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que j'avais fixé cet âge à 16 ans (1). Je crois que l'on pourrait peut-être concilier tous les intérêts engagés dans cette grave question, si la législature prenait les dispositions suivantes à partir de 1870, les garçons et les filles ne pourront plus être occupés à l'intérieur des mines avant l'âge accompli de 12 ans; à partir de 1875, les garçons et les filles ne pourront plus être occupés à l'intérieur des mines, les premiers qu'après 14 ans, et les secondes qu'après 16 ans révolus; à partir de 1880, les femmes âgées de moins de 21 ans ne pourront plus descendre dans les travaux souterrains; à partir de la même époque, les garçons et les filles de moins de 14 ans ne pourront plus être employés sur les mines, minières, carrières et usines.

« Ainsi, à dater de 1880, seraient seuls admis:

« 1o Dans l'intérieur des mines, minières et carrières souterraines, les garçons âgés de 14 ans et les femmes âgées de 21 ans; et

« 2o A la surface, tant des mines, minières et carrières, que dans les usines, les garçons et les filles de 14 ans accomplis. Toutefois, de 12 à 14 ans, les garçons et les filles qui fréquentent, notoirement le matin, les écoles primaires, pourraient faire, dans l'après-diner, les uns à l'intérieur et les autres à la surface, un poste de six à huit heures.

« Il est bien entendu que les époques fixées ci-dessus ne seront pas absolues; il me semble qu'elles devraient être

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(1) Voici comment s'était exprimé M. Jochams dans son rapport de 1867: Mais n'y a-t-il rien à faire à cet égard? Certes, oui, il faut, par de sages et prudentes nesures, faire que dans l'avenir les filles ne descendent pas dans les fosses dans un àge trop jeune, aux fins de les forcer à fréquenter les écoles et acquérir ainsi une instruction jointe à une certaine éducation. En fixant, par exemple, cet âge à 16 ans, il est évident que les jeunes filles intelligentes et destinées à devenir de bonnes ménagères, n'attendraient pas cet åge pour se choisir un état, et celles qui ne le feraient, c'est que par leur constitution et leur intelligence, elles ne pourraient embrasser une profession autre que celle de mineur.»

définitivement arrêtées d'un commun accord avec les intéressés, c'est-à-dire les Chambres de commerce et les comités charbonniers. Ces époques doivent être déterminées de manière à n'apporter aucune perturbation dans le travail des mines, auquel. se rattachent les intérêts des ouvriers, des exploitateurs et des consommateurs. »

Toutefois, la vérité commande de dire que depuis que ces lignes ont été écrites, l'honorable ingénieur éprouve un peu d'hésitation. Il demande du temps, du répit, avant de prendre une décision définitive. La question n'est pas encore arrivée, d'après lui, « au point d'être résolue avec maturité et sans aucune précipitation, comme le veut une semblable réforme sociale, et il finit par indiquer que l'on pourrait peut-être poser un premier jalon à cette réforme, en restant, pour l'admission dans les mines des jeunes travailleurs des deux sexes, dans les limites d'âge fixées par les statuts de la Caisse de prévoyance de Mons, en faveur des ouvriers mineurs, c'est-à-dire de 12 ans.

La reculade ne laisse pas que de surprendre. En 1867, le savant ingénieur propose de faire en sorte que, par de sages et prudentes mesures, on arrive à ne plus admettre. dans les mines les filles ayant moins de 16 ans; en 1868, il accepte une organisation qui doit avoir pour résultat de ne plus permettre l'accès aux travaux de l'intérieur, dans un temps déterminé, qu'aux femmes âgées de 21 ans, et, en 1869, s'appuyant principalement sur quelques données fournies par la statistique (à laquelle, par parenthèse, on fait dire tout ce que l'on veut; la grande discussion académique sur la question de l'emploi des femmes dans les mines, l'a prouvé une fois de plus), il abandonne les 16 ans de 1867 et les 21 ans de 1868, pour reculer jusqu'à la limite d'âge fixée par les statuts de la Caisse de prévoyance de Mons,

c'est-à-dire jusqu'à 12 ans ! Et encore y met-il un peut être !

Vous allez constater, Messieurs, par les extraits qui vont suivre, qu'aucun des collègues de l'honorable ingénieur en chef n'a ses timidités: tous sont plus convaincus, et, par conséquent, plus résolus.

M. RUCLOUX, ingénieur en chef (2 direction des mines (Namur, Luxembourg, Liége, Limbourg, Anvers)):

<« Il faut bien le reconnaître, tout en s'élevant contre les exagérations contenues dans le rapport présenté récemment à l'Académie de médecine, exagérations qui tendraient à représenter le travail des mines comme mettant la femme, sous le rapport de la moralité et de la santé, dans des conditions exceptionnellement pernicieuses, ce travail est, de tous, celui qui lui convient le moins, et l'on ne peut que désirer, au point de vue surtout du rôle que la femme doit remplir dans la famille, qu'elle ne soit plus admise dans les travaux du fond, où sa nature s'imprègne d'une rudesse par trop masculine. »

M. FLAMACHE, ingénieur principal (1re direction, 1er arrondissement, Mons):

« Pour moi, je regarde comme hautement désirable que la femme ne soit pas occupée dans les houillères, du moins à l'intérieur des travaux.

« Quoique la ventilation, dans la plupart de nos mines, ait été beaucoup amélioree, le travail du mineur, qui s'effectue sans l'influence vivifiante de la lumière solaire, dans un air imprégné d'humidité quelquefois, souvent chargé de poussières et de gaz plus ou moins délétères, est généralement plus insalubre que bien d'autres. Il faut ajouter à ces causes d'insalubrité la position souvent gênée de l'ouvrier, du moins dans le travail en taille de certaines couches. La femme, à la

vérité, se trouve rarement dans cette dernière situation; son travail, au Borinage, tout différent de ce qu'il est au Centre et à Charleroi, consiste surtout dans le boutage (glissement) et le chargement des charbons au pied des tailles, dans le chargement des déblais, des percements en roc, etc. Sa position est moins gênée que celle des ouvriers en taille, surtout dans les exploitations EN DROIT; mais, dans celles-ci, par contre, la femme est fort exposée à l'aspiration des poussières de charbon.

« Les femmes adultes les plus robustes sont souvent employées à la manœuvre des trains établis sur les travaux en descente. Sans regarder le travail de la femme à l'intérieur des mines comme beaucoup plus insalubre que son travail dans certaines manufactures, je crois cependant qu'il serait préférable qu'on se contentât pour elle des travaux du jour.

« Sous le rapport de la MORALITÉ, comme sous celui de la SANTÉ, la chose me paraît désirable; si l'on ne devait juger la femme du fond que par son extérieur, par la crudité de son langage, le portrait qu'on en ferait ne serait guère flatteur. Néanmoins, la prostitution est un vice presque inconnu chez ces ouvrières, et presque toujours le mariage légitime l'enfant né des relations qu'elles ont pu avoir avec leurs compagnons de travail. Mais la considération qui fait le plus regretter le travail des femmes dans les mines, est celle de son ignorance. des soins du ménage, sur laquelle s'appuyait déjà le rapport de la Chambre de commerce de Mons du 1er octobre 1866. Or, si le manque d'ordre et d'économie est toujours chose mauvaise, il est surtout déplorable chez la femme. Un grand nombre de ménages au Borinage vivent miserablement, bien que le travail des femmes et celui des enfants produisent, chaque quinzaine, des sommes bien suffisantes à l'entretien de la famille.

« Plusieurs des sociétés les plus importantes du Levant de Mons refusent aux femmes l'accès des travaux souterrains; je souhaite que cet exemple se propage librement..... »

M. LAMBERT, ingénieur principal des mines (1re direction, 2e arrondissement, Charleroi):

« Je n'entrerai pas dans de longues considérations concernant le travail des femmes, en général, dans les mines, attendu que cette question est actuellement soumise à l'Académie de médecine. Cependant, je me permettrai quelques réflexions. Que leur reproche-t-on ? D'abord l'immoralité. Or, vous (1) avez suffisamment prouvé combien ce reproche est peu fondé dans votre rapport, inséré dans le Recueil de la Députation permanente du Hainaut de l'année 1868. Je ne puis que m'en rapporter aux excellentes raisons que vous y développez.

« On lui reproche les suites funestes d'un travail trop rude. Je ne suis pas compétent pour juger de ces suites; seulement, je ferai remarquer que, dans le bassin de Charleroi, le travail des femmes consiste principalement à pousser des chariots sur des voies ferrées dans des galeries qui ont de 130 à 180 de hauteur; à élever, à l'aide de treuils, les charbons exploités en vallées, à manoeuvrer des freins sur les plans inclinés automoteurs. Ce labeur n'est pas plus rude que celui de beaucoup de femmes employées à la surface, et notamment que celui des femmes si connues à Liège sous le nom de botteresses (2).

« On lui reproche encore l'insalubrité provenant de plusieurs causes et notamment de l'humidité, et la privation de la lumière solaire.

(1) (M. Jochams). Cette preuve n'a pas paru suffisante à coup sûr à tous les subordonnés de M. Jochams.

(2) L'exemple est détestable. Le labeur des botteresses est condamnable à plus d'un titre.

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