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Jeanne, comtesse de Flandre, dont le mari Ferrand était, depuis la bataille de Bouvines, enfermé dans la tour du Louvre. Le roi s'était opposé à ce projet, et, pour en empêcher la réalisation, préparait la mise en liberté de Ferrand, qui fut en effet élargi le 25 décembre suivant (a). Quant à Hugues de Lusignan, vassal du roi de France et beau père du roi d'Angleterre, il était ou pour l'un ou pour l'autre, suivant que son intérêt semblait le lui conseiller. Les trois comtes envoyèrent, pendant le siége, des ambassadeurs et des présents à Raimond VII et aux Avignonais, et ils en reçurent à leur tour. Aussi, le départ de notre comte sembla-t-il le résultat d'une entente avec les ennemis, et il provoqua contre lui une vive indignation: « Le comte de Champagne Thibaut » était parent du roi,» dit un contemporain, » avait épousé une parente du roi (b); il avait été » élevé dans la maison royale avec le roi; le roi lui » était venu en aide, autant que possible, contre » Erard de Brienne qui, du chef de sa femme, ré>> clamait le comté de Champagne. Ingrat et sourd » à la voix de l'honneur, il a abandonné son roi et >> son seigneur entouré d'ennemis et des dangers >> les plus pressants. Il est revenu en France pour » la honte et l'ignominie de son nom et de sa race; » et, adressant au monarque et au trône une nou

(a) Voir le traité dans D. Bouquet, XVIII, 553 n.

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(b) Agnès de Beaujeu, seconde femme de Thibaut, était fille de Sybille de Hainaut, et Sybille de Hainaut était sœur d'Isabelle de Hainaut, mère de Louis VIII. Par conséquent Agnès de Beanjeu était cousine germaine de Louis VIII (Art de vérifier les dates, II, 475.)

» velle insulte, il s'est mis à faire réparer les murs >> et les autres défenses de ses villes et de ses châ>>teaux! (a). »>

Nous ferons observer à la décharge de notre comte que s'il avait été élevé élevé à la cour, ce n'avait pas été une faveur, mais une garantie exigée par PhilippeAuguste contre sa mère et contre lui. Quant aux préparatifs de guerre qu'il fit en rentrant en Champagne, ils étaient provoqués par les menaces de Louis VIII.

Notre comte se vengea de ses détracteurs par une satire contre les guerres de religion et contre les membres du clergé qui les prêchaient.

Diex est ensi comme li pelicans

Qui fait son nit el plus haut arbre sus.
Et li mauvais oisiaus qui vient de jus
Ses oisillons ocist, tant est puans!
Li pères vient destrois et angoisseus,
Dou bec s'ocist; de son sanc dolereux
Vivre refait tantost ses oisillons.

1

(a) Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 316 B. Voir une appréciation de cette chronique, p. XII de la préface de ce volume de D. Bouquet. Le récit de ce chroniqueur est confirmé par Philippe Mousket, vers 26173-26201 (édit. Reiffenberg, II, 515-516). Suivant Mousket, la cause des intelligences de Thibaut avec les assiégés aurait été la parenté qui existait entre lui et certains d'entr'eux. Cette assertion est sans doute motivée sur le fait que la femme de Raimond VII, comte de Toulouse, appartenait à la mai son d'Aragon (Art de vérifier les dates, II, 500). Or, les deux maisons de Navarre et d'Aragon étaient des rameaux détachés de celle de Castille au commencement du XIIe siècle (Art de vérifier les dales, I, 744), et Thibaut descendait par sa mère de la maison de Navarre.

Et se ne fust li essamples de ceus
Qui aiment et noises et tençons,

Ce est des clers qui ont laissié sermons
Pour guerroier et pour tuer les gens,
Jamais en Dieu ne fust nus hom créans!

Savés qui sont li vil oiseau pugnais
Qui tuent Dieu et ses enfançonnés?

Li papelart dont li mont (pur) n'est pas nés;
Ains sont puant, ort, vil et mauvais;

Il occient toute la simple gent

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Par leur faus mos

qui sont de Dieu enfant.

Or nous doint Diex lui servir et amer

Et la dame qu'on n'i doit oublier
Et nous voille garder à tous jours mais

Des pus oiseaus qui ont venain ès bès (a).

Mais on ne calme pas les querelles en répondant injure à injure. Bientôt la haine des ennemis de Thibaut ne connut plus de bornes, et l'on prétendit qu'amoureux de la reine Blanche de Castille, il avait traité Louis en rival et l'avait empoisonné. La mort de ce prince, qui eut lieu le 8 novembre suivant, donna en France et jusqu'en Angleterre du crédit à ce bruit honteux (b). Mais on conviendra que l'effet du poison, administré par Thibaut, aurait été fort lent, car le décès de Louis VIII n'eut lieu que plus

(a) La Ravallière, Les poésies du roi de Navarre, II, 158-161; Tarbé, Chansons de Thibaut IV, p. 119-121.

(b) Mathieu Paris, ap. D. Bouquet, XVII, 767 D; Gesta Ludovici VIII, ibid., 354 Cn; Abbreviationes gestorum Franciæ regum, ibid., 433 B n; Philippe Mousket, vers 27283-27284 (édit. Reiffenberg, II, 553), 27955-27957 (ibid., 576). On a aussi reconnu une allusion à cette accusation dans deux vers du second serven

de trois mois après le départ du comte de Champagne (a).

Avant d'expirer, Louis VIII fit jurer aux évêques et aux barons présents qu'ils feraient hommage à Louis IX, son fils aîné, alors âgé de dix ans (b), et veilleraient à ce qu'il fût couronné roi le plus tôt possible (c). Ces évêques et ces barons exécutèrent leur serment, et nous avons encore la lettre d'invitation par laquelle ils prièrent Thibaut de venir assister au sacre qui devait avoir lieu à Reims le 29 novembre (1731). Mais Thibaut ne s'y trouva point (d). Il ne pouvait même décemment prendre part à cette cérémonie. Nous avons dit quelles menaces Louis VIII lui avait adressées sous les murs d'Avignon; notre comte avait dû s'assurer des moyens de résistance; il avait organisé, contre l'autorité royale, une ligue

tois de Hue de La Ferté, où l'auteur s'adressant à Thibaut, lui dit : Ainçois estes miex mollés (formé)

A savoir de sirurgie (chirurgie, médecine). Paulin, Paris, Romancero français, p. 188.

(a) Voir à ce sujet D. Bouquet, XVII, 433 n.

(b) Louis IX était né le 25 avril 1215 (Tillemont, Vie de saint Louis, I, 422).

(c) Voir la charte que nous avons numéroté 1730, et y comparer Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet, XVIII, 317 E.

(d) Chronicon Turonense, ap. D. Bouquet XVIII, 318 A. Suivant Mathieu Paris, ap. D. Bouquet, XVII, 768 D E., les convocations auraient été faites pour le 30 novembre, et le sacre aurait eu lieu le même jour, qui est celui où l'on célèbre la fête de saint André; mais, d'accord avec le Chronicon Turonense, la lettre de convocation, adressée à Thibaut, fixe le sacre au jour précédent, c'est-à-dire au dimanche avant la fête de Saint-André.

avec les comtes de Bar-le-Duc, de Bretagne, de La Marche, de Toulouse et le roi d'Angleterre entre eux et le roi de France la guerre allait commencer (a).

Cependant, on prétend que le prince champenois eut un instant la pensée d'entreprendre le voyage de Reims. Tandis que le petit roi, amené jusqu'auprès de la ville dans un chariot, faisait son entrée sur un grand cheval et allait descendre au palais épiscopal, on vit arriver des gens du comte qui venaient retenir un des plus beaux logements de la cité métropolitaine; ils racontèrent mème, dit-on, que leur maître les suivait à deux lieues de distance. Le prévôt, sur un ordre vrai ou supposé de la reine, leur donna ordre de se retirer et reçut d'eux un refus formel. Mais alors le maire de Reims envoya ses sergents dans la maison où ils se trouvaient, fit jeter dehors tous leurs bagages et les chassa eux-mêmes de la ville. On comprend la colère du comte (b). Cependant, sa mère figura dans les cérémonies du sacre;

(a) Nous avons catalogué, sous les nos 1739 et 1740, les traités d'alliance entre le comte de Bretagne, le comte de La Marche et Thibaut; ces traités sont imprimés dans D. Bouquet, XVIII, 316 n. On peut lire aussi dans D. Bouquet, XVIII, 318 n, une pièce relative aux négociations qui eurent lieu à cette époque entre le comte de Bretagne et le roi d'Angleterre. Voir encore à ce sujet le Chronicon Turonense, ibid., 318 A B; Gesta sancti Ludovici, ap. D. Bouquet, XX, 312 CD, Chronicon Girardi de Fracheto et Chronique de Baudoin d'Avesne, ap. D. Bouquet, XXI, 3, 161; Philippe Mousket, vers 27733-27746 (édit. Reiffenberg, II, 568-569).

(b) Philippe Mousket, vers 27580-27626 (édit. Reiffenberg, II, 563-565).

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