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BELCOLORE.

Quand mon père mourut...

FRANK.

Assez, je t'en supplie.

Je me ferai conter le resté par Julie

Au premier carrefour où je la trouverai.

(Tous deux restent en silence quelque temps. ) Dis-moi, ce fameux jour que tu m'as rencontré, Pourquoi, par quel hasard,—par quelle sympathie, T'es-tu de m'emmener senti la fantaisie?

J'étais couvert de sang, poudreux, et mal vêtu.

BELCOLORE.

Je te l'ai déjà dit, tu t'étais bien battu.

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Tes yeux, ma chère enfant, n'ont pas deviné juste.
Je comprends qu'une femme aime les portefaix;
C'est un goût comme un autre, il est dans la nature.
Mais moi, si j'étais femme, et si je les aimais,
Je n'irais pas chercher mes gens à l'aventure,
J'irais tout simplement les prendre aux cabarets;
J'en ferais lutter six, et puis je choisirais.

Encore un mot : cet homme à qui je t'ai volée,
T'entretenait sans doute, — il était ton amant?

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BELCOLORE.

Oui.

FRANK.

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-Cette affreuse mort ne t'a pas

désolée ?

Cet homme, il m'en souvient, râlait horriblement. L'œil gauche était crevé, le pommeau de l'épée Avait ouvert le front, - la

gorge

était coupée. Sous les pieds des chevaux l'homme était étendu. Comme un lierre arraché qui rampe et qui se traîne Pour se suspendre encore à l'écorce d'un chêne, Ainsi ce malheureux se traînait suspendu

Aux restes de sa vie. - Et toi, ce meurtre infâme

Ne t'a pas de dégoût levé le cœur et l'àme?

Tu n'as pas dit un mot, tu n'as pas fait un pas !

BELCOLORE.

Prétends-tu me prouver que j'aie un cœur de pierre?

FRANCK.

Et ce que je te dis ne te le lève pas!

BELCOLORE.

Je hais les mots grossiers,

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ce n'est pas ma manière. Mais quand il n'en faut qu'un, je n'en dis jamais deux. Frank, tu ne m'aimes plus.

FRANK.

Qui, moi? Je vous adore.

J'ai lu je ne sais où, ma chère Belcolore,

Que les plus doux instants pour deux amants heureux,
Ce sont les entretiens d'une nuit d'insomnie,
Pendant l'enivrement qui succède au plaisir.
Quand les sens apaisés sont morts pour le désir;
Quand, la main à la main, et l'âme à l'âme unie,
On ne fait plus qu'un être, et qu'on sent s'élever
Ce parfum du bonheur qui fait longtemps rêver;
Quand l'amie, en prenant la place de l'amante,
Laisse son bien-aimé regarder dans son cœur,
Comme une fraîche source, où l'onde est confiante,
Laisse sa pureté trahir sa profondeur :

C'est alors qu'on connaît le prix de ce qu'on aime,
Que du choix qu'on a fait on s'estime soi-même,
Et
que dans un doux songe on peut fermer les yeux !
N'est-ce pas, Belcolor? N'est-ce pas,
mon amie?

Laisse-moi,

BELCOLORE.

FRANK.

N'est-ce pas que nous sommes heureux?— Mais, j'y pense! il est temps de régler notre vie.

Comme on ne peut compter sur les jeux de hasard,
Nous piperons d'abord quelque honnête vieillard,
Qui fournira le vin, les meubles et la table.

Il gardera la nuit, et moi j'aurai-le jour.
Tu pourras bien parfois lui jouer quelque tour;
J'entends quelque bon tour, adroit et profitable.
Il aura des amis que nous pourrons griser;
Tu seras le chasseur, et moi le lévrier.”

Avant tout, pour la chambre, une fille discrète,
Capable de huiler une porte secrète.

Mais nous la paîrons bien; aujourd'hui tout se vend.
Quant à moi, je serai le cavalier servant.
Nous ferons à nous deux la perle des ménages.

BELCOLORE.

Ou tu vas en finir avec tes persiflages,

Ou je vais tout à l'heure en finir avec toi.
Veux-tu faire la paix? Je ne suis pas boudeuse;
Voyous, viens m'embrasser.

FRANK.

Cette fille est hideuse...

Mon Dieu, deux jours plus tard, c'en était fait de moi! Il va s'appuyer sur la terrasse; un soldat passe à cheval

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Hola! l'ami, deux mols. - Vous semblez un compère
De bonne contenance et de joyeuse humeur.

Vos braves compagnons vont-ils entrer en guerre?
Dans quelle place forte est donc votre empereur?

LE SOLDAT.

A Glurens.-Dans deux jours nous serons en campagne. Je rejoins de ce pas ma corporation.

FRANK.

Venez-vous de la plaine, ou bien de la montagne?
Connaissez-vous mon père, et savez-vous mon nom?

LE SOLDAT.

- Vous êtes du village, Que faites-vous donc là?

Oh! je vous connais bien.
Vis-à-vis le moulin.
Venez-vous avec nous?

FRANK.

Oui, certe, et me voilà.

(Il descend dans le chemin.)

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Je ne me suis pas mis en habit de voyage; Vous me prêterez bien un vieux sabre là-bas? (A Belcolore.)

Adieu, ma belle enfant, je ne souperai pas.

LE SOLDAT.

On vous équipera. — Montez toujours en croupe. Parbleu, compagnon Frank, vous manquiez à la troupe. Ah ça, dites-moi donc, tout en nous allant,

S'il est vrai qu'un beau soir...

(Ils parlent au galop.)

BELCOLORE,

sur le balcon.

Je l'aime cependant.

ACTE TROISIÈME.

SCENE I.

Devant un palais.—Glurens.

CHOEUR DE SOLDATS.

Telles par l'ouragan les neiges flagellées
Bondissent en sifflant des glaciers aux vallées,
Tels se sont élancés, au signal du combat,
Les enfants du Tyrol et du Palatinat.
Maintenant l'empereur a terminé la guerre.
Les cantons sur leur porte ont plié leur bannière.
Écoutez, écoutez : c'est l'adieu des clairons;
C'est la vieille Allemagne appelant ses barons.
Remonte maintenant, chasseur du cerf timide!
Remonte, fils du Rhin, compagnon intrépide;
Tes enfants sur ton cœur vont venir se presser.
Sors de ta lourde armure, et va les embrasser.
Soldats, arrêtons-nous. - C'est ici la demeure
Du capitaine Frank, du plus grand des soldats.
Notre vieil empereur l'a serré dans ses bras.
Couronné par le peuple, il viendra tout à l'heure
Souper dans ce palais avec ses compagnons.
Jamais preux chevalier n'a mieux conquis sa gloire.
Il a seul, près d'Inspruck, emporté l'aigle noire,
Du cœur de la mêlée aux bouches des canons.
Vingt fois ses cuirassiers l'ont cru, dans la bataille,
Coupé par les boulets, brisé par la mitraille.

-

Il avançait toujours, — toujours en éclaireur,
On le voyait du feu sortir comme un plongeur.

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