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prise d'une oppression véritablement asphyxique, accompagnée d'un mouvement fébrile très-prononcé et d'un fâcheux caractère (grande fréquence et petitesse du pouls, sueurs froides par moments). Je fis prendre le tartre stibié à dose émétocathartique et pratiquer des frictions irritantes sur toute la surface du tronc, d'abord avec un liniment ammoniacal, puis, celui-ci n'ayant rien produit, avec la pommade stibiée, qui donna promptement naissance à une abondante éruption ressemblant singulièrement à celle de la variole, et reposant sur une base érythémateuse. En même temps que cette double éruption se montrait, l'oppression et les autres phénomènes graves diminuaient; bientôt ils eurent complétement cessé. Une chose non moins digne de remarque, fut le peu de douleur qui accompagna le développement de l'éruption stibiée.

A propos de la puissance critique de ce genre d'eczéma, je mentionnerai en core le fait suivant :

Une malheureuse femme de notre ville, qui, depuis six mois, était retenue au lit par une pyrexie protéiforme à laquelle elle fut bien des fois sur le point de succomber, vient d'être sauvée par l'apparition subite d'un érythème général des plus prononcés. Ce qu'il y a de plus intéressant dans cet érythème, que l'on aura grand soin d'entretenir, c'est qu'il est surtout prononcé sur les parties ayant été le siége le plus ordinaire des accidents nerveux. Ainsi, la maladie cutanée est bien plus manifeste et accompagnée d'une chaleur plus vive à la poitrine et au membre supérieur droit qu'ailleurs; or, pendant la maladie grave, le bras droit et la poitrine ont été plus souvent et plus longtemps affectés que tout le reste. On verra se produire quelque chose d'analogue dans les autres crises dont il va être question.

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Cette dermatose n'a guère été moins fréquente que la précédente; comme la fièvre érythémateuse, la fièvre érysipélateuse s'est présentée parfois sous le type rémittent et même le type périodique. Tantôt, elle constituait à elle seule toute la maladie; tantôt, plus ou moins fébrile, l'érysipèle disparaissant brusquement par l'effet d'une imprudence commise ou d'une cause inappréciable, servait de prodrome à une affection plus grave; tantôt, enfin, c'était un mode de terminaison, une crise de cette affection.

Plus d'une fois s'est montré un antagonisme remarquable entre cet eczéma et une pyrexie de fâcheux caractère. A l'appui de ce que je viens de dire, je vais citer quelques faits qui m'ont vivement intéressé; quelques-uns sont anciens déjà, d'autres sont nouveaux.

OBSERVATION 1re. Un fruitier de notre ville, âgé de 52 ans, d'une forte constitution, a joui d'une santé généralement bonne, malgré les excès alcooliques auxquels il s'est livré depuis sa jeunesse. Pendant tout le mois de septembre 1849, il fut tourmenté par une névralgie faciale intermittente, pour laquelle il ne fit aucun traitement, parce qu'il considérait ses douleurs comme le résultat de dents gâtées. Dans les premiers jours du mois suivant, il lui survint un érysipèle qui, ayant commencé à la face, du côté de la névralgie, s'étendit au

crâne, de ce côté, érysipèle dont le développement coïncide avec la cessation des douleurs névralgiques. Cet homme, n'ayant pris aucune précaution, ayant fait des écarts de régime et s'étant exposé au froid, l'érysipèle, au lieu de parcourir ses phases ordinaires, disparut au deuxième jour, et sa disparition fut bientôt suivie de l'apparition d'un délire intermittent accompagné de fièvre. On le crut fou, parce que dans un accès de délire, il s'était avisé de sortir en chemise. Cette fièvre délirante s'est dissipée promptement sous l'influence de l'administration des préparations de quinquina. Une chose non moins remarquable que la succession du délire à l'érysipèle chez un malade, ce fut la reproduction de cet érysipele dans la période décroissante de la pyrexie, érysipèle qui, cette fois, se termina par desquamation.

Observation 2o.- Au mois de février 1851, une demoiselle, âgée de 42 ans, d'une constitution très-délicate, d'un tempérament éminemment nerveux, fut prise tout à coup et sans cause connue, de violentes coliques avec douleurs lombaires spinales s'irradiant dans les membres inférieurs. Ces phénomènes non continus, mais offrant de courtes périodes et s'associant à un mouvement febrile manifeste, à la constipation et à la dysurie, constituaient la fièvre intermittente à forme péritonique, contre laquelle, après un laxatif, je prescrivis le sulfate de quinine en lavement; ces accidents se dissipèrent bientôt, pour être remplacés par de vives douleurs dans tout un côté du crâne et de la face, douleurs qui diminuèrent bientôt aussi, à mesure que se développait un érysipèle sur ces parties. Comme chez le malade précédent, mais sans cause connue, l'érysipèle disparut presque subitement, et les phénomènes abdominaux se reproduisirent avec une nouvelle intensité. Nouvel emploi du traitement anti-périodique, cette fois, en partie par la bouche et en partie en lavements; retour de l'eczéma, qui se termine par desquamation.

Dans les mois de février et mars derniers, j'ai eu mission de traiter, au village de Domptail, une épidémie de fièvres qui, au milieu de nombreux cas de forme croupale, a offert quelques cas de forme cholérique. Parmi les observations intéressantes que m'a fournies cette épidémie, je trouve deux cas où se rencontre l'érysipele.

OBSERVATION 3o. Une petite fille, âgée de 8 ans, d'une assez forte constitution, d'une santé habituellement bonne, eut, au côté droit de la face, un érysipèle qui, par l'effet de l'impression du froid, disparut presque complétement d'une manière subite. Une éruption miliaire, couvrant une grande partie du corps, ne tarda pas à se produire ; mais, sous l'influence de la même cause que l'érysipele, elle disparut bientôt à son tour. Survient ensuite un flux bilieux abondant, mais qui ne reste pas tel pendant longtemps. A mesure qu'il diminue, l'estomac s'embarrasse, bientôt des vomissements bilieux, muqueux, se produisent, s'accompagnant de douleurs rachidiennes, ombilicales et épigastriques, de crampes dans les membres, de refroidissement des extrémités, de pâleur livide de la face; une chaleur vive et parfois une sueur et de la soif terminent les accès irréguliers et fréquents.

C'est dans cet état que je trouve l'enfant lors de ma première visite. Je pres

cris des évacuants par haut et par bas (ipécacuanha, calomel, lavements), traitement sous l'influence duquel tous les accidents que je viens de mentionner se dissipent en vingt-quatre heures. Le surlendemain de cette première visite, l'enfant n'a plus qu'un peu d'accélération du pouls, un léger flux, et l'érysipèle qui s'est reproduit ou plutôt qui s'est ravivé, car, comme je l'ai dit, il ne s'était pas complétement éteint j'en avais constaté des vestiges. Cet érysipele s'est terminé en quelques jours par desquamation, et l'enfant se trouva tout à fait rétablie.

OBSERVATION 4.

Un petit garçon, âgé de 4 ans, d'une bonne constitution, eut, à la suite d'un flux brusquement supprimé sous l'influence d'une cause inconnue, une pyrexie à forme croupale qui le mit à un doigt de sa perte, et qui ne céda que lorsqu'il se produisit, au visage, un érysipèle; au cou et à la partie supérieure et antérieure de la poitrine, se manifesta un gonflement emphysémateux qui aurait pu faire croire à une fistule des voies aériennes. L'érysipele se termina par desquamation en quelques jours, et, en quelques jours aussi, l'accumulation gazeuse, que je regardais comme une sécrétion morbide, se dissipa spontanément.

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OBSERVATION 5o. Au mois de décembre 1851, je fus appelé à donner des soins à une veuve, âgée de 79 ans, habitant notre ville. Elle était atteinte d'un érysipele occupant tout le côté gauche du crâne et presque entièrement le même côté de la face. C'était une chose curieuse de voir le gonflement et la rougeur s'arrêter sur la ligne médiane du front, du nez, etc. Voici dans quelles circonstances cet érysipèle s'était produit :

La malade eut d'abord des douleurs rachidiennes lombaires, se reproduisant fréquemment, mais d'une manière irrégulière, en s'irradiant tantôt à l'abdomen, tantôt aux membres, et sans mouvement fébrile marqué. A ces accidents, qui durèrent une quinzaine de jours, succéda un affaiblissement rapide de la vue et de l'ouïe, jusque-là assez bien conservées si l'on considère l'âge de la malade. Puis vint une violente névralgie envahissant presque tout le côté gauche de la face et du crâne, névralgie à type quotidien et accompagnée de fièvre manifeste (froid au début, sueurs à la fin de l'accès). C'est à cette fièvre névralgique, dont la durée avait été d'une dizaine de jours, que l'érysipèle a succédé. Chose bien digne de remarque, en même temps que cet erysipele se développait, nonseulement les douleurs névralgiques étaient remplacées par la sensation de chaleur érysipélateuse, mais les sens de l'ouïe et de la vue revenaient à l'état où ils avaient été avant la maladie ; du moins, cela se passait ainsi pour le côté droit, car, de l'autre côté, par l'effet de l'érysipele, il y avait occlusion des paupières et diminution du diamètre du conduit auditif. Mais cet érysipèle fut de longue durée, affecta véritablement une marche chronique, et subit bien des fois une rétrocession partielle. Chaque fois que l'affection cutanée diminuait, la malade était prise de douleurs faciales et de fièvre. Enfin cette malade, qui fit un long usage des préparations de quinquina, a fini par guérir à peu près complétement. La santé générale est redevenue bonne; mais il lui reste dans les régions affectées par l'érysipèle des phénomènes qui, sans avoir de gravité, me semblent

dignes d'être mentionnés; ce sont : 1o une injection sanguine des conjonctives avec larmoiement de l'œil gauche, qui éprouve aussi un peu de photophobie; 2o une teinte brune, basanée qui, s'arrêtant comme l'érysipèle à la ligne médiane, donne lieu aussi à un contraste bizarre; 3o une analgésie presque complète de toute la région que couvre cette teinte brune et où, pendant longtemps, la sensibilité cutanée a offert une grande exaltation.

OBSERVATION 6o. — A la fin de 1850, une jeune fille de la campagne eut un érysipele ambulant qui envahit successivement toutes les parties du corps, en commençant par la tête, et une fièvre grave protéiforme, dont le symptôme prédominant fut le délire. Chaque fois que l'érysipèle pâlissait, on était sûr de voir survenir promptement une expression morbide grave. Le traitement se composa principalement de l'emploi du sulfate de quinine, pour combattre l'intermittence de la fièvre; du calomel et des irritants de la peau, irritants qui favorisaient le développement, le retour de l'éruption. Le dernier phénomène critique qui se produisit chez cette malade, fut un abcès au talon droit, abcès qui eut d'abord un aspect charbonneux, ce qui m'engagea à le faire panser avec le quinquina et le charbon, en même temps que la convalescente était mise à un régime graduellement plus substantiel.

OBSERVATION 7. - Voici un exemple d'érysipèle phlegmoneux critique, sorte d'érysipele dont j'ai vu plus d'un cas.

Au mois de mars dernier, une petite fille de 2 ans, de notre ville, fut prise tout à coup, au bras gauche, d'une paralysie accompagnée de fièvre et de douleurs qui se faisaient plutôt sentir la nuit que le jour. Pendant plusieurs jours, on ne remarque aucun gonflement, aucune rougeur; le membre qui, soulevé, puis abandonné à lui-même, tombait comme une masse inerte, offrait une grande laxité dans ses articulations. Puis il devint gonflé et rouge dans toute son étendue, présentant les signes d'un érysipele que je pensais d'abord voir se terminer de la manière ordinaire. Je pouvais le croire d'abord en effet, car le gonflement et la rougeur érysipélateuse diminuèrent graduellement ; mais bientôt je sentis se former, à la partie externe du bras et un peu au-dessus du coude, une dureté qui s'accrut rapidement de volume, en même temps que le mouvement febrile, qui avait presque cessé, redevenait plus intense. En peu de jours cette dureté se convertit en un foyer purulent que j'ouvris, et qui fournit une assez grande quantité de pus.

La chose la plus intéressante dans ce cas, c'est que l'érysipèle phlegmoneux, sans le secours d'aucun traitement, mit fin à la paralysie nerveuse, maladie passée à l'état d'infirmité chez plusieurs personnes de différents âges, qui n'ont pas été traitées d'une manière convenable dès le début, ou qui n'ont pas eu le bonheur de voir se développer une affection critique.

Il m'est arrivé de voir se produire, chez des vieillards surtout, une sorte d'érysipele cedémateux, d'aspect blafard, dans le courant d'une fièvre grave, ou en même temps que se manifestaient des phénomènes scorbutiques, tels que taches cutanées hémorrhagiques et ulcérations, boursouflement des muqueuses de la bouche. Il y eut aussi des individus chez qui, en outre de cette sorte d'é

rysipele, se formèrent des furoncles, des ulcérations que, chez une fille indigente, j'ai vus se transformer en plaies étendues du plus fâcheux aspect. (La suite au prochain No.)

RÉTRÉCISSEMENT CHRONIQUE DE L'OESOPHAGE; CATHÉTÉRISME; GUÉRISON; par docteur DEBOURGE, Membre correspondant à Rollot (Somme).

le

Il y a bien longtemps déjà, le cathétérisme de l'œsophage avait été conseillé et pratiqué avec plus ou moins de succès dans les différentes espèces de dysphagies. Mais ce moyen, comme tant d'autres, était ensuite à peu près tombé dans l'oubli. MM. Trousseau et Gendron, par les belles observations qu'ils ont publiées, sont venus, dans ces derniers temps, fixer plus particulièrement l'attention médicale sur ce point important de thérapeutique, et, c'est afin de corroborer les faits précieux que ces savants confrères nous ont fait connaître, que je viens soumettre aujourd'hui à la bienveillante appréciation de la Société des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, l'observation qui fait le sujet de

cette note.

Mme p***, de Mortemer (Oise), âgée de 46 ans, goîtreuse depuis son enfance, avait depuis un an perdu ses règles, quand, sans aucune cause à laquelle il eut paru possible de rattacher sa maladie, elle s'aperçut que les aliments d'un repas qu'elle prenait, n'arrivaient dans l'estomac qu'avec difficulté; il lui semblait, disait-elle, que quelque chose les arrêtait au passage. Elle s'inquiéta fort peu d'abord de cet état, qu'elle croyait passager. Mais peu à peu la dysphagie se montra de plus en plus grande. L'ingestion des aliments solides, puis celle des potages, devint graduellement impossible. Après 18 mois de cet état de choses, la malade, au moment où elle réclama mes soins, était dans le marasme le plus complet. La faiblesse extrême de son pouls, son teint jaune-paille, l'infiltration de ses membres pelviens, l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de marcher, même de se tenir quelque peu debout... tout se réunissait pour me faire pronostiquer une fin prochaine. Voulant juger par moi-même comment les choses se passaient, je priai cette dame de boire, en ma présence. L'eau sucrée qu'elle prit, arriva sans difficulté jusqu'à l'obstacle,que je jugeai se trouver près de l'estomac. Mais à peine avalée, cette eau sucrée fut rejetée par une sorte de rumination, ce qui, au dire de la malade et de ses parents, avait lieu chaque fois qu'elle essayait l'ingestion de quelque liquide. J'avais pensé d'abord qu'un plus grand développement intérieur du goître que portait cette femme, pouvait être pour quelque chose dans la production des accidents qu'elle éprouvait, mais je demeurai bien vite convaincu que j'étais dans l'erreur. Je proposai le cathétérisme, comme le seul moyen à mettre en usage; mais, à vrai dire, je n'en espérais point le succès cette malade me paraissait dans des conditions par trop défavorables pour cela. Le dernier médecin qui avait donné des soins à Mme p*** avait diagnostiqué un cancer du pylore, et pronostiqué une mort très

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