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reconnaitre la raison de la plupart des divergences qui nous séparent dans les dispositions d'esprit différentes que nous apportons dans l'examen de certaines parties de la science ; j'ai dit à ce sujet que là où M. Thiry semble fermer les yeux pour ne point voir les petites misères de nos facultés diagnostiques, et s'efforce à masquer l'état imparfait de nos connaissances sous les dehors d'une assurance qui ne craint rien et n'admet point d'hésitation, là au contraire je signale la nécessité du doute, persuadé que c'est le moyen le plus sûr de provoquer de nouvelles recherches susceptibles de le faire disparaître à l'avenir. Après cela, j'ai établi la preuve que mon collègue, ne pouvant ou ne voulant pas combattre mes opinions réelles, avait imaginé de m'en attribuer d'artificielles, pour se donner le plaisir de les pulvériser avec plus de facilité. Enfin, j'ai indiqué le véritable point de controverse qui eût pu s'établir entre nous, si mon honorable adversaire eût voulu reconnaître dans le texte de mon discours et de mes observations ce qui s'y trouve réellement.

J'avais terminé ces appréciations sur l'ensemble des idées de M. Thiry, et je commençais à m'engager dans l'examen spécial de son dernier discours, lorsque l'heure du comité secret est venue m'interrompre. Permettez-moi, Messieurs, pour ne pas scinder mon argumentation, de la reprendre à l'endroit où l'a fait arriver le Bulletin de l'Académie, et de vous répéter par conséquent quelques mots déjà prononcés que je ne puis distraire, sous peine d'obscurité et d'incohérence, du reste de mon raisonnement.

Je disais donc que M. Thiry, dans son discours, entrait en matière par une de ces affirmations renversantes qui, si on les prenait à la lettre, feraient croire qu'une lutte avec lui est devenue impossible. En réfutant ses opinions, j'avais cherché à bien me pénétrer de toutes les raisons sur lesquelles il avait cru pou

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voir les appuyer, et je m'étais efforcé de les apprécier consciencieusement pour les réduire à leur juste valeur; or, cela ne l'empêche pas de dire que « je nie ce qu'il affirme et que j'affirme ce qu'il nie, sans me préoccuper des arguments et des faits qu'il apporte à l'appui des principes qu'il défend. Comment faire pour combattre un adversaire qui échappe par une issue de cette espèce au moment où l'on croit le tenir par ses propres argumentations? Par où le prendre pour être sûr de ne pas étreindre le vide et le néant? Je vous disais, Messieurs, que pour courir le moins possible le risque d'encourir de nouveau de semblables reproches, j'avais résolu d'examiner un à un ses arguments et ses faits, pour bien prouver que je ne veux en éviter aucun; mais qu'en suivant cette voie, je serais obligé, pour ne pas abuser des moments de l'Académie, de me servir dans ma réfutation du mode le plus laconique possible. Je reprends maintenant ma dissertation à partir de cet endroit de mon discours.

M. Thiry, prenant en considération « l'insuffisance, l'inexactitude, et même les dangers des classifications anciennes, > en a établi une nouvelle, dont la formule, dit-il, réflète les principaux caractères des étranglements qu'elle est chargée de spécifier. Il dit que je ne veux pas de cette classification, et que je reviens à une des plus anciennes et des plus mauvaises. »

Si M. Thiry y tenait beaucoup, et si cela pouvait lui faire plaisir, je lui abandonnerais volontiers sa classification, d'autant plus que je ne l'ai pas trop combattue comme classification, mais bien pour toute autre chose dont il sera bientôt question. Seulement, comme il me parait qu'il ne faut pas introduire de nouvelles divisions sans nécessité, et que celle de M. Thiry ne me paraît pas meilleure que les autres, je dis maintenant, puisque je ne l'ai pas fait dans mon dernier discours, qu'elle ne vaut

pas mieux que les anciennes, qui ont l'avantage d'être consacrées par un long usage et d'être comprises par tout le monde.

M. Thiry ne sait pas ce que c'est qu'un étranglement aigu et chronique. Il croit que l'honorable M. Lefebvre ne s'en doute pas plus que lui. « L'étranglement, dit-il, se résume dans un obstacle matériel aboutissant à des lésions qui atteignent immédiatement l'intégrité des tissus... »

D'abord, il faut que je dise que M. Thiry aura mal entendu quand il a cru que M. Lefebvre ignore la signification des expressions étranglement aigu et chronique. En parlant des étranglements aigus, cet honorable collègue dit au contraire (p. 564) que la hernie aigue ou récente est celle de tous les auteurs. Quant à la classification des anciens, elle est basée sur la marche de la maladie. Elle n'en exprime point, à la vérité, tous les éléments constitutifs; mais elle donne tout de suite une idée clinique des accidents qui vont se produire et de l'espèce de traitement qu'il faudra établir. L'étranglement est bien constitué par un obstacle matériel, comme l'indique M. Thiry. Un obstacle, envisagé dans son essence, n'est ni aigu ni chronique, je l'admets volontiers; mais il produit des effets différents suivant les circonstances où il se manifeste là est l'utilité de la distinction.

Il n'y a que les

Que penser, dit M. Thiry, d'une classification qui n'aurait sa raison d'être que dans les conséquences d'un mal dont elle négligerait les caractères essentiels? » mots aigus et chroniques qui indiquent ces conséquences; le mot étranglement indique parfaitement le principe de la maladie. Est-ce que les expressions de M. Thiry en diraient davantage sous ce rapport? Voyons :

Les étranglements, selon M. Thiry, sont, dans la première partie de sa division, primitifs, immédiats ou mécaniques.

Primitifs, parce que, à l'époque de leur apparition, les

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rapports entre les parties contenues dans la cavité abdominale et les parties contenantes n'avaient subi aucune modification anormale.... Il n'y avait jamais eu de hernie, ou si des portions d'intestin avaient déjà traversé les anneaux aponevrotiques, elles avaient été aussitôt repoussées et maintenues.

En vérité, mon honorable collègue, il faudrait bien ne pas dire blanc et noir en même temps. Si les étranglements sont primitifs, il n'y avait rien avant eux; s'il y avait une hernie antérieure, comme vous supposez que cela peut être, ils ne sont plus primitifs. Si, comme je le pense, vous vous en tenez plutôt à la première supposition, ce sont donc bien les hernies de force que vous avez exclusivement en vue. Or, les hernies de force sont excessivement rares. Est-ce à ces seules hernies exceptionnelles que vous voulez restreindre l'étranglement contre lequel, comme vous le dites, le taxis réussit si bien?

«

L'étranglement est immédiat, parce qu'il se produit en même temps que la hernie. » Pourquoi ce nouveau terme, puisqu'il n'exprime pas autre chose que le premier? A quoi sert-il? Est-ce que par hasard vous ne l'auriez admis que pour nous convaincre que bien réellement vous ne comprenez dans votre classification que les hernies de force?

« L'étranglement est mécanique, parce que la seule cause qui le provoque et l'entretient se résume dans l'action toute physique qu'exercent sur les organes herniés les anneaux aponévrotiques. Ce terme exprime donc la même chose que le mot étranglement. Personne, en effet, ne peut comprendre un étranglement sans y joindre l'idée d'un effet mécanique produit. Le mot mécanique est donc une inutilité, une superfétation? Mais il y a plus. Toute division suppose une distinction; il doit y avoir par conséquent une distinction, sous le rapport de l'action mécanique, entre la première catégorie d'étranglements et la seconde? En quoi consiste cette distinction? Est-ce que les

hernies de la seconde espèce, quand elles sont étranglées, ne le sont plus mécaniquement? Conçoit-on un étranglement nonmécanique? Pourquoi donc ce mot pour caractériser la première division? L'honorable M. Thiry doit comprendre qu'il y a là quelque chose d'étrange, comme je l'ai fait remarquer dans un passage qui l'a scandalisé beaucoup, si j'en juge par l'ironie avec laquelle il dit que je dois avoir éprouvé un sentiment de satisfaction personnelle en le relisant. Hélas, non, mon cher collègue, c'est bien plutôt un sentiment d'étonnement qui m'a frappé en voyant que vous me forciez à faire constater de telles singularités!

Voyons maintenant la deuxième partie de la division des étranglements. Ceux-ci sont, dit M. Thiry, consécutifs, médiats, organiques.

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Consécutifs, parce que les tissus sont modifiés dans leurs rapports; une disposition herniaire existait, les intestins, depuis plus ou moins longtemps, ont quitté la cavité abdominale.... parce que les anneaux aponévrotiques affaiblis et amincis.... n'opposent plus une résistance suffisante à leur déplacement. » Ainsi, les hernies à étranglement consécutif sont toutes celles où il existait une hernie antérieure résidant à l'extérieur. Mais de deux choses l'une ou cette

:

espèce d'étranglement appartient uniquement aux hernies anciennes qui ne rentrent plus, et dans ce cas, il existe une lacune énorme entre cette division et celle des hernies par étranglement primitif, lacune que M. Thiry ne comble par rien ; 'ou elle comprend aussi toutes les hernies, sans distinction, qui avaient déjà apparu avant l'étranglement, c'est-à-dire les dixneuf vingtièmes au moins de ces affections: les étranglements consécutifs deviennent ainsi tout ce qu'il y a de plus commun. Mais que devient alors le taxis, qui convient beaucoup mieux, comme l'affirme M. Thiry, aux étranglements primitifs?

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