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ibid.

tion, parce qu'il savait que cette nation regardait
la liberté comme son premier bien; mais ce poli- Desroches,
tique rusé, habile à manier les esprits grossiers des
Francs, parvint, par son adresse et sa feinte mo-
dération, à leur faire recevoir insensiblement les im-
pressions qui convenaient à ses desseins: il intro-
duisit par ce moyen, sans résistance et sans em-
barras, des changemens dans le gouvernement, dont
les Francs ne se plaignaient pas, parce qu'ils ne
s'en aperçurent, pour ainsi dire, point. La nation
continua, sous ce prince et sous ses successeurs,
de tenir, suivant l'ancien usage, tous les ans, au
premier jour de mars, dans l'endroit que le roi in-
diquait, son assemblée générale, connue sous le
nom de Champ de Mars, à laquelle assistaient
tous les Francs armés. L'objet de ces assemblées
n'était pas différent de celui des anciennes assem-
blées annuelles des Germains, c'est-à-dire, qu'on
y faisait la revue de tous les hommes capables de
porter les armes, et qu'après avoir délibéré sur les
mesures à prendre pour le bien général, on y pro-
mulguait des capitulaires ou lois, du consentement
de la nation, lequel était nécessaire pour que les
capitulaires ou lois du souverain fussent considé
rées, respectées et observées comme lois de l'état.
Tous les Francs, au commencement du règne
de Clovis, assistaient à ces assemblées, qu'il ne faut
pas confondre avec les assemblées extraordinaires
auxquelles les grands de la nation étaient les seuls
qui assistassent, comme aux inaugurations et aux
mariages des rois, aux baptêmes de leurs enfans,
aux partages de leurs états. Ces assemblées étaient
plutôt des cours, plénières, où il s'agissait moins de

Greg Tur., lib. 2, c. 27.

Baluze, Préf. sur les capi

tul., $72

et 9.

8

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Ann. Met..

traiter l'intérêt de la nation, que d'étaler le luxe et la magnificence du prince.

Clovis, en dispersant les Francs dans les Gau. les qu'il avait conquises, leur ôta la possibilité de se rendre en corps aux assemblées générales: il en laissa presque exclusivement le moyen aux grands, et en ouvrit l'entrée aux évêques. Les abbés ne tardèrent pas à y être admis, de sorte qu'au mépris des droits les plus sacrés du peuple, les grands et les ecclésiastiques devinrent les seuls représentans de la nation et les seuls arbitres des assemblées, Tous les Francs conservèrent à la vérité le droit de se trouver aux assemblées nationales; mais les grands et les ecclésiastiques étaient les seuls qui avaient le droit d'émettre leur opinion et de dop ner leur suffrage. Le commun des Francs, qui n'y intervenait guère que passivement, comme témoins, se bornait à donner simplement son approbation aux décrets.

Les maires du palais continuèrent à tenir ces asad an. 69a. semblées générales tous les ans au 1.er de mars. Pépin, élevé sur le trône des Français par le crédit des grands, tant ecclésiastiques que laïques, avait un intérêt trop grand à respecter leurs priviléges pour y porter la moindre atteinte : il ordonna que dans la suite on tiendrait régulièrement, tous les ans, deux synodes, l'un, au 1.er de mars, en présence du roi, dans l'endroit qu'il aurait indiqué, et l'autre, au 1er d'octobre, à Soissons, ou dans l'endroit dont les évêques seraient convenus dans le premier. Pépin, dans ces assemblées, délibérait avec les grands sur tous les objets les plus importans de l'administration, sur les guerres

qu'il devait entreprendre, sur les traités qu'il devait conclure.

Charlemagne, marchant sur les traces de son père, tint ordinairement tous les ans deux assemblées; dans la première, qui était la plus nombreuse, les principaux de la nation, soit ecclésiastiques, soit laïques, réglaient tous les objets relatifs au gouvernement de l'état pendant le cours de l'année; dans la seconde, qui n'était composée que des seigneurs et des principaux conseillers de l'état, on faisait les présens annuels aux rois; on terminait les affaires les plus urgentes; on dressait le plan ou projet de gouvernement pour l'année suivante. Les articles qui avaient été arrêtés à cette assemblée. devaient être proposés à la prochaine assemblée générale; l'une et l'autre était prolongée selon l'importance des affaires qui en faisaient l'objet : la plus grande liberté y régnait. Elle ne pouvait être viofentée, ni dirigée, ni même influencée par l'autorité du roi, qui n'y paraissait que dans les cas où les membres de l'assemblée le désiraient.

L'assemblée était partagée en deux chambres. Les évêques et les abbés, avec un certain nombre d'ecclésiastiques distingués, discutaient les besoins de l'église. Ces membres, qui formaient la première chambre, se réunissaient, selon leur volonté, avec les seigneurs, qui composaient la seconde chambre, pour traiter les intérêts communs de l'état. Le résultat de leurs discussions était mis sous les yeux du roi, et l'assemblée se référait et se tenait à sa décision.

Les abbés firent quelquefois une chambre séparée de celle des évêques. Cette prérogative est une

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preuve de la grande considération et de la grande influence dont jouissait dans ce teinps l'état monastique.

Ces assemblées conservèrent constamment la même forme sous les rois de la seconde race elles continuèrent à être partagées quelquefois en deux chambres, tellement, que les ecclésiastiques formaient comme un concile dans le temps et dans le lieu même de l'assemblée des états; mais la faiblesse de Louis-le-Débonnaire, l'ambition de ses fils, l'imbécillité de ses successeurs, , réveillèrent chez les grands cet esprit de faction qu'ils firent éclater dans plusieurs assemblées séditieuses, qui préparèrent et consommèrent la chûte de la maison de Charlemagne.

Les provinces qui avaient composé le vaste empire des Carlovingiens, ayant été démembrées, tombèrent au pouvoir des gouverneurs par usurpation ou par concession. C'est là l'origine du gouvernement féodal, si l'on peut appeler gouvernement cette monstrueuse anarchie, qui fut aussi fatale à l'autorité des rois qu'à la tranquillité des peuples. L'époque précise de cette révolution est inconnue, parce que, comme l'observe un écrivain judicieux, le président Hénault, toutes les origines sont obscures. Ce gouvernement, ou ce systême, ou ce droit, comme on voudra l'appeler, est donc véritablement, selon l'expression de quelques auteurs, le fils du temps. C'était, comme je viens de le dire, moins un gouvernement qu'une anarchie, moins un systême qu'un usage, moins un droit qu'une coutume, puisqu'enfin cette coutume des fiefs était en effet une loi non écrite des Lombards. Les traces

de cet établissement remontent peut-être au septiè me siècle; mais les fiefs n'ont été proprement établis et connus dans la France, et conséquemment dans la Belgique, que dans le commencement du dixième siècle. Le peuple, tant des villes que des campagnes, qui formait la portion la plus utile et la plus nombreuse de la nation, était réduit à la plus humiliante servitude. Les nobles et les ecclésiastiques étaient les seuls hommes libres. Il faut cependant convenir que, même dans cette désolante époque on retrouve toujours dans ces espèces de diètes, où le suzerain délibérait avec ses vassaux sur les intérêts publics, des traces de ce que depuis on a appelé états. Les ecclésiastiques même y intervenaient quelquefois, parce qu'étant les plus instruits, ou, pour mieux dire, les moins ignorans de ces temps ténébreux, ils y étaient appelés par le prince pour l'aider de leurs lumières et de leurs connaissances.

La forme, ou, si l'on veut, l'apparence des états connus sous les rois des Francs, s'est conservée dans les provinces germaniques détachées de cet empire; car l'ancienne constitution de la monarchie des Mérovingiens et des Carlovingiens est la véritable origine des états provinciaux, si, sans s'obstiner, par une faute trop commune, à prétendre retrouver dans les anciens temps, les formes, les prérogatives et les dénominations qui caractérisent les états modernes, c'est-à-dire, si, en s'en tenant à la chose, sans s'attacher aux mots, on entend, comme on le doit, par états, un corps de notables, ou principaux d'une province, assemblés pour représenter le reste des habitans dans les cir

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