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la prudence conseillait la réserve et il laissa le roi de France poursuivre le cours de ses succès (a).

que

A

Cependant les jeunes filles d'Henri II grandissaient et le temps approchait où, sans doute, quelque intrigant les rechercherait en mariage dans l'espérance d'exploiter les prétentions qui, de leur chef, pourraient être élevées sur le comté de Champagne. On se rappelle qu'avant de mourir Henri était convenu l'aînée de ses filles épouserait le fils aîné du roi de Chypre Amauri (b). Ce traité fut confirmé par le par le pape, sur la demande de Gautier de Montbéliard, régent de Chypre, le 30 mars 1206 (c). Son exécution, fixant en Orient une des deux filles de Blanche, était, pour notre comtesse, une garantie de tranquillité. Afin d'assurer la réalisation de ce mariage, la veuve de Thibaut III envoya en Orient son chambrier, Garnier de Lagny, qui se mit en rapport avec Jean d'Ibelin, régent de Jérusalem, avec Philippe d'Ibelin, frère de Jean, et avec Marie Comnène, reine de Jérusalem, leur mère. Jean et Philippe d'Ibelin étaient oncles, et Marie, grand'mère des filles du comte Henri. Ils s'engagèrent à donner au roi de Chypre Alix, l'aînée des deux jeunes princesses, et, prévoyant le cas où elle mourrait avant que cette union pût avoir lieu, ils promirent, dans cette hypothèse, de marier à sa place la seconde, qui se nommait Philippine. Quoi qu'il arrivât, ils de

(a) Le reste de la correspondance relative à cette intervention pontificale se trouve dans D. Bouquet, XIX, 443-445, 458-460, 469-470.

(b) Voir plus haut, p. 60.

(c) Maslatrie, Hist, de Chypre, t. II, p. 34.

vaient retenir cette dernière en Terre-Sainte au moins jusqu'au 6 avril 1210. En conséquence, Garnier de Lagny promit qu'aussitôt le mariage célébré, Blanche donnerait cent cinquante marcs d'or à Jean d'Ibelin, autant à Philippe, à Marie et au chevalier Guillaume de Pétra, qui avait pris part à cette négociation et qui s'était obligé conjointement avec le régent, avec Philippe et avec la reine Marie, 5 décembre 1207 (672). Alix épousa le roi de Chypre l'année suivante (a) et Philippine resta en Orient jusqu'en 1215; mais, dès que Blanche vit approcher le terme convenu par son agent, elle fut pleine d'inquiétude et ne cessa de chercher des sûretés.

Au mois de juillet 1209, elle fit, avec le roi de France, un nouveau traité. Il fut convenu que Philippe-Auguste garderait près de lui Thibaut, fils de Blanche, jusqu'au 2 février 1214, et qu'il resterait en possession de Bray et de Montereau jusqu'à la majorité de ce jeune prince, c'est-à dire jusqu'au 30 mai 1222. En outre, Blanche promit de lui donner 15,000 livres, qui représenteraient aujourd'hui environ 1,500,000 francs. A son tour, Philippe s'engagea à recevoir l'hommage de Thibaut, quand ce dernier aurait vingt-et-un ans, et il fut entendu que cet hommage aurait pour objet tous les fiefs dont Thibaut III était en possession le jour de son décès. Enfin, disait une des clauses du traité, et c'était la plus importante si les filles du comte Henri ou si quelqu'autre

(a) L'Estoire de Eracles, empereur, liv. XXX, chap. xv, ap. Hist. occ. des Croisades, II, 309; Malastrie, Hist. de Chypre, I, 177-179.

traduit en justice Blanche ou son fils à cause du comté de Champagne, avant que Thibaut n'ait accompli sa vingt-et-unième année, ni Blanche ni Thibaut ne seront tenus de répondre à cette demande jusqu'à l'échéance de ce terme, et le roi refusera d'entendre le demandeur; car, suivant la coutume de France, aucune personne âgée de moins de vingt-etun ans n'est tenue de répondre en justice à une de mande qui concerne la propriété des biens dont le père de cette personne était en possession sans procès quand il est mort, juillet et août 1209 (707,708). Louis VIII, fils aîné et futur successeur de PhilippeAuguste, se porta garant de l'exécution de ce traité par son père (709). Le pape le confirma (752). Eudes, duc de Bourgogne; Albéric, archevêque de Reims, et Guillaume, évêque de Langres, déclarèrent approuver la décision du roi qui reconnaissait à Thibaut le droit d'opposer une exception dilatoire jusqu'à l'âge de 21 ans. Ils promirent en outre de recevoir l'hommage de Thibaut dès qu'il serait majeur. Le duc de Bourgogne et l'évêque de Langres ajoutèrent même qu'ils recevraient cet hommage plus tôt si Blanche le désirait (712, 722, 723, 735, 736).

Notre comtesse réunit, au moyen d'une imposition, la somme qu'elle s'était engagée à payer à Philippe. Nous savons, par exemple, que les bourgeois de Lagny lui donnèrent 1,000 livres, soit environ 100,000 francs, à titre d'aide, mars 1210 (729). Blanche devait s'acquitter de sa dette par fractions égales, chacune de 2,500 livres, payables en six termes : les 30 novembre 1209, 2 février, 25 avril, 22 juillet, 8 octobre et 30 novembre 1210 (707-709). Elle paraît avoir fait ces paiements avec une scru

puleuse exactitude, car, en mai 1210, trois termes étant échus, Philippe reconnaît avoir reçu 7,500 livres, c'est-à-dire moitié de la somme promise (740), et, aussitôt après l'échéance du dernier terme, il donna quittance du tout, décembre 1210 (757).

La veuve de Thibaut III ne se contenta pas de ces précautions en 1204, elle avait fait fortifier le chàteau de Sainte-Menehould (a) qui, autrefois, dépendait du comté de Rethel et que Thibaut III en avait détaché (519). En 1210, frappée de l'excellente position du Montaimé, montagne isolée qui, s'élevant près de Vertus, domine la plaine à une grande distance, elle y construisit un château dont il ne reste plus pierre sur pierre, mais dont des fossés profonds marquent encore l'emplacement. Le chroniqueur qui nous apprend la date de la fondation de ce chàteau nous dit que cette forteresse fut élevée dans la prévision de guerres imminentes (b).

Les craintes de Blanche étaient fondées. Le royaume de Jérusalem, vacant depuis la mort d'Henri II, appartenait alors, par droit héréditaire, à la belle-fille d'Henri, Marie de Montferrat, née du mariage d'Isabelle de Jérusalem avec le marquis Conrad. Marie venait d'épouser Jean de Brienne, fils du comte de Brienne Erard II, frère de Gautier, également comte de Brienne, qui prétendit au trône de

(a) Chronicon Alberici, ap. D. Bouquet, XVIII, 769 D.

(b) Chronicon Alberici, ap. D. Bouquet, XVIII, 776 C. Le premier acte qui, à notre connaissance, soit relatif au château du Montaimé, date du 29 mars 1220 (1257). Il concerne la fondation de la chapelle de ce château.

Sicile, et de Guillaume de Brienne, qui fut ami de Thibaut III (a). Jean de Brienne avait été couronné roi de Jérusalem le 1er octobre 1210 (b).

L'exemple de cette haute fortune, plus brillante cependant que réelle, tenta l'ambition d'un cousin germain de Jean de Brienne, nous voulons parler d'Erard de Brienne, seigneur de Venisy (Yonne) et en partie de Ramerupt (Aube), fils d'un frère cadet du comte Erard II. Il a déjà été question, dans ce volume, d'André de Brienne, seigneur de Ramerupt, son père, qui fut un des héros et une des victimes de la troisième croisade (c).

Prévoyant les dangers auxquels son entreprise devait l'exposer, Erard prit la croix et s'assura ainsi les privilèges exceptionnels dont l'Eglise entourait ceux qui faisaient vou de combattre pour la défense de la Terre-Sainte. On sait que les biens et les personnes des croisés étaient placés sous la protection du pape et qu'on ne pouvait pas les attaquer devant la juridiction civile : par conséquent la cour de Blanche était sans armes contre lui (d).

(a) Voir plus haut, p. 88, note b. Sur le mariage de Jean de Brienne avec Marie de Montferrat, voir L'Estoire de Eracles, empereur, livre XXX, chap. xvII, et livre XXXI, chap. 1, ap. Hist. occidentaux des Croisades, II, 310-311.

(b) Ibid., p. 312.

(c) Voir plus haut, p. 29.

(d) Voir Du Cange au mot Crucis privilegium, éd. Henschel, II, 681, col. 1, et une charte d'Eudes III, duc de Bourgogne, indiquée par Delisle, Catalogue des Actes de Philippe-Auguste, n° 946, et publiée par Teulet, Layettes du Trésor des Chartes, n° 768.

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