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Pour me rendre compte de l'intensité de l'action physiologique, j'ai placé dans des capsules en porcelaine renfermant chacune deux litres et demi d'eau, dix poissons semblables, du poids de 2 à 300 grammes environ. J'y ai introduit, sous forme de décoction, avec le premier poisson, 1 gr. de coque du Levant; avec le deuxième, 1 gramme également; avec le troisième, 2 grammes; avec le quatrième, 2 grammes également; avec le cinquième, 1 gramme de noyaux, dépourvus de l'écorce; avec le sixième, 2 1/2 grammes de noyaux; avec le septième, 5 milligrammes de picrotoxine pure en solution. dans l'eau ; avec le huitième, 15 milligrammes de picrotoxine; enfin, le neuvième et le dixième furent mis dans l'eau pure. Le résultat fut:

Le premier poisson n'a paru subir aucune action, car, après 8 jours, il vivait encore, ainsi que le neuvième et le dixième.

Le deuxième s'est tourné après douze heures et était mort au bout de quatorze heures, comptées du moment que l'on avait introduit la décoction de la coque.

Le troisième s'est tourné après sept heures et était mort après dix heures.

Le quatrième s'est tourné après douze heures et était mort après vingt heures.

Le cinquième s'est tourné après sept à huit heures et était mort après dix heures.

Le sixième s'est tourné après quatre heures et était mort après sept heures.

Le septième n'a subi aucun effet.

Le huitième s'est tourné après huit heures et était mort après dix heures.

Les deux derniers, qui se trouvaient dans des conditions identiques avec les autres, mais dans de l'eau pure, étaient encore vivants huit jours plus tard.

Sur ceux qui ont reçu de la coque et qui n'ont pas succombé, je n'ai pu observer aucun phénomène particulier.

Il résulte de ces essais que, pour tuer un poisson dans les conditions indiquées, il faut au moins 2 grammes de coque du Levant en décoction ou la dissolution d'un centigramme de picrotoxine (1). C'est à peu près la proportion dans laquelle la picrotoxine se trouve dans la coque du Levant.

Les essais que j'ai faits au sujet de l'intensité de l'amerlume de la coque du Levant m'ont démontré que pour communiquer une amertume encore supportable à un litre de bière douce ou à un litre d'eau pure ou peu sucrée, il faut en moyenne 50 centigrammes de coque du Levant, employées en décoction (2). Un litre de bière, qui doit toute son amertume à la coque du Levant, ne pourra, en conséquence, renfermer que tout au plus un demi-gramme de cette substance. Or, comme il faut au moins 2 gr. pour déterminer l'action physiologique sur le poisson, il faudra prendre quatre litres de bière pour en faire l'analyse avec quelque chance de succès. Mais, d'une part, l'amertume d'une bière ne pourrait provenir que partiellement de la coque du Levant; d'autre part, l'extraction par l'éther de tout le principe actif ne pouvant pas se faire sans perte, il en résulte que, pour l'examen de cette boisson, on devra prendre, à priori, six à huit litres. Quant à la détermination de la solubilité des principes amers d'une décoction de lupulin, j'ai opéré comme pour la décoction de la coque du Levant, sur une simple solution, sur une seconde, rendue acide, et sur une troisième rendue alcaline. De ces essais, il résulte :

(1) Il est probable qu'il faut une plus petite quantité de coque du Levant pour tuer un poisson lorsqu'on la lui donne en substance, par exemple en pilules, où il avale une plus grande quantité à un moment donné et à la fois.

(2) Il est vrai que M. Schmidt dit que 6 à 8 grammes de la coque du Levant. suffisent à peine pour rendre amère une demi-bouteille d'eau. J'ai répété mes essais plusieurs fois et je suis toujours parvenu au résultat indiqué ci-dessus.

1° Que la présence d'un acide facilite l'extraction par l'éther du principe amer;

2° Que, d'une solution alcaline, cette extraction est plus difficile et plus lente;

3° Que des trois solutions, en employant une assez grande quantité d'éther, toute l'amertume peut en être enlevée.

Comparée avec la décoction de la coque du Levant, celle du lupulin exige en tout cas une plus grande quantité d'éther, afin de lui céder son principe amer.

Il peut donc arriver qu'en suivant la méthode générale pour la recherche de la picrotoxine, une partie du lupulin reste dans la bière alcaline et passe ensuite en dissolution avec la picrotoxine. C'est pour cette raison surtout qu'il m'a semblé intéressant de vérifier si le lupulin n'avait pas d'action sur le poisson.

A cet effet, j'ai ajouté à un litre et demi d'eau, dans laquelle se trouvait un poisson comme pour les essais précédents, une décoction faite avec 1 gramme de lupulin; un second poisson reçut la décoction de 2 1/2 grammes.

L'un et l'autre étaient encore en vie après plusieurs jours, sans qu'il se fut produit sur eux une réaction particulière. Vu la petite quantité de lupulin qui, dans les plus mauvaises conditions, pourrait, en suivant la marche d'analyse indi. quée, parvenir en contact avec le poisson, ce corps n'est donc pas à considérer.

Tous ces essais établissent donc la parfaite sécurité de la méthode.

Si la bière, après avoir subi le traitement par l'éther, d'abord en solution alcaline, puis en solution acide, avait encore une saveur amère prononcée, ce que l'on reconnaît facilement en la goûtant après l'avoir chauffée, pour chasser tout l'éther, il y aura lieu d'y supposer la présence d'autres

corps amers, notamment la salicine, la quasseine et la ményanthine, les plantes qui fournissent ces substances étant supposées employées quelquefois dans la brasserie; leurs principes amers sont presque insolubles dans l'éther en solution alcaline et en solution acide. Pour les caractériser aussi bien que possible, on précipitera la bière par l'acétate de plomb basique. La liqueur filtrée, après avoir été privée du plomb par l'hydrogène sulfuré, est évaporée et concentrée, puis on l'additionne d'une solution de tannin. Un précipité qui se formera, renfermera ces principes amers. Pour les isoler du tannin, on fera chauffer avec de l'alcool et de l'oxyde hydraté de plomb, et il se produira ainsi un précipité de tannate de plomb insoluble, tandis que les principes amers entreront seuls en solution alcoolique. Enfin, pour déterminer leur nature spéciale, on aura recours à leurs réactions spéciales, comme pour la salicine et à des essais comparatifs.

Toutes ces réactions positives et négatives sont, du reste, déjà assez caractéristiques pour supposer la présence d'un principe amer étranger à la bière, et faire soupçonner, avec raison, celle d'un des trois corps indiqués. Ces réactions sont, en résumé, la saveur amère persistant après le traitement par l'éther de la bière alcaline et acide; la précipitation par le tannin, après avoir résisté à la précipitation par l'acétate de plomb basique; enfin, leur solubilité dans l'alcool.

Il est évident qu'une bière insipide, après avoir été épuisée par l'éther pour en extraire la picrotoxine, ne renferme plus d'autres principes amers.

Méthode de M. Depaire.

On ajoute à la bière à examiner 360 grammes de sel marin en poudre, par litre; après l'agitation pour opérer la dissolution, on filtre le liquide, puis on l'agite avec 100 centi

mètres d'éther. On décante l'éther et on répète une seconde et une troisième fois ce traitement. On réunit les liquides et on chasse l'éther par évaporation. Le résidu fixe qui reste est dissous dans de l'alcool et à cette solution on ajoute 15 centimètres d'eau avec quelques gouttes d'acide sulfurique, puis ou chauffe au bain-marie pendant une demi-heure. Après le refroidissement, on filtre, et la solution filtrée est agitée avec de l'éther, qui laissera ensuite, si la picrotoxine existe dans la bière, un résidu blanc cristallin et amer. On le fait recristalliser au besoin en le dissolvant dans de l'alcool. Ces cristaux servent à déterminer l'existence de la picrotoxine, par leur structure observée sous le microscope, par leur saveur, et surtout par leur action physiologique sur des poissons, comme je l'ai déjà indiqué.

Explication. Le chlorure de sodium agit dans ce procédé, en rendant insoluble et en précipitant une grande partie des matières extractives et résinoïdes; il facilite l'extraction par l'éther, puisque cette liqueur pesante et saline retiendra une moins grande proportion d'éther que la bière pure.

Les bières étant toujours acides par l'acide acétique et lactique, la dissolution de la picrotoxine par l'éther s'opère facilement, sans nécessiter l'addition spéciale d'un acide.

Le résidu que l'éther laisse après son évaporation renfermera outre la picrotoxine les principes amers et résinoïdes du lupulin, des matières grasses et autres peut-être. On les élimine par l'alcool, l'eau et l'acide sulfurique. Les corps résinoïdes et gras, insolubles dans l'eau acide, restent sur le filtre, tandis que la picrotoxine passe à travers et en est enlevée par l'éther, etc.

Les alcaloides et les principes amers insolubles dans l'éther restent dans la bière,

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