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2. NÉCROSE de la plus grande partie de la diaphyse du cubi

tus chez un jeune homme de 19 ans.

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Extraction de l'os

Reproduction de

l'os et rétablissement de toutes les fonctions de l'avantbras; par M. le docteur HAMBURSIN.

Au moment où les travaux de M. Ollier, de Lyon, ont fixé de nouveau l'attention des chirurgiens sur le rôle important que joue le périoste dans la nutrition et la reproduction des os, j'ai cru devoir entretenir l'Académie sur ce sujet, en lui adressant l'observation dont je viens d'esquisser les traits principaux. On sait qu'un chirurgien éminent, M. Sédillot, sans mettre en doute l'importance de la conservation du périoste, importance déjà si bien établie par les travaux déjà anciens de Duhamel et de Flourens, conseille plutôt de recourir à l'évidement des os qu'à leur extraction.

S'il nous était permis, à nous infime, de porter un jugement sur les doctrines de ces chirurgiens éminents, nous dirions que, sauf une application heureuse d'une donnée déjà ancienne à la chirurgie humaine, telle que la greffe d'un lambeau périostique, à l'effet d'oblitérer une lacune osseuse, il n'y a rien de bien neuf dans les travaux remarquables, du reste, de M. Ollier. Tous les chirurgiens ont, en effet, depuis bien des années, conservé avec soin le périoste, dont le rôle important avait été si bien établi par Duhamel. Tous aussi ont fait de l'évidement, comme M. Sédillot, mais peut-être à la manière dont M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir, et sans qu'ils aient pensé à donner le nom de méthode à une opération que commandait le plus vulgaire bon sens. Je ne puis, pour mon compte, en donner une meilleure preuve qu'un fait observé par moi, il y a douze ou treize ans, fait dont tous les détails sont encore présents à ma mémoire. Un garçon meu

nier, que je rencontre encore souvent, entrait à l'hôpital SaintJacques, pour une carie du calcaneum, du cuboïde et de la tête du cinquième métatarsien. Quantité de trajets fistuleux venaient s'ouvrir à la peau de la région externe du pied. Le stylet, introduit dans ces trajets, rencontrait partout des os rugueux et ramollis. Depuis un an, ce malheureux ne pouvait plus marcher sans éprouver les plus vives souffrances. L'articulation tibio-tarsienne était saine. Cette affection s'était développée à la suite de la pression exercée par le pied d'un cheval sur cette région. Une incision cruciale fut pratiquée sur la partie malade; je détachai ensuite le lambeau, en râclant les os, de manière à conserver, autant que possible, le périoste, et à mettre à nu les parties malades, et à l'aide d'une gouge et d'un maillet, je fis sauter toutes les parties cariées; le calcanéum et le cuboïde furent littéralement creusés et réduits ainsi à l'état de coques, incapables de supporter le poids du corps. Je fis de la sorte une brèche énorme qui finit, néanmoins, par se combler à l'aide de la sécrétion des lambeaux de périoste et des portions d'os restées saines. Trois mois après cette opération, le sujet sortait de l'hôpital parfaitement guéri. Il a repris, depuis lors, les fonctions de garçon meunier, transportant de lourds fardeaux, comme s'il n'avait jamais eu d'accident. Dans ce cas, n'avais-je pas fait une heureuse application de la méthode d'évidement de M. Sédillot?

Nous estimons néanmoins que M. Ollier, en démontrant la possibilité des autoplasties périostiques chez l'homme, a contribué au progrès de la science. Nous apprécions également le service que l'éminent chirurgien de Strasbourg a rendu à la chirurgie pratique, en rappelant qu'il y avait d'autres méthodes, en prémunissant les chirurgiens peu expérimentés, et par cela même portés aux innovations, contre l'engouement que ne manquent jamais de provoquer des nouveautés heureuses.

Nous croyons, quant à nous, que les deux méthodes ont du bon et que, si généralement il est préférable de conserver toutes les parties saines, de recourir, par conséquent, à l'évidement plutôt qu'à l'extraction de l'os, il est des cas qui ne comportent pas cette opération. Nous croyons, en un mot, que dans cette question comme dans bien d'autres, un peu d'éclectisme est de saison, et que c'est au tact et au jugement du chirurgien qu'est réservée la question d'opportunité pour le choix à faire entre ces méthodes.

Dans le cas qui fait l'objet de cette observation, nous n'avons pas eu l'embarras du choix, l'os étant nécrosé dans la plus grande partie de sa diaphyse; partant, l'extraction du séquestre avec conservation du périoste, était seule indiquée. Bien que cette observation, pas plus que celles données par M. Sédillot, ne présente rien de bien neuf, j'ai cru qu'elle offrait assez d'intérêt pour me décider à relater le fait. N'eût-elle, du reste, que le mérite de fixer l'attention de la Compagnie sur ce sujet intéressant, et de faire connaître, à cet égard, l'opinion des chirurgiens distingués qu'elle compte dans son sein, cette raison eût été suffisante pour me porter à cette détermination.

Après ce préambule, qui pourra paraître un peu long, arrivons au fait :

Pourioux, Désiré, âgé de 19 ans, journalier, domicilié à Grand-Lez, entre à l'hôpital Saint-Jacques, de Namur, le 29 juillet 1868, pour une nécrose du cubitus au membre supérieur gauche. L'affection avait débuté, quatre mois auparavant, d'une manière spontanée, par du gonflement et de la douleur vers la partie inférieure du cubitus. La cause du mal devait être, selon moi, attribuée à la constitution lymphatique du sujet. Le malade avait subi un traitement antiphlogistique, application de 60 sangsues, puis de cataplasmes émollients.

Nonobstant ce traitement, il survint un abcès, qui fut ouvert par le médecin du lieu. Il y eut un soulagement momentané, mais de courte durée. Le gonflement de l'avant-bras persista, les douleurs reparurent. L'ouverture, au lieu de se fermer, continua à donner issue à une suppuration abondante, qui épuisait le malade. L'appétit se perdit; le malade eut des frissons, suivis de chaleur et de sueurs; en un mot, il fut miné par la fièvre hectique. Cet état persista, pendant plusieurs mois, sans changement notable. Puis survint une exasperation dans les phénomènes inflammatoires : le gonflement s'étendit tout le long de l'avant-bras et du bras jusqu'à l'aisselle. Le malade exténué se rendit chez moi dans un tel état de faiblesse, qu'il eut une syncope devant ma porte. J'examinai le membre, il était rouge, empâté, douloureux, depuis la main jusqu'a l'aisselle. Vers la partie supérieure de l'avant-bras, au côté interne, il y avait une fluctuation très-appréciable. J'ouvris largement le foyer, dont il s'échappa une quantité énorme de pus. En introduisant le stylet dans le trajet fistuleux qui se trouvait à la partie de l'avant-bras, je pus constater que le cubitus était nécrosé dans une grande partie de son étendue. Je conseillai au malade d'entrer à l'hôpital, ce qu'il fit quinze jours plus tard (29 juillet 1868).

Je procédai alors à un nouvel examen du sujet, en compagnie de mon collègue, M. le docteur Dethier. L'avant-bras était resté tuméfié dans toute sa longueur, particulièrement au côté interne, le long du cubitus. Les ouvertures pratiquées continuaient à donner issue à une suppuration abondante; l'ouverture inférieure s'était agrandie, laissant voir à nu l'os nécrosé. Deux stylets mis en contact avec les parties supérieure et inférieure du séquestre, permettaient d'en constater la mobilité. L'état général s'était encore aggravé.

Après en avoir conféré avec mon collègue et assisté par lui,

il fut procédé, séance tenante, à l'extraction de l'os nécrosé. Je fis une incision longitudinale, parallèle au cubitus, et s'étendant de l'extrémité inférieure de cet os jusqu'à l'olécrane, incision comprenant toutes les parties molles jusqu'à l'os. J'incisai le périoste hypérémié et hypertrophié, et le détachai avec soin. Alors, saisissant l'extrémité inférieure du séquestre, je le fis basculer lentement, de manière à ne pas déchirer le périoste; celui-ci resta intact. J'enlevai ensuite un autre séquestre plus petit que le premier, à la partie supérieure du cubitus, séquestre comprenant à peu près la moitié de la circonférence de l'os. Le séquestre principal mesurait environ 47 centimètres de longueur, si bien qu'il ne restait plus de la diaphyse du cubitus qu'une longue aiguille à la partie supérieure, et cinq à six centimètres à la partie inférieure. Encore cette dernière portion de l'os était-elle cariée dans une longueur de deux à trois centimètres. Je détachai avec soin le périoste de cette portion cariée et la fis sauter avec des cisailles de Liston. Je passai ensuite quelques points de suture, et fis un pansement simple. Deux attelles de carton, placées à la partie antérieure et postérieure, dans le but de maintenir la forme du membre, complétèrent le pansement. Les suites de l'opération furent des plus heureuses; la suppuration diminua aussitôt, l'appétit revint immédiatement, les douleurs cessèrent, en un mot, tous les accidents déterminés par cette altération de l'os disparurent comme par enchantement. Vingt-huit jours après l'opération, le sujet sortait de l'hôpital dans un état d'embonpoint et de fraîcheur qui le rendait méconnaissable. A cette époque, la suppuration était tarie, sauf un petit suintement par deux trajets fistuleux. On sentait, à la place occupée autrefois par le cubitus, une résistance que l'on ne trouvait pas dans les quinze premiers jours après l'opération; il se formait donc un nouvel os, mais il était peu volumineux et flexible (état cartilagineux).

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