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Quant aux arguties théoriques, je suis décidé à les laisser passer sans réponse, ne voulant perdre ni mon temps ni ma rhétorique.

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M. Boëns : Je ne sais pas trop quelle distinction M. Burggraeve a voulu faire tout à l'heure entre la discussion théorique et la discussion pratique. L'application et la théorie, dans toutes les sciences, s'enchainent et s'éclairent mutuellement. Ce que je vais vous dire est tout à la fois pratique et théorique; si l'on désire que j'apporte des observations à l'appui des principes que je professe, je le ferai quand on le voudra.

Il y a longtemps que j'ai employé le plomb dans le pansement des plaies. Je ne dis pas cela pour revendiquer la priorité de ce moyen. Je ne tiens pas à revendiquer la moindre. priorité en quoi que ce soit, bien moins encore pour une idée que j'ai rejetée, pour une opinion que je ne partage pas. J'ai employé le plomb; je n'ai pas à en dire beaucoup de mal, mais j'arrive aujourd'hui à des résultats tout aussi avanta geux que ceux que M. Burggraeve vient d'exposer par un mode de pansement qui n'offre pas les inconvénients du plomb laminé.

Ainsi, le plomb n'est pas aussi malléable que M. Burggraeve veut bien le dire. Il est inextensible: quand il est très-mince, il s'applique facilement, mais il se déchire aussi très-facilement; s'il est un peu épais, il s'applique difficilement sur les parties blessées. De plus, il est imperméable, les produits liquides de la suppuration ne l'imprègnent et ne le traversent pas; ils séjournent entre les tissus et les pièces de pansement. Enfin, par suite de sa rigidité, de son défaut d'élasticité, lorsque les plaies on les moignons viennent à se tuméfier par le travail inflammatoire, les lamelles de plomb coupent et déchirent ces tissus.

J'ai donc renoncé au plomb.

Depuis que M. Burggraeve a préconisé ce mode de pansement, j'ai voulu l'essayer de nouveau et je lui ai reconnu les mêmes inconvénients.

J'ai donc substitué au pansement par le plomb un autre moyen très-simple.

Quant au pansement, les plaies en général peuvent être divisées en deux catégories: les plaies externes, celles qui intéressent des tissus qui doivent être continuellement en contact avec l'air; et les plaies internes qui ont exclusivement rapport à des organes, viscères, ou tissus qui doivent être tenus à l'abri du contact de cet agent.

Je ne parlerai pas des plaies sous-cutanées ou internes; c'est un chapitre que M. Guérin a traité avec beaucoup de méthode et qui est en dehors de notre sujet. Je me bornerai à dire un mot des plaies externes, sous le rapport de leur pansement.

Pour celles-ci, la première indication que le chirurgien doit s'attacher à remplir, comme vient de le dire très-bien M. Burggraeve, c'est l'immobilisation des fragments. Que ces plaies soient accidentelles ou chirurgicales, qu'elles proviennent de brûlures ou d'armes à feu, qu'elles soient produites par des chutes ou des instruments quelconques, peu importe, la première chose à faire, c'est d'immobiliser au plus tôt toutes les parties lésées après les avoir réunies et juxtaposées selon les règles de l'art.

A propos de cette immobilisation, je ne ferai qu'une simple remarque, c'est que dans les trois ou quatre premiers jours de l'accident, il faut qu'elle soit complète et absolue. Mais au bout de ce temps, quand le sang s'est coagulé, quand le sérum modifié qu'on appelle lymphe plastique, s'est interposé entre les tissus, on n'a plus autant à craindre

que les fragments osseux ou tendineux se déplacent sous l'influence des pansements faits avec circonspection. De sorte que je n'ai jamais vu une blessure, si compliquée. qu'elle fut, qui ne me permit pas de renouveler entièremeut tous les pièces de pansement au bout des quelques jours durant lesquels j'avais eu soin de maintenir l'immobilisation d'une manière complète et absolue.

Voici maintenant le mode de pansement que j'emploie à l'exclusion de tout autre pour les plaies externes de toute nature. J'applique autour des parties juxtaposées des bandelettes agglutinatives de Bavière, rien de plus. Les compresses de linge ou d'ouate me servent pour entretenir une douce chaleur autour des plaies et amortir les chocs qui pourraient survenir durant la guérison ou la convalescence.

Au bout de quelques jours, j'enlève ces bandelettes et je les renouvelle ainsi aussi fréquemment que possible.

En un mot, dans toutes les plaies externes indistinctement, avec ou sans fragments osseux, je m'en tiens exclusivement aux moyens suivants :

Application de bandelettes d'emplâtre agglutinatif de Bavière (jamais de diachylon); au bout de trois ou quatre jours renouvellements très-fréquents des bandelettes; lavages prolongés avec de l'eau pure, tiède en hiver, froide en été; exposition assez longue des plaies au contact de l'air à chaque pansement.

Ce procédé me donne des résultats plus avantageux que l'emploi du plomb laminé, et me dispense d'avoir recours aux corps gras, à la charpie et aux liquides irritants que j'ai peu près complètement bannis de ma pratique.

5. DISCUSSION du rapport de la Commission à laquelle a ėlė soumis le travail de M, HENROZ, relatif à une épsdémie d'angine couenneuse observée dans la commune de Bihain, el de la communication de M. CAMBRELIN sur le traitement de l'angine couenneuse par la cautérisation (1).

M. Crocq : Messieurs, j'ai demandé la parole pour combattre les hérésies médicales qui sont contenues dans le travail de M. Cambrelin sur le traitement de l'angine couen neuse.

Ce travail a été reproduit par plusieurs journaux de médecine. Il a donc pu exercer sur l'esprit du public médical une certaine influence, et je ne puis le laisser passer sans démontrer combien les principes qu'il tend à faire prévaloir sont erronés et peuvent devenir nuisibles.

Pour le dire en un mot, M. Cambrelin veut faire repousser du traitement de l'angine couenneuse la cautérisation. Je prétends démontrer au contraire que la plupart du temps cette cautérisation est nécessaire et qu'elle sauve les malades lorsqu'elle est bien pratiquée et appliquée à temps.

Jetons un coup d'œil sur les arguments produits par M. Cambrelin à l'appui de sa manière de voir. Je remarque tout d'abord que ces arguments sont purement théoriques, que la pratique n'y est pour rien. Beaucoup d'affirmations, pas de faits voilà ce que j'ai rencontré dans le mémoire de notre collègue. Il s'est basé pour faire son travail, sur un mémoire publié auparavant par M. Bricheteau, lequel a blámé l'emploi de la cautérisation et a prétendu en démontrer l'inutilité. Or, je n'aurais aucune difficulté, je pense, à démontrer que les arguments produits par M. Bricheteau pour combattre. cette pratique ne sont absolument d'aucune valeur.

Le premier de ces arguments, c'est que les fausses mem(1) Voir Bulletin, 3e série, t. I, p. 49 et t. II, p. 552.

branes ne sont pas détruites par les caustiques; M. Cambrelin et Bricheteau disent que les agents chimiques mis en contact avec les fausses membranes pour les détruire, sont généralement sans action, et ils ont raison. M. Brichetean n'a obtenu aucun effet dissolvant des nombreux agents employés dans ce but, à l'exception de l'acide lactique et de l'eau de chaux.

Voilà donc un argument: les fausses membranes ne sont pas détruites par les caustiques; donc les caustiques sont inutiles dans le traitement de l'angine couenneuse; et de . prime abord, il parait convaincant.

Eh bien, il n'en est rien.

Quand nous cautérisons dans le traitement de l'angine couenneuse, pensez-vous que c'est pour détruire la fausse membrane, pour atteindre un but désavoué par nos connaissances chimiques? Pas le moins du moude. Notre but est non de détruire la fausse membrane, mais de modifier la membrane muqueuse qui donne naissance au produit pseudomembraneux.

La fausse membrane est un produit, rien de plus, et nous n'avons à nous occuper d'elle que pour constater le caractère de la maladie.

D'où vient la fausse membrane? D'une inflamination de la membrane muqueuse sous-jacente. S'il suffisait de la destruction de fausses membranes pour amener la guérison, je proposerais un moyen bien simple qui reussit dans presque tous les cas, lorsque le praticien veut se donner la peine de l'appliquer vous n'avez qu'à les enlever au moyen d'une pince. Il m'est souvent arrivé de les faire disparaitre ainsi, lorsqu'elles siégeaient sur les amygdales; il n'en restait plus rien. Mais jamais un malade n'a été guéri par ce moyen. Quand vous enlevez la fausse membrane le matin, le soir

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