Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub
[graphic]

rens points de cette grande difficulté. Le duc et le comte, après des propos, des explications et des plaintes réciproques, conclurent enfin une paix, dont les principaux articles furent (ces conditions sont intéressantes pour avoir une idée des moeurs de ces temps) que le roi d'Angleterre fonderait dans l'ile de Cadsant, un couvent de chartreux de treize religieux, qu'il doterait, selon l'avis des villes de Bruges, Ipres et Gand; qu'il fonderait également dans la Flandre, un hôpital de sept femmes et d'une prieure, dont le comte de Flandre aurait la disposition et collation; que de son côté le comte de Flandre s'engageait à ne jamais porter les armes contre le roi d'Angleterre, dans la guerre entre l'Angleterre et la France, et qu'il accordait une amnistie à ceux de Gand et d'Ipres. Ce traité fut signé, selon Oudegherst, à Bruges, le 15 mai 1548, et selon Meyer, à Dunkerque, le 25 novembre. Les lettres de grâce accordées aux villes de Gand et d'Ipres, furent rédigées particulièrement à Dunkerque, le 15 décembre 1548. Le comte, après avoir déclaré qu'il leur pardonne leurs méfaits passés, sans en faire loi ou justice, y promet que, dans la suite, il les traiterait selon droit et sentence, conformément aux lois et coutumes de Flandre, et qu'il maintiendrait leurs priviléges, franchises et libertés. La date de ces lettres, qui est certaine, prouve que l'opinion de Meyer, sur le lieu et la date du traité, est plus sûre que celle d'Oudegherst.

Le comte ne tarda pas à se rendre à Gand, où, sur la foi du traité, il devait s'attendre à être reçu avec sûreté et avec honneur. Cependant (le croirait-on encore une fois?) les tisserands, les intraita

bles tisserands, sous la conduite de Jean Vandevelde, leur capitaine, coururent en armes sur le Marché, bannières déployées, tâchant par leurs cris et leurs propos d'exciter et de soulever la populace contre le comte; mais la saine partie des habitans accourut avec le même appareil sur la place, pour réprimer les mutins, dont elle tua environ sept cents. Ce fameux doyen des tisserands, l'assassin de Jacques Artevelde, Gérard Denys, qui avait souvent signalé sa brutale bravoure dans les émeutes, dont il était un des principaux artisans, périt dans cette affaire.

Le comte, ayant par ce moyen terminé ces funestes dissentions, appliqua tous ses soins à purger son pays des aventuriers et des malfaiteurs, qui, bannis ou proscrits de leurs pays, s'étaient, à la faveur des troubles, réfugiés et multipliés dans la Flandre, et il parvint à y rétablir la police et l'union, la justice et la paix.

flict.

• ap.

Cet esprit d'insurrection qui, sous le règne précédent, avait, dans le Brabant, troublé la tranquillité publique, qui, dans la Flandre, avait détruit l'autorité souveraine, s'était rapidement propagé dans les contrées voisines. Dès l'année pré- Hocsem. cédente, les Liégeois révoltés avaient attaqué, dé- Dint., Zantfait et chassé leur évêque, Engelbert de la Marck. Ce Desroches, succès augmenta leur audace: ils parcoururent tout le pays, ayant un meunier à leur tête, dévastant toutes les propriétés des nobles, et démolissant tous les châteaux : ils assiégèrent celui d'Argenteau, situé sur le bord de la Meuse. Renier, seigneur d'Argenteau, était venu réclamer la protection et le secours du duc Jean, dont il était vassal. Le duc leva une ar

ibid.

[graphic]

mée dans tout le Brabant, pour marcher contre les Liégeois révoltés: il avait même engagé Renaud, duc de Gueldre, et Thiéri, comte de Loz, à se joindre à son armée. Les Liégeois, après avoir rasé le château d'Argenteau, marchent au nombre de trois mille contre l'armée du duc: ils fondent sur ceux de Gueldre. Les Brabançons, saisissant ce moment, tombent sur les Liégeois, dont quinze cents furent massacrés. Le reste prit la fuite, et le duc vainqueur alla établir l'évêque Engelbert sur son siége.

L'Europe, dans le milieu de ce siècle, était accablée de tous les fléaux. Une contagion funeste, une famine horrible répandaient la misère et la mort dans la plupart de ses contrées. La terre agitée par d'ef froyables secousses, paraissait ébranlée dans ses fondemens. La ville de Juliers en avait été entièrement détruite. La terreur, qui avait gagné tous les esprits, réveilla la dévotion. Les malheureux habitans de l'Europe employèrent tous les moyens de désarmer le courroux du ciel, et tâchèrent, par la prière et la pénitence, d'expier la peine de leurs crimes. Un mouvement sincère de piété avait, dans le principe, inspiré ces sentimens : mais il se joignit à ces pénitens sincères une troupe d'enthousiastes de tout âge et de tout rang, qui se répandirent dans toute la Belgique, découverts depuis la ceinture jusqu'au cou, marqués d'une croix rouge, la tête enfoncée dans un capuce, et qui se déchiraient le corps avec des fouets, dont le bout était armé de trois noeuds terminés pointe aiguë, au milieu des églises et des places publiques, avec autant d'indécence que de fureur. C'est ainsi que commença la secte fanatique des Fla

une

gellans, qui passa de la dévotion à la folie, et de la folie au brigandage. Ces enthousiastes répandaient dans tout le peuple, qu'ils avaient des entretiens avec Dieu et avec les saints, et faisaient des contes de leurs prétendus miracles, dont ils étaient les témoins et les objets: ils publiaient qu'un ange leur avait révélé, qu'après qu'ils auraient souffert ce supplice volontaire pendant 55 jours et 12 heures, tous leurs péchés seraient effacés, comme s'ils eusI sent été purifiés par un nouveau baptême : ils accusèrent les juifs d'être les auteurs de la peste qui désolait l'Europe, en les taxant d'avoir empoisonné les puits et les fontaines. Le duc Jean, cédant à ces absurdes imputations, eut la faiblesse d'ordonner qu'on arrêtât tous les juifs domiciliés dans la Belgique. Ces malheureux périrent tous dans les plus cruels supplices, par l'eau, par le feu, par le fer. La horde des Flagellans, grossie des vagabonds et des scélérats de tous les pays, excita par ses brigandages l'indignation générale. On en porta de toutes parts des plaintes au pape Clément VI, qui livra ces brigands insensés au bras séculier, pour être punis de leurs forfaits.

Le duc Jean avait eu trois fils, Jean, Henri et Godefroid, qui lui furent enlevés à la fleur de l'âge: le premier mourut vers l'an 1555; le second, l'an 1549, et le troisième, l'an 1550: il avait eu également trois filles, Jeanne, mariée à Wenceslas, duc de Luxembourg; Marguerite, à Louis, comte de Flandre, et Marie, à Renaud, comte de Gueldre. Le duc, craignant que par les discussions qui pourraient s'élever entre ses filles ou leurs époux, le duché pe vint à être morcelé ou divisé, convo

[graphic]

qua les villes et franchises pour délibérer sur ce grand objet. Les lois du pays et l'intention du duc assuraient la souveraineté du pays à Jeanne et Wenceslas; mais les comtes Louis et Renaud ( et cette crainte n'était pas dépourvue de fondement) pouvaient y former des prétentions. La ville de Lou vain fut indiquée pour y tenir les conférences. Les sept chef- villes, qui étaient Louvain, Bruxelles, Anvers, Bois-le-Duc, Tirlemont, Nivelles et Léau, et trente et une autres petites villes y envoyèrent leurs députés, qui déclarèrent solennellement qu'ils ne souffriraient dans aucun temps, que le pays fût divi sé; que la souveraineté devait être confiée à celui que les lois du pays y appelaient : c'était indiquer clairement Jeanne et Wenceslas. Les députés convinrent pour le surplus, que les deux autres princesses auraient un apanage convenable. Cet acte, qui est du 8 mars 1555, paraît prouver que le duc n'avait point encore nommé son successeur; cependant, par son testament, qui fut approuvé le 24 d'avril suivant, par l'empereur Charles IV, il avait appelé à la succession de ses états Jeanne et Wenceslas, et assigné à ses deux autres filles un revenu suffisant; mais les villes qui avaient envoyé leurs députés à Louvain, n'avaient probablement pas eu connaissance de cette disposition du duc, parce que peut-être il n'avait pas cru devoir la leur communiquer avant la sanction de l'empereur.

Le duc, sentant sa fin approcher, prit l'habit de S. Bernard, sous lequel il mourut le 5 décembre 1555. Les princes de ce temps-là croyaient, par cette momerie, expier tous leurs péchés.

« VorigeDoorgaan »