lui donna un démenti : « Jamais, » dit-il, « la reine Isabelle n'a consenti à ce mariage. » Le duel n'était pas un moyen de preuve admis devant les tribunaux ecclésiastiques. Mais Humfroi ayant refusé d'accepter la provocation du bouteiller de Senlis, perdit sa cause aux yeux de la majorité des

(a) Elle avait dix-huit ans en 1190; voir notre Catalogue, no 832, et D. Bouquet, XIX, 583 D.

(b) Humfroi vivait maritalement avec Isabelle depuis trois ans ; voir notre Catalogue, no 832, et D. Bouquet, XIX, 583 E.

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