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La langue latine est franche, ayant des voyelles pures et nettes, et n'ayant que peu de diphtongues. Si cette constitution de la langue latine en rend le génie semblable à celui des romains, c'est-à-dire, propre aux choses fermes et måles, elle l'est, d'un autre côté, beaucoup moins que la grecque, et même moins que la nôtre, aux choses qui ne demandent que de l'agrément et des grâces légères.

La langue grecque est pleine de diphtongues qui en rendent la prononciation plus allongée, plus sonore, plus gazouillée. La langue française, pleine de diphtongues et de lettres mouillées, approche davantage en cette partie, de la prononciation du grec que du latin.

La réunion de plusieurs mots en un seul, ou l'usage fréquent des adjectifs composés, marque dans une nation beaucoup de profondeur, une apprehension vive, une humeur impatiente et de fortes idées : tels sont les grecs, les anglais et les allemands.

On`remarque dans l'espagnol que les mots y sont longs, mais d'une belle proportion, graves, sonores et emphatiques, comme la nation qui les emploie.

C'était d'après de pareilles observations, ou du moins d'après l'impression qui résulte de la différence matérielle des mots dans chaque langue, que l'empereur Charles-Quint disait qu'il parlerait français à un ami, francese ad un amico; allemand à son cheval, tedesco al suo cavallo ; italien à sa maîtresse, italiano alla sua signora; espagnol à Dieu, spagnuolo a Dio; et anglais aux oiseaux, inglese a gli uccelli. »

De L'écrituRE DES DIFFÉRENS PEUPLES. Suivons Rous seau dans le moyen qu'il indique de comparer les langues, et de juger de leur ancienneté : « Ce moyen, dit-il, se tire de l'écriture, et cela en raison inverse de la perfection de cet art. Plus l'écriture est grossière, plus la langue est antique.

La première manière d'écrire n'est pas de peindre les

sons, mais les objets mêmes, soit directement, comme faisaient les mexicains, soit par des figures allégoriques, comme firent autrefois les égyptiens. Cet état répond à la langue passionnée, et suppose déjà quelque société et des besoins que les passions ont fait naître.

La seconde manière est de représenter les mots et les propositions par des caractères conventionnels; ce qui ne peut se faire que quand la langue est tout à fait formée, et qu'un peuple entier est uni par des lois communes;

car il y a déjà ici double convention. Telle est l'écriture des chinois : c'est là véritablement peindre les sons et parler aux yeux.

La troisième est de décomposer la voix parlante à un certain nombre de parties élémentaires, soit vocales, soit articulées, avec lesquelles on puisse former tous les mots et toutes les syllabes imaginables. Cette manière d'écrire, qui est la nôtre, a dû être imaginée par des peuples commerçans, qui, voyageant en plusieurs pays, et ayant à parler plusieurs langues, furent forcés d'inventer des caractères qui pussent être communs à toutes. Ce n'est pas précisément peindre la parole, c'est l'analiser.

Ces trois manières d'écrire répondent assez exactement aux trois divers états sous lesquels on peut considérer les hommes rassemblés en nations. La peinture des objets convient aux peuples sauvages; les signes des mots et des propositions aux peuples barbares, et l'alphabet aux peuples policés (1). »

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(1) Le président de Brosses établit six ordres d'écriture, 1. peinture simple ou image isolée; 2. peinture suivie, écriture représentative des choses mêmes, ou caractères à la mexicaine; 3. symboles allégoriques, hieroglyphes représentatifs des qualités des choses, ou caractères à - l'égyptienne; 4. traits, clefs représentatives des idées, ou caractères à la chinoise; 5. traits représentatifs des syllabes, ou caractères à la siamoise; , lettres détachées, organiques et vocales, ou caractères à l'européenne.

Ce que nous venons de dire de l'écriture des peuples aneiens serait très-insuffisant; mais en y ajoutant l'extrait d'un ouvrage qui est le résultat des profondes recherches du savant Fréret sur ce sujet, nous pensons que cette notice donnera une idée assez détaillée de toutes les espèces d'écritures essentiellement différentes, qui nous sont connues.

L'écriture, dit ce célèbre académicien, est l'art de communiquer aux autres hommes ses pensées et ses sentimens

par le secours de certains signes sensibles à la vue, et tracés sur un corps solide. Comine nos pensées ne sont autre chose que la perception des objets extérieurs, de leurs rapports mutuels et de leurs impressions sur nous, la manière la plus naturelle de nous rappeler ces perceptions, serait de mettre sous nos yeux, sinon les objets mêmes, du moins leurs images ou peintures. C'est précisément en quoi consistait l'écriture des mexicains avant la conquête des espagnols; et telle est encore à présent celle des sauvages du Canada. Cette écriture était sujette à de grands inconvéniens: pour y remédier, les nations studieuses eurent recours à deux sortes de caractères ou signes : les premiers, qui exprimaient symboliquement les objets, furent des représentations des êtres naturels ou de leurs parties; les seconds furent de simples traits ou figures arbitraires, et sans autre rapport avec les choses, que celui d'institution; et tels sont les chiffres indiens ou arabes, d'un usage presqu'universel, comme chacun sait;

De ces six ordres, les deux premiers se rapportent aux objets extérieurs, les deux autres aux idées intérieures, les deux derniers aux organes vocaux. Il y a donc deux genres d'écriture, partis de principes absolument différens; l'une est l'écriture figurée représentative des objets, qui indique par la vue ce qu'il faut penser et dire: ce genre comprend les quatre premiers ordres ci-dessus; l'autre à qui appartiennent les deux derniers ordres, est l'écriture organique représentative des articulations de l'instrument vocal, qui indique aussi par la vue ce qu'il faut effectuer et prononcer.

tel était encore le caractère réel ou le langage philosophique, imaginé par l'anglais Wilkins (1), évêque de Chester, et dont Leibnitz avait, dit-on, eu l'idée. Les égyptiens et les chinois sont presque les seules nations de notre continent qui aient mis en œuvre cette écriture représentative des choses. On conjecture que les lapons et les finlandais connaissent aussi ce genre d'écriture.

Les sauvages d'Amérique, pour peindre leurs pensées aux yeux, semblent n'avoir employé que l'écriture représentative des idées, sans aucun rapport au langage ; ́au lieu que la plupart des peuples de notre continent se sont efforcés de peindre la parole par des caractères qui en fussent uniquement des signes ; mais l'uniformité de leurs vues sur ce point, n'a pas empêché qu'ils ne suivissent des routes différentes pour arriver au même but.

Les uns, pour exprimer les sons d'une langue variable dans la prononciation des voyelles, et plus fixée dans celle des. consonnes, n'instituèrent des signes ou caractères que pour celles-ci; et telle fut apparemment l'écriture des phéniciens,. des chaldéens, des hébreux, des syriens, des arabes, des persans, etc. Tous peuples qui ne parlaient que différens dialectes d'une même langue, et chez qui les points destinés à représenter les voyelles, n'ont été introduits que fort tard, et seulement lorsque ces dialectes ou langues ont cessé d'être vivantes, ou lorsque les migrations des peuples qui

(1) Essai sur le langage philosophique (en anglais), 1668, in-fol., avec un dictionnaire conforme à cet essai, Wilkins est mort en 1672, âgé dẹ 52 ans. Cet auteur n'est pas le seul qui ait eu l'idée d'une langue univer❤ selle. Becher, né à Spire en 1645, mort à Londres en 1685, a eu la même idée dans son Character pro notitiâ linguarum universali. Il prétendait que, par le moyen d'une langue universelle dont il fait l'objet de son livre, toures les nations s'entendraient facilement : ce Becher était un habile machinisteil a travaillé à perfectionner l'imprimerie.

les parlaient, mirent dans la nécessité d'en fixer la pro

nonciation.

Les autres, qui inventèrent l'écriture des langues où la prononciation des voyelles se trouvait aussi invariable que celle des consonnes, instituèrent des caractères pour ces divers sons, en s'y prenant de deux manières : les premiers; observant que, pour être prononcées, les consonnes avaient toujours besoin d'une voyelle ou distincte ou muette, crurent devoir unir, dans l'écriture, ce qui l'était déjà dans la prononciation; de sorte qu'ils inventèrent des caractères différens, non-seulement pour chacune des voyelles et des consonnes, mais pour exprimer l'union de ces derniers avec les différentes voyelles ; ce qui multiplia extrêmement le nombre des caractères. Tels sont ceux des éthiopiens ou abyssins, jusqu'au nombre de deux cents. Ceux des peuples du Mala. bar, de Bengale, de Boutan, des deux Thibets, de l'ile de Ceylan, de Siam, de Java, etc.

Les seconds, pour éviter l'embarras inséparable de cette multiplicité de caractères, se bornèrent à n'en établir qu'au tant qu'il en fallait pour exprimer séparément, avec plus ou moins d'exactitude, les voyelles et les consonnes; et de ce genre sont ceux des grecs, des latins ou romains, les caractères runiques ou des anciens peuples de la Scandinavie, ceux des georgiens, des arméniens, de quelques nations esclavones, etc., etc.

L'alphabet grec ne provient pas des phéniciens (selon Fréret), comme on a essayé de le prouver dans le siècle dernier; il vient plutôt de l'ancien alphabet runique, assez conforme à l'ancien alphabet grec, pour le nombre, l'ordre et la valeur des caractères, qui, en ce cas-là, pourraient bien être les anciennes lettres pélasgiennes dont parle Hérodote, plus anciennes que celles de Cadmus.

L'écriture des tartares orientaux, aujourd'hui maîtres de la Chine, est d'un genre fort singulier; ils écrivent de haut

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