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DE MÉDECINE,

DE CHIRURGIE ET DE PHARMACOLOGIE,

PUBLIÉ

Par la Société des Sciences Médicales et Naturelles

DE BRUXELLES.

SOUS LA DIRECTION D'UN COMITÉ

COMPOSÉ DE

MM. DIEUDONNÉ, D.-M., Rédacteur principal, Président de la Société, Membre
du Conseil central de salubrité publique et du Conseil supérieur d'hygiènė,
Secrétaire de la Commission de statistique du Brabant, Correspondant de l'A-
cadémie royale de médecine, etc.

CROCQ, D.-M., Secrétaire de la Société, membre de plusieurs sociétés savantes.
JOLY. D.-M., Chirurgien de l'hôpital Saint-Pierre, Médecin légiste du Tribunal
de Bruxelles, Membre du Conseil de salubrité, etc.

LEROY, Pharmacien du Roi, Collaborateur au Journal de Chimie médicale, de
pharmacie et de toxicologic de Paris, Membre de la Commission médicale pro-
vinciale du Brabant, du Conseil central de salubrité publique, etc.

RIEKEN, D.-M., Médecin de S. M. le Roi des Belges, Membre correspondant
de l'Académie royale de médecine de Belgique et de plusieurs Académies et
Sociétés savantes régnicoles et étrangères.

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DE MÉDECINE.

(JUILLET 1854.)

I. MÉMOIRES ET OBSERVATIONS.

DE L'ENTEROPATHIE MÉTALLIQUE. ÉTUDE MÉDICALE SUR LES ACCIDENTS CAUSES

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VERS LE TUBE DIGESTIF PAR LA PÉNÉTRATION LENTE ET GRADUÉE DE CERTAINES SUBSTANCES MÉTAlliques dans l'orRGANISME; par M. AMAND BEAUPOIL, docteurmédecin à Ingrandes (Indre-et-Loire). (Suite. Voir notre tome XVIII, p. 487.)

Nous avons attribué les troubles divers de la motilité intestinale à la présence du plomb dans les tuniques alimentaires; il semble contradictoire au premier abord de rapporter à une même cause des phénomènes aussi différents; nous allons donc revenir sur ces troubles qu'il n'est pas impossible pourtant d'expliquer par l'action topique du composé de plomb sur les membranes digestives. Et d'abord, l'astringence du plomb rend assurément compte de la diminution de contractilité du colon, par le resserrement inséparable de toute astriction. Ce resserrement applique et moule, si je puis ainsi dire, le canal alimentaire sur les feces qu'il renferme, lorsque celles-ci, endurcies déjà par le défaut de sécrétion. du mucus intestinal, tassées, pressées sans cesse sur elles-mêmes, se sont accumulées dans le colon au point de le remplir, de le distendre même, si l'astriction intestinale peut le permettre encore. Dans cet état, que l'étude clinique de l'affection démontre être réel, le mouvement péristaltique doit être bien difficile et peu efficace, sinon impossible.

A la partie supérieure de l'intestin, les conditions ne sont plus les mêmes ; aussi les troubles sont-ils différents. Le mouvement astrictif ne trouve là à s'exercer que sur des matières molles, humides encore des liquides de l'estomac, des sucs biliaires et pancréatiques, qui fuient sous la pression et laissent ce resserrement, porté à l'extrême, agir sur les tuniques intestinales ellesmêmes (1). On conçoit que, dans ces conditions, il doive agacer la sensibilité normale et être l'occasion de contractions violentes, irrégulières, d'où la douleur. Nous ne donnons ce qui précède que comme explication possible de faits positifs. Cette explication paraîtra-t-elle, à tous les lecteurs, aussi satisfaisante qu'elle nous semble? Les opinions ont trop varié sur ce point pour que nous puissions l'espérer, et nous tremblons de présenter ces réflexions après les efforts

(1) La compression peut-elle être assez forte sur la fibre nerveuse pour occasionner directement la doulcur?

infructueux de tant d'hommes distingués qui ont essayé une théorie des accidents saturnins. Toutefois, la divergence même des opinions prouve que les auteurs ont été de bonne foi dans la recherche de la vérité et que, s'ils se sont trompés, la faute doit en être rejetée sur le sujet lui-même, dont l'obscurité laisse un champ trop vaste aux interprétations. Que si notre tentative n'est pas plus heureuse que celles qui l'ont précédée, notre excuse sera la même.

Le mouvement péristaltique est donc aboli dans la partie inférieure de l'intestin. Mais de ce que le colon contracté, resserré, moulé même sur les matières qui le distendent, n'est plus le siége de mouvements, s'ensuit-il qu'il soit paralysé ?

Nous n'avons vu tout à l'heure qu'un effet secondaire dans cette impossibilité des mouvements, et, à vrai dire, pour nous convaincre de la réalité d'une paralysie dans ce cas, nous voudrions pouvoir envisager ce phénomène comme un effet primitif de l'action plombique sur la fibre vivante, ce qui ne s'accorde pas avec les mouvements exagérés de la partie supérieure de l'intestin, mouvements d'ailleurs d'autant plus violents qu'ils viennent se briser en pure perte sur un amas plus inébranlable de matières. La facilité avec laquelle cette prétendue paralysie cède parfois aux purgatifs (drastiques, il est vrai) semble encore mettre en doute la réalité de son existence.

Cependant, l'opiniâtreté de la constipation, la nécessité de l'emploi de purgatifs violents et d'un ordre particulier pour pouvoir vaincre cette constipation, enfin, l'induction de la paralysie des membres sous l'influence de la même cause, sont autant de considérations qui militent, au contraire, en faveur de la paralysie de l'intestin. La dernière considération mérite surtout une attention toute particulière; car, nous ne pouvons trop le répéter, la colique de plomb n'est qu'une manifestation locale de l'empoisonnement général, et ce que nous voyons se produire aux extrémités, sous l'influence de l'intoxication générale, l'induction nous autorise à le supposer vers les tuniques intestinales, la plus grande fréquence des accidents vers ces dernières s'expliquant d'ailleurs par la plus grande abondance du toxique qui les inonde sans cesse.

Ces inductions ne peuvent toutefois lever qu'une portion de la difficulté et n'indiquent pas pourquoi la partie inférieure du gros intestin serait toujours scule paralysée, Si l'on tenait à pousser plus loin l'hypothèse de cette paralysie, et nous y sommes parfaitement désintéressé, son rejet ou son acceptation ne pouvant aucunement influer sur notre explication des phénomènes de la colique saturnine, on pourrait supposer l'action du poison limitée à la partie inférieure de la moelle épinière et à quelques plexus abdominaux du grand sympathique pour rendre raison de cette différence; mais, en outre que l'action intime entre le toxique et la fibre nerveuse est inconnue, il est impossible, dans l'état actuel de la science, d'expliquer la concentration du plomb vers ces parties.

Disons, pour terminer, que si l'on démontre péremptoirement l'existence de cette paralysie intestinale, la colique de plomb, tout en gardant sa place parmi les empoisonnements, devra être infiniment rapprochée des névroses de l'intestin.

Depuis longtemps l'attention des observateurs est fixée sur la paralysie de l'intestin, mais tous ne la comprennent pas de la même façon. Ainsi Mérat, dont l'ouvrage est classique, admet une paralysie spécifique accompagnée d'une constriction intestinale, d'une sorte de crampe de tout le tube digestif, dont il établit l'existence sur la difficulté de prendre des lavements et de les retenir, et sur la forme globuleuse des excréments. Mais MM. Chomel et Andral nient cette difficulté de prendre des lavements, et la forme globuleuse des excréments est loin d'être constante. Ne dirait-on pas que tout est contradictoire dans cette affection, et que les auteurs prennent plaisir à se contredire les uns les autres, même à propos des faits les plus faciles à vérifier? Quoi qu'il en soit, nous croyons à cette constriction dans de certaines limites, parce que l'ouverture des cadavres a permis de la constater quelques fois de visu, parce que, aussi, nous ne comprenons pas l'astriction sans un certain resserrement des tissus, et que c'est bien manifestement là l'action du composé plombique sur l'intestin (1).

On ne s'attend pas, sans doute, à trouver ici la discussion de toutes les autres opinions qui ont été émises sur la nature et le siége de la colique de plomb, depuis Giacomini, qui la regarde comme une contraction spasmodique des muscles du ventre et du diaphragme (2); Hoffmann et Combalusier, qui croient à une constriction spasmodique des intestins; jusqu'à ceux qui, dans ces derniers temps, ont voulu la confondre avec la gastro-entérite et ont, en effet, obtenu des inflammations intestinales, en faisant prendre aux animaux de très-fortes doses de plomb, sans parvenir à leur donner la colique saturnine. Cette dernière opinion est la moins soutenable de toutes. « Comment concevoir, en effet, dit » M. Andral, une inflammation qui ne laisse aucune trace cadavérique, qui, › assez intense pour provoquer d'autres douleurs, laisse le pouls dans un état › parfait de calme, et dont la cure, enfin, ne s'obtient que par des médica>ments qui donneraient à une gastro-entérite une exaspération formidable (5).»

Une opinion plus répandue aujourd'hui consiste à regarder la colique de plomb comme une névralgie des organes abdominaux. M. Tanquerel, dans son excellent ouvrage Sur les intoxications saturnines, place cette névralgie dans le grand sympathique, se fondant sur la nature intermittente des douleurs, sur le soulagement produit par la pression, sur l'absence de lésions matérielles, etc. M. Andral considère l'affection comme une névralgie saturnine et fait jouer un grand rôle à la lésion du prolongement rachidien et des plexus abdominaux du grand sympathique. Les auteurs du Compendium considèrent également la maladie comme une véritable entéralgie et font dériver ses symptômes d'un état névropathique de la moelle et des nerfs ganglionnaires. Enfin, M. Brachet, de Lyon, après avoir prouvé que l'intestin reçoit à la fois des filets nerveux cérébraux et ganglionnaires, place le siége de la maladie dans ces nerfs, en faisant

(1) De cette constriction intestinale, Mérat fait dériver la rétraction du ventre, que l'on rencontre parfois dans la colique de plomb, l'expliquant par la pression atmosphérique qui doit, suivant lui, forcer les parois abdominales à suivre la rétraction du tube digestif.

(2) Opinion renouvelée de nos jours par le docteur Hérard, de Paris. (3) ANDRAL, Cours de pathologie, recueilli par A. Latour.

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