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Le chloral excite la sensibilité à faible dose; à dose élevée, il la diminue graduellement jusqu'à l'anesthésie complète. Les animaux anesthésiés passent par un état antérieur d'excitabilité.

Les animaux sur lesquels l'anesthésie est générale et absolue, peuvent rester dans cet état plusieurs heures; ils succombent ensuite presque invariablement.

Le sommeil existe avec l'hyperesthésie comme avec l'anesthésie; dans ce dernier cas la résolution est absolue.

« Le chloral modifie profondément le nombre et le rhythme des mouvements du cœur; il ralentit progressivement les mouvements du diaphragme et abaisse notablement la chaleur.

« Les phénomènes provoqués par le chloral sont en beaucoup de points différents des phénomènes obtenus par le chloroforme, quoique l'anesthésie soit égale dans les deux cas (1). »

MM. les docteurs Léon Labbé et Etienne Goujon arrivèrent à leur tour à des résultats qui ne concordent pas entièrement avec ceux auxquels leurs prédécesseurs étaient parvenus. Voici ce dont ils furent témoins les chiens chez lesquels ils injectaient dans une veine d'un membre postérieur 2 grammes de chloral hydraté dissous dans 15 grammes d'eau, tombaient immédiatement comme foudroyés. La respiration était très-accélérée et les mouvements du cœur tumultueux; mais ces mouvements se régularisaient dans l'espace de 3 à 4 minutes et l'animal dormait tranquillement de 1 heure et demie à 3 heures. L'insensibilité fut complète pour tous les animaux pendant un intervalle de temps qui a varié de 35 minutes à 1 heure et demie. Le premier organe insensible était, suivant eux, le globe oculaire, tandis que le (1) Voir Gazette des hôpitaux, 12 octobre 1869.

contraire a lieu avec le chloroforme et les autres anesthésiques. Les oreilles n'étaient pas plus vascularisées, mais plus pâles et plus froides qu'à l'état normal. Les yeux furent souvent convulsés en avant.

Le chloral produit les mêmes effets si on l'introduit par les voies, digestives, seulement il faut une plus forte dose. L'absorption est plus lente dans le tissu cellulaire souscutané et il détermine souvent des eschares si on l'injecte en solution concentrée.

Ces expérimentateurs se refusent, pour plusieurs raisons, à admettre que le chloral se dédouble dans l'organisme pour donner naissance à du chloroforme ils n'ont jamais, disent-ils, retrouvé l'odeur du chloroforme dans l'air expiré ; le sang d'un chien qui avait reçu une forte dose de chloral n'exhalait pas non plus cette odeur, et ce sang ne présentait rien de particulier à noter; la liqueur cupro-potassique n'est pas réduite par les urines comme après l'administration du chloroforme; 80 centigrammes de chloroforme injectés dans une veine chez un chien vigoureux, provoquent d'abord une angoisse effrayante et un véritable accès de fureur durant 10 minutes, puis survient de l'abattement avec grande gène de la respiration, l'animal reste malade jusqu'au lendemain mais ne s'endort pas; enfin, le cœur est l'organe dont la vie s'éteint en dernier lieu avec une dose toxique de chloral, tandis qu'il n'en est pas de même avec le chloroforme.

Ils n'ont pas observé, à l'examen des animaux morts, que les centres nerveux fussent plus gorgés de sang que de coutume (1).

On peut voir, par les travaux que nous venons d'analyser et par les conclusions que nous avons citées, combien les affirmations sont contradictoires sur plusieurs points et com(1) Voir Gazette des hôpitaux, 19 octobre 1869.

PROPRIÉTÉS PHYSIOL. ET THER. DU CHLORAL. 145 bien il est difficile de se faire aujourd'hui une idée bien nette de l'action du chloral sur l'organisme animal. C'est dans le but de nous éclairer nous-même et de nous former une opinion que nous avons eu recours à l'expérimentation. Ce sont les détails de cette expérimentation que nous avons l'honneur de venir soumettre au jugement de l'Académie.

Nos expériences ont été faites sur des pigeons, un cabiai, des lapins, une chatte et une carpe. Nous avons administré le chloral à ces animaux en injection hypodermique, en l'introduisant dans l'estomac ou dans l'intestin.

1re EXPÉRIENCE.

Le docteur Sedgwick ayant présenté, lors de la leçon faite au Royal Institution par le docteur Richardson, le 5 octobre, une carpe narcotisée par une injection sous-cutanée d'hydrate de chloral, nous avons répété cette expérience qui est, sinon une des plus utiles; au moins une des plus intéressantes.

Sur une carpe du poids de 530 grammes, nous faisons, à 11 heures du matin, une injection sous-cutanée de 30 centigrammes d'hydrate dissous dans le double de son poids d'eau (1). L'animal replacé dans l'eau nage comme avant l'opération.

Au bout de 5 minutes, le mouvement des nageoires est moins vif et moins puissant.

10 minutes. Les nageoires demeurent flottantes; l'animal ne se meut plus qu'à l'aide de la queue.

35 minutes. Plus aucun mouvement; les battements des opercules se sont notablement ralentis.

1 heure. La carpe est comme morte; on ne constate plus que quelques légers mouvements du limbe flottant qui borde

(1) Nous dirons une fois pour toutes que nous nous sommes toujours servi pour les injections hypodermiques d'une solution normale contenant une partie d'hydrate pour deux parties d'eau.

l'opercule; quant à l'opercule lui-même, il bat seulement une fois par minute. Les branchies sont d'un rouge violet foncé.

rouge de vin, les yeux sont convulsés, le droit est dirigé en haut, le gauche regarde fortement en bas. On renouvelle l'eau.

2 heures. Respiration plus marquée. Eau renouvelée.

4 heures et demie. Dix-huit mouvements des opercules par minute; ouïes de couleur moins foncée; yeux dans la même situation. Un mouvement de queue.

5 heures et demie. Mouvements des opercules, 21 par minute; mouvements de queue assez puissants. Eau renouvelée. 9 heures. Les mouvements reviennent de plus en plus; les yeux demeurent encore convulsés.

Les mouvements des nageoires étaient rétablis le lendemain matin, et les yeux avaient repris leur direction naturelle. Les branchies étaient alors d'un rouge foncé, mais non violettes.

2me EXPERIENCE.

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Pigeons.

Sur un pigeon adulte, nous injectons 13 centigrammes d'hydrate sous la peau, à 2 heures 45 minutes.

Au bout de 5 minutes, les mouvements de la membrane clignotante sont plus fréquents; l'animal chancelle sur ses pattes, hérisse ses plumes et se fouille la surface du corps avec le bec, comme s'il éprouvait des démangeaisons.

15 minutes. Il est endormi, mais il s'éveille dès qu'on le prend ou qu'on l'excite, trébuche et tombe en avant lorsqu'il veut courir. Sa respiration paraît plus lente.

40 minutes. Même état.

1 heure et un quart. Respiration, 21 par minutes; pulsations cardiaques, 100.

1 heure et demie. Essaie de dormir sur une seule patte, mais il tombe sitôt qu'il referme les yeux.

Il n'avait pas encore repris toute sa vivacité à 6 heures du soir; le lendemain ses allures étaient les mêmes qu'avant l'opération.

3me EXPERIENCE. -Sur un pigeon måle adulte, plus fort que le précédent, nous faisons une injection de 25 centigrammes d'hydrate.

Les phénomènes furent absolument semblables à ceux de l'expérience ci-dessus; seulement le narcotisme fut plus prononcé et il y eut sept ou huit fois des vomissements. Nous avons recherché sur chacun de ces pigeons l'odeur de chloroforme dans l'air expiré, mais nous n'avons rien découvert. Nous avons été d'autant plus étonné de ne pas obtenir dans ces deux cas des effets plus marqués, que Richardson indique la dose de 1 1/2 à 2 1/2 grains (10 à 16 centigrammes) comme suffisante pour provoquer chez les pigeons un narcotisme complet.

4me EXPÉRIENCE.

Nous injectons sous la peau du dos, à un cabiai mâle adulte, 12 centigrammes de chloral hydraté. L'animal, observé durant plus de deux heures, ne nous offre aucun changement dans son étal.

5me EXPÉRIENCE. Deux jours plus tard, nous faisons au même animal une injection de 25 centigrammes sous la peau de la poitrine. Il demeure, en apparence, aussi indemne que la première fois.

6me EXPÉRIENCE. Deux jours après cette seconde expérience, nous soumettons ce petit cabiai à une troisième épreuve; nous lui injectons dans l'intestin, à 3 heures 50 minutes, 50 centigrammes d'hydrate dissous dans 15 grammes d'eau.

Au bout de 5 minutes, l'animal ne marche plus qu'en trainant les membres postérieurs.

10 minutes. Sauf 58 respirations par minute, on le croi

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