Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

ser au chansonnier une réserve que les autres femmes de ce temps n'avaient pas toujours la vertu de lui commander.

Peu de temps après Pâques, qui cette année était le 11 avril, les comtes de Bretagne et de La Marche, en dépit du traité de Vendôme, organisèrent une nouvelle ligue des barons contre le pouvoir royal. Leur but avoué n'était pas d'attaquer Louis IX, dont ils continuaient à se reconnaître vassaux ; ils disaient qu'ils voulaient substituer au gouvernement d'une femme une régence nouvelle, plus digne de la France. Ils attirèrent à eux presque toute la haute aristocralie féodale. Philippe, comte de Boulogne, fils de Philippe-Auguste et d'Agnès de Méranie, oncle de Louis IX, était le régent qu'ils avaient choisi. Réunis à Corbeil, les barons tentèrent de surprendre et d'enlever à sa mère le jeune roi qui faisait une course à cheval aux environs d'Orléans. Mais Louis fut prévenu à temps et put se réfugier au château de Montlhéry où la population de Paris, peu sympathique au baronage soulevé, alla le chercher en armes.

Furieux d'avoir échoué dans leur entreprise, les conjurés convinrent que le comte de Bretagne reprendrait les armes, appellerait les Anglais à son aide, et que, pour rendre au roi de France la guerre impossible, chacun des barons convoqués par Louis IX n'amènerait que deux chevaliers au camp royal. Pierre Mauclerc exécuta ses engagements; Richard, frère d'Henri III, roi d'Angleterre, débarqua en Bretagne avec une armée : il comptait profiter des troubles pour reconquérir la Normandie; mais Thibaut ne tint pas compte de la décision prise à Corbeil par les barons : il conduisit trois cents che

valiers à l'armée de Louis IX. C'était pendant l'hiver de 1228-1229. Louis IX prit Bellesme. Les Anglais découragés se rembarquèrent. Pierre Mauclerc, réduit à ses seules forces, fut contraint de jurer sur les saints Evangiles qu'il ne ferait plus la guerre à son suzerain et de renouveler son hommage (a). « Le roi de France est jeune et enfantin, » avait dit le comte de Bretagne au roi d'Angleterre, « et il » n'est pas en âge de porter la couronne (b); » et cependant jamais l'autorité royale ne s'était manifestée avec plus d'énergie ni de bonheur. Tandis que dans le nord de la France elle triomphait de la puissance anglaise et des partisans que cette puissance y avait conservé, au midi elle terminait avec avantage la longue et sanglante guerre des Albigeois, et un traité, conclu par la médiation de Thibaut, toujours ami du comte de Toulouse, assurait à la dynastie capétienne l'héritage de Raimond VII, et la possession avenir du Languedoc (janvier 1229) (1875, 1888, 1889, 1917).

Les barons, impuissants contre le roi et contre sa mère, tournèrent leur vengeance contre Thibaut. Peut-être espéraient-ils qu'une fois ce dernier abattu, ils auraient plus facilement raison de Blanche.

Le premier acte qui témoigne des haines dont Thibaut était l'objet, date de juillet 1227; il est

(a) Joinville et Gesta sancti Ludovici, ap. D. Bouquet, XX, 201-202 et 314 BC; Chroniques de Saint-Denis, ap. D. Bouquet, XXI, 104-106. Il résulte du récit de Mathieu Paris, édit. de Paris, 1644, p. 243, col. 1 FG, qu'Henri III ne commandait pas l'armée anglaise. Nous devons cette observation à Tillemont. (b) Chroniques de Saint-Denis, ap. D. Bouquet, XXI, 105 A.

postérieur de quelques mois aux traités de Loudun et de Vendôme, qui appartiennent, comme nous l'avons dit, au mois de mars de cette année ; il est de dix-huit mois environ antérieur à la campagne de Bretagne où Bellesme fut pris. C'est un traité d'alliance entre notre comte, Alix, duchesse de Bourgogne et Hugues IV, son fils encore mineur ces derniers jurent d'aider Thibaut contre Guigues, comte de Nevers et de Forez, jusqu'à la majorité de Hugues, qui devait arriver en 1232 ; ils jurent aussi que Hugues n'épousera ni une fille, ni une sœur, ni une nièce de Pierre, comte de Bretagne, de Hugues, comte de La Marche, de Philippe, comte de Boulogne, de Robert de Courtenay, d'Enguerrand de Coucy ou de Gui de Châtillon, comte de Saint-Pol (1773). Ce dernier était mort au siége d'Avignon en 1226, mais il était alors représenté dans le parti hostile à Thibaut par Hugues de Châtillon, son frère, qui, depuis l'année 1228, prit le titre de comte de Saint-Pol (a). Tels étaient, en juillet 1227, les ennemis de Thibaut. De son côté, outre la duchesse de Bourgogne et son fils, étaient rangés Eudes de Méranie, comte de Bourgogne, qui, le 19 janvier 1226, était convenu que son fils épouserait Blanche, fille de Thibaut et d'Agnès de Beaujeu (1686-1689, 1695), et qui, le 8 novembre 1227, engagea le comté de Bourgogne à Thibaut (1795-1797, 1949), et enfin Henri II, comte de Bar-le-Duc, précédemment allié de notre comte dans la guerre contre le duc de Lorraine, et depuis compagnon de ses dangers et de sa fuite sous

(a) Art de vérifier les dates, II, 776.

les murs de Thouars (a). Mais le comte de Champagne perdit bientôt l'alliance du comte de Bar, de la duchesse de Bourgogne et du duc, son fils.

Cette rupture paraît avoir eu lieu peu après le mois d'avril 1229 (1900); elle eut pour cause le mariage du prince bourguignon qui, contrairement au traité du mois de juillet 1227, épousa une nièce de Pierre Mauclerc, comte de Bretagne. C'était Yolande, fille de Robert III, comte de Dreux, lequel était frère du comte de Bretagne (b). Le négociateur de ce mariage fut Robert d'Auvergne, archevêque de Lyon et précédemment évêque de Clermont. Il a déjà été, dans ce volume, question de ce prélat; son intervention s'explique par sa parenté avec Hugues IV, dont il était oncle à la mode de Bretagne : Mahaut, sa mère, était fille du duc de Bourgogne, Eudes II, et grand'tante du duc Hugues IV (c).

Thibaut fut très-mécontent de cette violation d'engagements solennels et contractés sous la foi du ser

(a) Henri s'était aussi ligué avec Thibaut et avec Eudes de Méranie contre Jean, comte de Châlon-sur-Saône, qui prétendait s'emparer du comté de Bourgogne et qui était soutenu par Henri, comte de Vienne, petit-fils, par sa mère Scolastique, de notre comte Henri le Libéral. Un des événements de cette guerre avait été une bataille où le comte de Bar avait été fait prisonnier. Voir les nos 1761, 1762, 1769, 1800, 1801 de notre Catalogue et l'Art de vérifier les dates, II, 503, 535. L'issue de cette guerre avait été favorable à Eudes de Méranie, auquel le traité de Bèze assura la conservation du comté de Bourgogne.

(b) Art de vérifier les dates, II, 672.

(c) Art de vérifier les dates, II, 360-361, 502-505; Gall. Christ. nov., IV, 158 D; voir aussi le présent volume, p. 156

221

ment; mais il mit les torts de son côté par la vengeance qu'il en tira. L'archevêque se trouvait par hasard en Champagne; tout d'un coup, il disparut. Des agents du comte s'étaient secrètement emparés de sa personne, et, pour déjouer toute surveillance, le faisaient voyager de château en château, la nuit, les yeux bandés; mais leur adresse fut vaine : le secret de cette scandaleuse captivité se dévoila et l'indignation donna pour libérateur à l'archevêque le plus ancien allié de Thibaut, Henri, comte de Barle-Duc (a); que, d'ailleurs, le mariage du duc de Bourgogne devait déjà disposer à changer de parti, car il était, par Philippine de Dreux, sa femme, oncle de la jeune duchesse (b). Philippine, en effet, était fille de Robert II et sœur de Robert III, comtes de Dreux. Dès lors, le comte de Bar et le duc de Bourgogne se réunirent aux ennemis de Thibaut (c).

Le seul allié de notre comte, dans le haut baronage français, était Ferrand, comte de Flandre (d), qui ne pouvait pardonner à Pierre Mauclerc d'avoir voulu lui enlever sa femme et son comté, et qui, mis en liberté par la reine Blanche, après une captivité

(a) Albéric, ap. D. Bouquet, XXI, 600 D-G. Ce récit est confirmé par une bulle du pape Grégoire IX qui, le 29 novembre 1229, donne à l'évêque de Paris ordre d'excommunier ceux qui ont arrêté et dépouillé l'archevêque de Lyon. Raynaldi, 1" édit., Rome, 1646, XIII, 402.

(b) Art de vérifier les dates, II, 672; III, 48.

(c) La brouille d'Henri et de Thibaut est évidemment postérieure à une charte du mois d'avril 1229, qui est mentionnée dans notre catalogue sous le n° 1900.

(d) Albéric, ap. D. Bouquet, XXI, 600 GH.

« VorigeDoorgaan »