Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

elle y représenta la Champagne; elle prétendit même, à ce titre, porter l'épée du roi, que Jeanne, comtesse de Flandre, sa nièce, lui disputa, et que, par manière de transaction, on confia au comte de Boulogne Philippe, sauf réserve des droits des deux parties (a).

Blanche de Castille, qui gouvernait sous le nom de son fils, n'attendit pas la fin de l'hiver pour entrer en campagne contre les barons ligués. C'était du côté de la Bretagne que le danger était le plus grand ce fut vers la Bretagne que l'armée royale se dirigea. Elle était, le 20 février, à Tours, le lendemain à Chinon, puis elle vint camper à Loudun. Alors, les rebelles effrayés commencèrent à négocier. Leur quartier-général se trouvait à Thouars; là étaient réunis Richard, frère du roi d'Angleterre, Savari de Mauléon, les comtes de Bretagne et de La Marche, même le comte de Champagne et le comte de Bar-le-Duc qui avaient obtenu un saufconduit du roi pour traverser la France; des conférences s'ouvrirent près du village de Curçay. Richard voyait de mauvais œil ces négociations dont le résultat probable devait être de raccommoder Blanche de Castille avec les barons révoltés et d'em

(a) Philippe Mousket, vers 27707-27715 (édit. Reiffenberg, II, 568), dit formellement que la comtesse de Champagne dont il est ici question était tante de celle de Flandre. Or, Blanche de Navarre était belle-sœur de Marie de Champagne, dont Jeanne de Flandre était fille; Jeanne était donc nièce de Blanche. M. de Reiffenberg se trompe quand il croit que la comtesse de Champagne dont il s'agit ici est Agnès de Beaujeu : Agnès de Beaujeu était cousine germaine de la comtesse de Flandre.

pêcher une guerre qui donnait au roi d'Angleterre des chances pour recouvrer les vastes possessions perdues par l'effet des conquêtes de Philippe-Auguste et de Louis VIII. Il paraît que le comte de Champagne et le comte de Bar étaient ceux des barons français qui se montraient le plus disposés à une réconciliation avec l'autorité royale. Ils étaient campés sous les murs de Thouars, faute d'avoir trouvé place dans l'intérieur de cette ville. Richard et Savari essayèrent un coup de main pour les enlever et les emmener prisonniers. Cette tentative échoua. Mais les deux comtes, voyant que leurs alliés étaient si peu dignes de confiance, crurent que le plus sûr était de se soumettre à Blanche de Castille; ils prirent secrètement la fuite et se rendirent au camp français. La première conséquence en fut, le 2 mars 1227, la conclusion d'une trève qui devait durer jusqu'au 25 avril, et commencer quand l'armée royale aurait rétrogradé au-delà de Chartres et d'Orléans. Cette trève fut conclue avec le consentement des comtes de Bretagne et de La Marche (a). Presque immédiatement après Thibaut et le comte de Bar firent hommage à Louis IX (6) qui accorda à notre comte son pardon, moyennant

(a) Nous avons encore les lettres par lesquelles ils autorisent Thibaut à la conclure; voir notre n° 1741 et D. Bouquet, XVIII, 319 n.

(b) Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 319 C D; Philippe Mousket, vers 27838-27839 (édit. Reiffenberg, II, 572). On ne peut admettre l'exactitude du récit de Baudoin d'Avesnes, suivant lequel la soumission de Thibaut aurait été provoquée par une expédition de Louis IX en Champagne (D. Bouquet, XXI, 161-162). Voir cependant Tillemont, I, 452-453.

la cession des droits de suzeraineté que les comtes de Champagne avaient eus jusque-là sur Breteuil, Millançay et Romorantin (1743) (a). Puis l'armée royale commença à battre en retraite conformément au traité du 2 mars; et elle n'était encore arrivée qu'à Vendôme quand les comtes de Bretagne et de La Marche imitant ceux de Champagne et de Bar vinrent humblement porter leur hommage au roi, 16 mars 1227 (b).

Ils sentaient qu'abandonnés par Thibaut ils ne pouvaient lutter contre l'autorité monarchique, mais l'atteinte qu'ils avaient subie dans leurs projets d'indépendance et dans leur orgueil fut le principe d'une haine implacable pour les trois personnes auxquelles ils attribuaient principalement leur insuccès, c'est-àdire pour la reine Blanche, pour le légat Romain, son principal conseiller, et surtout pour Thibaut. Ils ne pouvaient pardonner au prince champenois un acte de soumission sage qui, peut-être, avait sauvé l'autorité royale en France, mais qui, à leurs yeux, était une trahison. La persistance de Thibaut dans la fidélité qu'il avait promise au roi devait bientôt porter cette haine au comble.

Ce serait alors, dit-on, que notre comte, subjugué par les charmes de la régente, aurait commencé à

(a) L'acte qui constate cette cession est de mars 1227, mais postérieur de quelques jours aux traités de Thouars et de Vendôme, car il est daté de Paris, où Thibaut n'arriva sans doute que vers la fin de mars.

(b) Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 319 D. Gesta sancti Ludovici, ap. D. Bouquet, XX, 312-315. Philippe Mousket, vers 27872-27879, édit. Reiffenberg, II, 573-574.

composer des chansons en l'honneur de cette princesse. Voici quelques-uns des vers par lesquels on croit qu'il célébra sa passion.

Très, haute amors qui tant s'est abaissie
Qu'en mon cuer se daigna hebergier,
A faire un chant m'a presté s'aïe.
Si chanterai; car por moi enseignier
A Amors pris en moi son herbergage.
Et se je chant, ce n'est pas par usage:
Ains voil chanter por ce que cele l'oie
Qui peut faire mon duel devenir joie.

Amours me fist une grant courtoisie
Quant en tel lieu voult mon cuer emploier
Où Dex a mis de ses biens tel partie
Que toz li mons i aurait que prisier.
Je cuidoie qu'amant fuissent tuit sage;
Sage n'en sont. J'aim, et si fais folage
Car j'aim Dame, que proier n'oseroie;
Et si n'ai oeil si hardi qui la voie.

Cele que j'aim est de tel seignorie
Que sa biautez me fait outrecuidier.
Quant je la voi, je ne sai que je die :
Si sui sospris que je ne l'os proier.
Las! je morrai s'ele ne m'assoage.
S'ele m'ocit, trop fera grant outrage.
Plus sent por li de maus qui me guerroie,
Qu'onc n'ot Paris por Helene de Troie.

Dame en qui est toute honors assegie,
En moi grever poez griement pechier.
Se fins Amors vos a de moi saisie,
Ne me mettez por ce de vos arrier.
Votre hom deving loiaus, de vrai corage,
D'une chançon rendue à heritage

Le jor de mai. Dex doint que bien l'emploie!
Car je n'aurai voloir que j'en recroie.

[blocks in formation]

Blanche était trop adroite pour ne pas accueillir avec politesse et grâce l'expression d'un sentiment qui lui garantissait la fidélité de Thibaut à la cause royale, et qui flattait chez elle la vanité ordinaire de son sexe; mais la dignité de son regard savait impo

(a) Tarbé, Chansons de Thibaut IV, p. 70-71 ; La Ravallière, Les poésies du roi de Navarre, p. 9-10.

(b) Tarbé, p. 19; La Ravallière, II, 13.

(c) Hist. litt., XXIII, 783; Tarbé, p. 21-22; La Ravallière, II, 47.

« VorigeDoorgaan »