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Enfin, Thiébaut Ier, duc de Lorraine, prit parti pour Erard qui, voulant rémunérer ce puissant concours, lui abandonna une partie de la Champagne et lui fit faire hommage par plusieurs vassaux de Blanche (1124). La situation des esprits en France, en Allemagne et en Angleterre était alors telle que la question de succession de Champagne, affaire d'un caractère tout local, prit un intérêt pour ainsi dire européen. Le monde catholique d'Occident était divisé entre deux partis politiques : d'un côté, Philippe-Auguste, qui avait pour allié en Allemagne Frédéric II, roi des Romains, candidat pontifical à l'empire et concurrent d'Othon IV; de l'autre côté, Othon IV qui, neveu et successivement allié de Richard-Coeur-de-Lion et de Jean-sans-Terre, ennemis naturels de Philippe-Auguste, avait été élevé au trône par l'influence d'Innocent III, couronné empereur par ce pape et peu après excommunié par lui. Jean-sans-Terre, dépouillé de la plupart de ses états continentaux par Philippe-Auguste, avait un instant pensé être vengé par Othon qui, en 1214, avait tenté une invasion en France. On connaît l'issue de cette entreprise et la victoire remportée par Philippe-Auguste à Bouvines, est restée célèbre dans nos annales. A cette bataille fameuse, Blanche était brillamment représentée par ses vassaux dans les rangs de l'armée française. Hugues de Mareuil, qui fit prisonnier Ferrand, comte de Flandre, était un de

des partisans d'Erard dans la pièce cataloguée sous le no 1068. Elle n'est pas complète, comme le prouvent les chartes analysées sous les nos 1095, 1105, 1217 bis, etc.

ses chevaliers (a), et deux registres de la chancellerie de Champagne, conservant le souvenir de la joie que témoigna la mère de Thibaut IV, quand elle connut la défaite d'Othon, nous apprennent qu'elle donna un fief en récompense au messager envoyé par le roi pour lui apporter cette nouvelle (b). Mais ce succès n'abattit pas complètement, en Allemagne, le parti hostile à Frédéric II et à Innocent III. Ce parti, dont le représentant le plus élevé, à l'époque où nous sommes parvenus, semble avoir été le duc de Lorraine, fit alliance avec Erard de Brienne et ses adhérents, qui, comme Othon IV et ses amis, avaient pour adversaires le pape et le roi de France. Cette alliance entre les mécontents d'Allemagne et de France nous semble un des faits curieux de ce siècle; elle dément l'opinion qui considère le moyen âge comme exclusivement dominé par l'esprit de localité, et l'on y voit le prélude de ces grands mouvements révolutionnaires qui, à une époque plus moderne, se sont étendus à toutes les nations de l'Europe avec un caractère religieux ou un caractère politique, et, le plus souvent, avec ces deux caractères en même temps (c).

(a) Rigord, ap. D. Bouquet, XVII, 96, 97; Philippe Mousket, vers 21780 (édit. Reiffenberg, II, 359) et vers 21795-21899 (ibid., 360); sur Hugues de Mareuil, voir notamment les nos 1311, 1312, 1383 de notre Catalogue.

(b) Voir notre tome tome II, p. 17, note 1, et p. xxvIII, art. 360.

(c) Le premier document qui établit l'intervention de Thiébaut, duc de Lorraine, dans cette guerre, est une charte du mois d'octobre 1216 (1022). Il résulte de cette pièce qu'Henri II, comte de Bar-le-Duc, avait aussi pris parti dans cette lutte; c'était évidem

Les premières opérations militaires paraissent avoir eu lieu à la fin de l'année 1215 ou au commencement de l'année suivante. Erard ne voulant pas se trouver en opposition directe avec le pape et le roi, ne donna pas officiellement, comme motif de prise d'armes, les prétentions qu'il élevait sur le comté de Champagne, du chef de sa femme; le prétexte qu'il mit en avant fut la spoliation dont il avait été personnellement victime quand, au moment de son départ pour la Terre-Sainte, ses biens patrimoniaux avaient été saisis par Blanche (1295); mais ses alliés n'eurent pas tous la même réserve: nous avons encore la déclaration de guerre de l'un d'entre eux, elle commence ainsi :

<«< A Blanche, comtesse, et à Thibaut, son fils, sa>> lut. Moi, seigneur de Sexfontaine, je vous notifie » par ces lettres qu'autrefois j'ai été votre homme >> et celui de Thibaut, votre fils. Mais maintenant il » vient d'arriver un héritier qui a des droits mieux >> fondés et qui me demande mon hommage, et » déjà il y a entre nous un lien qui m'empêchera » de le quitter jamais. Sachez donc que je me suis » tourné du côté de l'héritier légitime et que je ne » suis plus votre vassal... » (1044).

Nous ne savons pas en quoi consistèrent les opérations militaires entreprises par Erard. Blanche fit bravement tête à l'orage, prit l'offensive et envoya une armée assiéger le château de Noyers où résidait

ment dans les rangs opposés. Il y avait déjà figuré à la bataille de Bouvines où Othon IV avait failli le faire prisonnier. (Art de véri fier les dates, II, 46.)

son adversaire (a). Cette armée dévasta la campagne environnante (1295), mais ne put continuer longtemps les travaux du siége. Erard avait été prier le roi d'accepter son hommage pour le comté de Champagne ou, en d'autres termes, avait intenté, devant le tribunal suprême de l'Etat, une action en revendication de la succession du comte Henri II. Quand il se présenta devant le monarque, les envoyés de la comtesse à la cour de France répondirent que la même affaire ne pouvait être à la fois traitée judiciairement et par la force, et que, faire une demande par les vois légales, c'était proposer une suspension d'armes. Erard accepta cette interprétation (1022).

Bientôt Blanche reçut la visite de Guillaume des Barres et de Mathieu de Montmorency qui, au nom du roi, l'invitèrent à accorder immédiatement une trève à son adversaire. Les deux envoyés étaient porteurs d'une lettre de Philippe : « Erard,» disait le prince, «< a promis, en notre présence, d'observer cette » trève, et sachez qu'elle durera autant que le pro» cès pendant pardevant nous, entre vous et votre >> fils Thibaut, notre très-cher neveu, d'une part, >> ledit Erard et sa femme d'autre part. » Cette pièce était datée d'avril 1216 (963). Blanche se soumit, et pendant quelque temps, la question de la succession de Champagne cessa de s'agiter sur les champs de bataille : elle était portée au tribunal du roi. Le duc

(a) Les barils envoyés à Noyers, suivant le compte de l'année 1217, publié par M. Bourquelot, ont eu sans doute pour destination l'approvisionnement de l'armée qui assiégea Noyers en 1216.

Fragments de comptes du XIIIe siècle, dans la Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 5e série, t. IV. - Noyers, Yonne.

de Bourgogne, Guillaume des Barres et Mathieu de Montmorency assignèrent notre comtesse à comparaître devant ce tribunal (976), et l'affaire s'y présenta au mois de juillet suivant, dans l'assemblée de Melun.

Erard, Blanche et Thibaut comparurent en personne; le roi présidait (976, 995). Les juges étaient au nombre de dix-huit : cinq pairs ecclésiastiques : Albéric, archevêque de Reims; Guillaume, évêque de Châlons-sur-Marne; Guillaume, évêque de Langres; Philippe, évêque de Beauvais, et Etienne, évêque de Noyon; un pair laïc Eudes, duc de Bourgogne; quatre évêques non pairs Renaud, évêque de Chartres; Garin, évêque de Senlis; Jourdain, évêque de Lisieux; Guillaume, évêque d'Auxerre; enfin, huit barons non pairs: Guillaume, comte de Ponthieu; Robert, comte de Dreux et de Braisne; Gaucher, comte de Saint-Pol; Guillaume, comte de Joigny; Jean, comte de Beaumont; Robert, comte d'Alençon; Pierre Mauclerc, comte de Bretagne, Guillaume des Roches, sénéchal d'Anjou (977-994).

Blanche ne demanda pas que le procès fût jugé au fond. Aux prétentions d'Erard, sur la succession du comte de Champagne Henri II, elle opposa l'exception dilatoire de minorité. La question étant ainsi posée, on pouvait deviner facilement quelle solution elle recevrait. Sans parler du roi Philippe-Auguste, qui avait, à trois reprises, nettement déclaré sa manière de voir (707, 823, 908), plusieurs des juges s'étaient déjà prononcés sur le droit qu'avait Blanche de faire valoir cette exception. Albéric, archevêque de Reims; Renaud, évêque de Chartres, et

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