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Et, lorsqu'au pied du lit tombent ses longs cheveux,
On croirait voir, le soir, sur ses flancs amoureux,
Se dérouler gaîment la mantille espagnole.

ALBERT.

Ce bonheur à mes yeux n'a pas été donné
De voir jamais ainsi la tête bien-aimée.
Le chaste sanctuaire où siége sa pensée
D'un diadême d'or est toujours couronné.

RODOLPHE.

Voyez-la, le matin, qui gazouille et sautille;
Son cœur est un oiseau, sa bouche est une fleur.
C'est là qu'il faut saisir cette indolente fille,
Et, sur la pourpre vive où le rire pétille,
De son souffle enivrant respirer la fraîcheur.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Une fois seulement, j'étais le soir près d'elle;
Le sommeil lui venait, et la rendait plus belle;
Elle pencha vers moi son front plein de langueur,
Et, comme on voit s'ouvrir une rose endormie,
Dans un faible soupir, des lèvres de ma mie,
Je sentis s'exhaler le parfum de son cœur.

RODOLPHE.

Je voudrais voir qu'un jour ma belle dégourdie,
Au cabaret voisin de champagne étourdie,
S'en vînt, en jupon court, se glisser dans tes bras.
Qu'adviendrait-il alors de ta mélancolie?

Car enfin toute chose est possible ici-bas.

ALBERT.

Si le profond regard de ma chère maîtresse,
Un instant par hasard, s'arrêtait sur le tien,
Qu'adviendrait-il alors de cette folle ivresse?
Aimer est quelque chose, et le reste n'est rien.

RODOLPHE.

Non, l'amour qui se tait n'est qu'une rêveric.
Le silence est la mort, et l'amour est la vie;
Et c'est un vieux mensonge à plaisir inventé,

Que de croire au bonheur hors de la volupté !
Je ne puis partager ni plaindre ta souffrance.
La hasard est là-haut pour les audacieux;
Et celui dont la crainte a tué l'espérance
Mérite son malheur et fait injure aux dieux.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Non, quand leur âme immense entra dans la nature,
Les dieux n'ont pas tout dit à la matière impure
Qui reçut dans ses flancs leur forme et leur beauté.
C'est une vision que la réalité.

Non, des flacons brisés, quelques vaines paroles
Qu'on prononce au hasard et qu'on croit échanger,
Entre deux froids baisers quelques rires frivoles,
Et d'un être inconnu le contact passager,

Non, ce n'est pas l'amour, ce n'est pas même un rêve;
Et la satiété, qui succède au désir,

Amène un tel dégoût quand le cœur se soulève,
Que je ne sais, au fond, si c'est peine ou plaisir.

RODOLPHE.

Est-ce peine ou plaisir, une alcôve bien close,
Et le punch allumé, quand il fait mauvais temps?
Est-ce peine ou plaisir, l'incarnat de la rose,
La blancheur de l'albâtre, et l'odeur du printemps?
Quand la réalité ne serait qu'une image,
Et le contour léger des choses d'ici-bas,
Me préserve le ciel d'en savoir davantage!

Le masque est si charmant que j'ai peur du visage,
Et, même en carnaval, je n'y toucherais pas.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Une larme en dit plus que tu n'en pourrais dire.

RODOLPHE.

Une larme a son prix; c'est la sœur d'un sourire.
Avec deux yeux bavards parfois j'aime à jaser;
Mais le seul vrai langage, au monde, est un baiser.

ALBERT.

Ainsi donc, à ton gré, dépense ta paresse.

O mon pauvre secret, que nos chagrins sout doux !

RODOLPHE.

Ainsi donc, à ton gré, promène ta tristesse.

O mes pauvres soupers,

comme on médit de vous! ALBERT.

Prends garde seulement que ta belle étourdie
Dans quelque honnête ennui ne perde sa gaîté.

RODOLPHE.

Prends garde seulement que ta rose endormie
Ne trouve un papillon quelque beau soir d'été.

ᎪᏞᏴᎬᎡᎢ .

Des premiers feux du jour j'aperçois la lumière.

RODOLPHE.

Laissons notre dispute, et vidons notre verre,
Nous aimons, c'est assez; chacun a sa façon.
J'en ai connu plus d'une, et j'en sais la chanson.
Le droit est au plus fort en amour comme en guerre,
Et la femme qu'on aime aura toujours raison.

SILVIA.

A MADAME ***.

Il est donc vrai, vous vous plaignez aussi,
Vous dont l'œil noir, gai comme un jour de fête,
Du monde entier pourrait chasser l'ennui.
Combien donc pesait le souci

Qui vous a fait baisser la tête?

C'est, j'imagine, un aussi lourd fardeau

Que le roitelet de la fable;

Ce grand chagrin qui vous accable
Me fait souvenir du roseau;

Je suis bien loin d'être le chêne.

Mais, dites-moi, vous qu'en un autre temps (Quand nos aïeux vivaient en bons enfants) J'aurais nommée Iris, ou Philis, ou Climène, Vous qui, dans ce siècle bourgeois,

Osez encor me permettre parfois

De vous appeler ma marraine, Est-ce bien vous qui m'écrivez ainsi,

Et songiez-vous qu'il faut qu'on vous réponde? Saviez-vous que, dans votre ennui,

Sans y penser, madame et chère blonde,

Vous me grondez comme un ami ?
Paresse est manque de courage,
Dites-vous; s'il en est ainsi,
Je vais me remettre à l'ouvrage.
Hélas! l'oiseau revient au nid,
Et quelquefois même à la cage.

Sur mes lauriers on me croit endormi;

C'est trop d'honneur pour un instant d'oubli,

Et dans mon lit les lauriers n'ont que faire.
Ce ne serait pas mon affaire.
Je sommeillais seulement à demi,
A côté d'un brin de verveine
Dont le parfum vivait à peine,
Et qu'en rêvant j'avais cueilli.
Je l'ayoûrai, ce coupable silence,
Ce long repos, si maltraité de vous,
Paresse, amour, folie ou nonchalance,
Tout ce temps perdu me fut doux.
Je dirai plus, il me fut profitable;
Et si jamais mon inconstant esprit
Sait revêtir de quelque fable
Ce que la vérité m'apprit,
Je vous paraîtrai moins coupable.
Le silence est un conseiller
Qui dévoile plus d'un mystère;
Et qui veut un jour bien parler
Doit d'abord apprendre à se taire.
Et quand on se tairait toujours,
Du moment qu'on vit et qu'on aime,
Qu'importe le reste? et vous-même,
Quand avez-vous compté les jours?
Et puisqu'il faut que tout s'évanouisse,
N'est-ce donc pas une folle avarice,

De conserver comme un trésor
Ce qu'un coup de vent nous enlève?
Le meilleur de ma vie à passé comme un rêve
Si léger, qu'il m'est cher encor.

Mais revenons à vous, ma charmante marraine.
Vous croyez donc vous ennuyer?

Et l'hiver qui s'en vient, rallumant le foyer,
A fait rêver la châtelaine.

Un roman, dites-vous, pourrait vous égayer;
Triste chose à vous envoyer!

Que ne demandez-vous un conte à La Fontaine?

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