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des douleurs lombaires qui durent déjà depuis longtemps; tolérables au début, elles ont suivi une marche progressive et, depuis trois mois surtout, elles se sont considérablement accrues. Il y a en outre douleur à la région dorsale, céphalagie, anorexie, soif vive. Les selles sont régulières, seulement un peu plus liquides et plus jaunâtres qu'à l'ordinaire. La menstruation n'a subi aucune modification.

Douze jours après, elle est saisie d'un délire presque continuel; elle descend de sa chambre sans vêtements. Douze sangsues sont appliquées aux apophyses mastoides. La perte du sang est abondante, et le lendemain, on constate une amélioration générale et le retour de l'intelligence. La malade n'accuse aucune sensation insolite dans les extrémités.

C'est alors, dans cet état grave, et à l'insu du médecin, qu'on l'a portée à l'hòpital St.-Pierre, où elle mourut 3 heures après son arrivée.

Nécropsie. Cerveau. La dure-mère est épaissie; en l'incisant il s'écoule une quantité notable de sérosité un peu rosée, les vaisseaux superficiels sont gorgés de sang, surtout le système veineux. Il y a au sommet des traces manifestes de méningite aiguë, ainsi que les symptômes l'avaient, du reste, fait diagnostiquer au médecin traitant.

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Cœur normal.

Poumons. Ils renferment un grand nombre de tubercules crus, surtout au sommet du poumon gauche. Nous n'avons trouvé aucun point ramolli. La base des deux poumons est congestionnée.

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Cavité abdominale. La muqueuse de l'estomac est légèrement congestionnée vers le grand cul-de-sac. La muqueuse intestinale est à peu près normale à l'origine de l'intestin grêle; vers le cœcum elle est hyperémiée et les plaques de Peyer, très-apparentes, sont hypertrophiées. Dans legros intestin rien d'anormal.

Foie. A la face antérieure se trouve un petit tubercule blanc analogue à ceux que nous avons trouvés dans le péritoine. En général, l'organe n'a subi aucune altération.

Au niveau de l'ombilic on trouve une poche du volume du poing, oblongue transversalement, développée aux dépens du grand épiploon qui a presque complétement disparu. La membrane d'enveloppe, très-mince et très-peu résistante est noirâtre; le contenu assez mou, d'un gris noir, mélangé de blanc et d'un aspect micacé, est divisé en corps de diverses di

mensions, depuis la grosseur d'un pois jusqu'à celle d'un œuf de pigeon. Ces corps sont entassés les uns sur les autres sans adhérence entre eux, et circonscrits par une membrane très-mince, homogène et sans structure. - Si l'on promène cette substance entre les doigts en y exerçant une légère pression, on s'aperçoit qu'elle est finement granuleuse.

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Examinée au microscope on la trouve formée de cristaux de cholestérine réunis par une matière visqueuse.

Les viscères abdominaux présentent des traces d'une ancienne péritonite; ils sont unis les uns aux autres, et, dans certaines régions, ils adhèrent aux parois abdominales. Le péritoine renferme un grand nombre de petits tubercules blancs arrondis et très-durs. Ils sont surtout nombreux dans le mésentère.

Le volume et l'aspect de l'utérus sont normaux. L'ovaire droit est sain; l'ovaire gauche est considérablement hypertrophié ; il a 7 centimètres de longueur sur 3 de largueur; il est circonscrit par une membrane noire, assez épaisse; en l'incisant on y trouve un pus jaunâtre d'une consistance butyreuse. Le col utérin est hyperémié.

Académie royale de médecine de Belgique,

Séance du 30 avril 1859. Président: M. FALLOT. Secrétaire: M. SAUVEUR.

L'Académie a reçu de M. le ministre de l'intérieur :

1o Une dépêche en date du 28 avril courant, par laquelle il l'informe que M. le ministre de la justice lui a exprimé le désir d'obtenir, le plus tôt possible, l'avis qu'il a demandé à la compagnie sur la récidive de l'ophthalmie dite militaire ;

2o L'autorisation de pouvoir insérer dans son bulletin et examiner en comité général le rapport que ses commissaires lui ont fait sur les questions que M. le ministre de la guerre lui a posées, au sujet du diagnostic de la morve chez le cheval.

L'Académie apprend la mort de M. le docteur Bégin, l'un de ses membres honoraires, décédé le 13 avril courant, à la suite d'une hémorrhagie cérébrale dont il a été atteint le 15 janvier dernier. M. Bégin était âgé de 66 ans.

MM. les docteurs Casper, Dieudonné,

Henle et Spring, remercient la compagnie de les avoir élevés à l'honorariat.

M. le docteur P.-F. von Siebold, membre honoraire de l'Académie, l'informe qu'il est à la veille d'entreprendre un second voyage au Japon, dans le but principal de se livrer à de nouvelles recherches scientifiques pour compléter l'ouvrage qu'il publie sur ce pays. Reconnaissant du témoignage de considération que la compagnie lui a donné en l'admettant au nombre de ses membres, il lui offre ses services et se recommande à son bienveillant souvenir.

En exprimant à l'Académie le désir d'être associé à ses travaux avec le titre de membre correspondant, M. le docteur Boëns, de Charleroi, lui envoie deux communications manuscrites, l'une sur les obstacles au cours des matières intestinales, et l'autre sur la nature et le traitement du croup. Le bureau a renvoyé ces travaux à l'examen de la deuxième section.

M. le docteur Metzig, de Lissa, a également transmis une note manuscrite sur

l'ophthalmie militaire. - Cette pièce restera déposée sur le bureau pendant la discussion ouverte sur les questions que soulève la maladie dont elle est l'objet.

M. Michaux présente un mémoire sur l'amputation tibio-tarsienne et sur le parallèle de cette amputation avec l'amputation sus-malléolaire et l'amputation de la jambe au lieu dit d'élection. Après avoir donné lecture d'un résumé de ce travail il présente quatre hommes qu'il a opérés. Deux de ces individus auxquels l'amputation a été faite dans l'articulation portent une bottine qui masque leur infirmité et qui leur permet de marcher avec une grande aisance.

Rapport de la commission chargée de la question que le gouvernement a posée à l'Académie au sujet de la récidive de l'ophthalmie dite militaire.-Propositions de M. Vleminckx relatives à cette question.

Après avoir fait donner lecture de la dépêche de M. le ministre de l'intérieur qui sollicite une prompte réponse à la question que M. le ministre de la justice a présentée à l'Académic pour avoir son avis sur la récidive de l'ophthalmic militaire, M. le président expose, au nom du bureau, que si la compagnie jugeait qu'elle est suffisamment éclairée pour aborder l'examen des conclusions du rapport qui est soumis à ses délibérations, et qui, dans l'esprit de ses auteurs, doivent servir de réponse à la demande de M. le ministre de

la justice, il lui proposerait d'examiner immédiatement ces conclusions, sauf à reprendre ensuite la discussion qui s'est établie sur les propositions formulées par M. Vleminckx.

M. Graux appuie cette manière de voir et en fait l'objet d'une proposition sur laquelle il demande un vote de l'assemblée.

M. Vleminckx s'oppose à cette proposition, mais aucun autre membre ne réclamant la parole pour la combattre, M. le président déclare qu'il la met aux voix par appel nominal. Des 19 membres présents, 10 votent pour son adoption et 9 la rejet

tent.

Ont voté pour : MM. de Meyer, Fallot, Fossion, Gaudy, Graux, Martens, Marinus, Seutin, Van Coetsem et Bosch ;

Ont voté contre: MM. Boulvin, Craninx, Delwart, Hubert, Lequime, Michaux, Verheyen, Vleminckx et Rieken.

Après cette délibération, M. Vleminckx demande que les divers amendements proposés sur les conclusions du rapport en discussion soient renvoyés à l'examen des commissaires qui les ont formulées ou à une commission nouvelle.

(M. de Meyer prend place au fauteuil de la présidence.)

MM. Fallot, Seutin et Vleminckx échangent, au sujet de cette proposition, des considérations à la suite desquelles elle est mise aux voix par l'appel nominal demandé par M. Vleminckx, 13 membres l'adoptent et 10 la rejettent.

Ont voté pour :

MM. Boulvin, Burggraeve, Craninx, Delwart, de Meyer, Hensmans, Hubert, Lequime, Mascart, Michaux, Verheyen, Vleminckx et Rieken.

Ont voté contre :

MM. Fallot, Fossion, Gaudy, Graux, Marinus, Martens, Sauveur, Seutin, Van Coetsem et Bosch.

En conséquence de ce vote, l'assemblée, consultée par M. le président, décide que les membres de la commission seront nommés par le bureau; ils devront faire leur rapport d'urgence.

M. le président propose ensuite à la compagnie de passer au second objet inserit à l'ordre du jour des travaux de la séance,

Cette proposition, à laquelle M. Vleminckx objecte que rien ne s'oppose à la reprise immédiate de la discussion scientifique ouverte sur l'opththalmie militaire, soulève un débat dans lequel ce membre et MM. Thiry, Graux, Fallot et Seutin sont entendus.

La motion de M. Vleminckx ayant été mise aux voix et résolue affirmativement,

M. le président accorde successivement la parole à MM. Thiry, Vleminckx, Crocq et Seutin, après avoir préalablement déclaré que M. Tallois, inscrit pour la discussion, mais absent pour cause d'indisposition, sera admis à parler dans la prochaine

séance.

M. Graux ayant alors demandé que l'examen du rapport de la commission chargée de l'examen des amendements ait la priorité sur toute autre discussion, MM. Fallot et Verheyen combattent cette motion qui n'est pas appuyée.

La demande de clôture de la discussion, faite par le même membre, n'ayant pas non plus été appuyée, l'assemblée ajourne la suite des débats à sa séance prochaine.

Académie de Médecine de Paris.

Séance du 4 janvier 1859.

DISCUSSION SUR LA TRACHÉOTOMIE. M. MALGAIGNE esquisse d'abord rapidement les phases successives qu'a traversées la discussion depuis son origine; il rappelle particulièrement les opinions qu'il y a soutenues lui-même.

Il déclare qu'il n'attaquait que les abus en matière de trachéotomie; mais qu'il est bien éloigné de la rejeter toujours. Il passe ensuite à un nouvel examen de la statistique de MM. Roger et Sée.

Comment se fait-il, dit-il, que cette statistique ait été modifiée par ses auteurs memes dans le courant de la discussion? Puis, quelle importance est-il permis d'attacher à ce qui a rapport, dans cette statistique, à la deuxième période du croup? Le total des opérations est de 466, et pour juger l'opération faite dans la deuxième periode, on fait choix d'une série de 39 cas! La statistique générale est-elle entourée de garanties plus sérieuses?

Elle repose, disent MM. Roger et Sée, sur trois documents qui se contrôlent. C'est-à-dire que, d'après les registres de l'administration, il y aurait eu 475 opérations; que M. Guersant n'en enregistre que 466, et que les thèses des anciens internes de l'hôpital n'en comptent que 460. Pour éviter les extrêmes, disent MM. Roger et Sée, on a choisi la liste de M. Guersant qui donne à peu près la moyenne. Cela n'est pas sérieux, et ce n'est pas ainsi qu'on fait des statistiques dont on proclame hardiment l'exactitude.

Quant aux guérisons, les chiffres administratifs ne peuvent nous en donner l'in

dication exacte; ils ne comptent que les sorties, et parmi les enfants qui ont quitté l'hôpital, il en est bon nombre qui sont morts chez eux. Restaient donc les indications de M. Guersant qui compte 126 guérisons, et celles des anciens internes qui n'en donnent pas 120. MM. Roger et Sée préfèrent les chiffres de MM. Guersant et comptent ainsi 27 p. 7% de guérisons; la seconde source n'en donnerait que 24 à 25 p. %. La contradiction est flagrante, et pour la lever tout ce travail est à refaire.

Mais en admettant même la proportion de 24 p. %, cela suffit-il pour invalider la statistique de M. Bonchut? Et d'abord cette statistique, injustement attaquée par M. Bouvier, est parfaitement exacte dans son résultat définitif. Les déclarations publiques des médecins auxquels elle est empruntée l'établissent suffisamment. Les seules erreurs qui aient été commises sont du côté de M. Bouvier, qui attribue à M. Nélaton 36 opérations au lieu de 35, et 33 morts au lieu de 32, et qui rapporte tout à fait gratuitement les derniers succès de M. Nélaton à des perfectionnements du procédé opératoire. C'est ce qui ressort des communications que m'a faites M. Nélaton lui-même.

M. Trousseau, de son côté, a cité des chiffres fort avantageux à la trachéotomie. Mais à supposer même qu'ils soient exacts, ils ne pourraient en rien annuler ceux de M. Bouchut. J'en conclus seulement qu'il s'agit, dans la statistique de M. Trousseau, de séries heureuses.

J'ai déjà relevé tout ce qu'il y a d'étrange à voir une opération telle que la trachéotomie réussir plus souvent à son hôpital qu'en ville et même à la campagne, et vous savez que pour l'opération césarienne, par exemple, c'est bien le contraire. Conclure de là, comme le font MM. Roger et Sée, qu'il vaudrait mieux, pour un enfant, de subir l'opération à l'Enfant-Jésus qu'en ville, c'est une absurdité contre laquelle je ne puis protester assez haut.

M. Bouvier, en faisant l'histoire de la trachéotomie, en la divisant en trois périodes arbitraires et sans aucune base sérieuse, croyait trouver dans cette division la clef de ce problème difficile: pour lui, les changements introduits dans le manuel opératoire et dans les soins consécutifs expliquaient suffisamment une différence aussi surprenante.

Je déclare, moi, qu'il n'en est rien, et je le prouverai en faisant voir que la plupart des innovations sont antérieures à la troisième période de M. Bouvier.

M. Trousseau veut que l'opération soit

faite lentement; mais la grande, l'immense majorité des chirurgiens ne la faisaient jamais autrement; qu'il nous rende au moins cette justice; opérer lentement, c'est opérer chirurgicalement.

Il faut que le calibre de la canule soit supérieur à celui de la glotte; mais ce précepte date de M. Bretonneau, et M. Trousseau l'a vulgarisé dès le début de la deuxième période. Il en est de même de la canule double; la plupart des chirurgiens l'ont employée avant M. Trousseau.

M. TROUSSEAU. C'est une erreur formelle; après M. Bretonneau, j'ai été le premier à la mettre en usage.

M. MALGAIGNE. Je le veux bien, puisque cela nous reporte encore à la seconde période; et pourtant vous conveniez du contraire, en 1834, dans le Journal de chirurgie, et ensuite dans l'ouvrage de MM. Barthez et Rilliet.

Je ne dis rien de la rondelle en taffetas ciré, destinée à protéger la plaie; mais je déclare que la cautérisation répétée de la plaie avec le nitrate d'argent est à la fois dérisoire et déraisonnable. Elle est inutile quand le croup est localisé, impuissante quand la diphthérite est généralisée, et toujours contraire à tout ce que nous enseigne la chirurgie.

M. Trousseau rejette aujourd'hui l'écouvillon; je le proclame indispensable dans les cas où de fausses membranes s'arrêtent dans la trachée. Il faut qu'il y ait là une erreur de M. Trousseau. Et quant à la cautérisation, elle est tout aussi indiquée quand la trachée est envahie par les fausses membranes que l'est la même opération appliquée au pharynx dans l'angine couenneuse. Je ne comprends pas que M. Trousseau la proscrive. En 1843, à la suite de vingt expériences malheureuses, il proclamait que c'est une pratique effroyable que de la négliger.

M. TROUSSEAU. J'ai changé d'opinion, instruit comme je l'ai été par l'expérience, et depuis 1845 je n'ai plus cautérisé la trachée une seule fois.

M. MALGAIGNE. Comment accordez-vous ces fruits de votre expérience avec ceux que je rappelais tout à l'heure? Et ne vous souvient-il pas d'une série favorable de 45 cas que vous avez due à la cautérisation? Comment se fait-il enfin qu'en 1850 encore vous ayez employé le crayon de nitrate d'argent pour cautériser la trachée?

M. TROUSSEAU. Je ne l'ai jamais fait. M. MALGAIGNE. Je me rends à cette dénégation, et je renvoie l'erreur à M. Letixerant, dans la thèse duquel je l'ai prise.

J'arrive à la cravale qui n'est qu'une modification de l'éponge humide employée depuis longtemps par Gerdy; moi-même je me servais toujours d'une plaque de flanelle. L'importance de l'alimentation et des toniques enfin était proclamée dès 1854 par M. Trousseau.

Voici enfin que M. Trousseau fait du croup une affection toute chirurgicale et rejette tout traitement médical antérieur à la trachéotomie. Je lui en sais gré: ne serait-ce pas là ce qui nous permettra de comprendre les succès de l'hôpital des Enfants? Cela revient en effet à opérer avant que la trachéotomie ne soit indiquée.

MM. Roger et Sée affirment, il est vrai, que, dans toutes les trachéotomies faites à l'hôpital des Enfants, en 1850 et 1854, il y avait commencement et non-seulement menace d'asphyxie, mais il fallait qu'ils fussent bien aveuglés pour ne pas voir qu'ils se mettaient ainsi en contradiction formelle avec la thèse même de M. Letixerant, qu'ils invoquaient. Je dois dire d'ailleurs que ce passage n'exprime pas l'opinion de M. Sée, qui m'a fait cette concession dans les conversations que j'ai cues avec lui il y a quelque temps, et qui se résignait ainsi à subordonner sa manière de voir à celle de M. Roger.

M. BARTH. Je demande la parole.

M. MALGAIGNE. M. Sée convient que, parmi 16 trachéotomies consignées dans la thèse de M. Letixerant, il en est peut-être 6 qui n'étaient pas indiquées; que des cas semblables se trouvent dans la thèse de M. Millard. Je ne parle pas des erreurs de diagnostic; il y en a pour le moins deux dans la thèse de M. Millard.

J'arrive à une autre question. M. Bouvier vous a dit que chefs et internes de l'hôpital des Enfants, tous sont solidaires et se présentent comme un seul homme;. cela n'est peut-être pas tout à fait exact. Pour le démontrer, il faut que je refasse l'histoire de la trachéotomie.

Avant 1849, tous les succès appartenaient à M. Trousseau; les chirurgiens en ville n'en avaient pas, et les médecins de l'hôpital des Enfants n'étaient pas plus heureux. Il y a d'ailleurs, dans la pratique même de M. Trousseau, deux périodes, l'une de revers nombreux (M. Trousseau n'opérait alors que dans la période ultime du croup); l'autre de succès brillants (9 sur 10, en 1855). Eh bien! dans ces deux périodes, les procédés de M. Trousseau n'avaient guère changé, et quand il arrivait à l'hôpital des Enfants, en 1849, c'étaient toujours les même procédés, et M. Trous

seau n'y apportait qu'un principe nouveau. Ce principe, c'était d'opérer aussitôt le croup constaté. Il ne fut pas adopté sans résistance, mais il finit par l'être, par un succès surprenant obtenu dans un cas, dit M. Letixerant, où l'opération fut faite à une période où l'on n'obtiendrait jamais le consentement de la famille en ville. Voilà la raison des succès récents à l'hôpital des Enfants. A l'hôpital, on est libre... Les internes embrassèrent alors les principes de M. Trousseau, qui leur fit accorder vingt-deux heures par jour pour les appliquer.

Si maintenant le nombre des guérisons diminue un peu à l'hôpital des Enfants, en 1852, c'est que M. Trousseau quitte cet bôpital à cette époque, etque son influence y subit quelques atteintes. Elle se maintint pourtant assez pour que M. Guersant n'ait pu empêcher ses internes d'opérer à une période où il n'opère jamais lui-même : c'est ce qui fait que M. Guersant est moins heureux que ses internes.

Lisez les thèses de MM. Bataille (1855), André (1857), Millard (1858), et vous y trouverez la tradition assez bien conservée; aussi M. André guérit-il 6 opérés sur 7; aussi sur les 7 enfants envoyés à l'hôpital par M. Lefebvre, vierges de tout traitement, et opérés immédiatement, y en a-t-il 5 qui sont sauvés.

En même temps on changeait, à l'hôpital des Enfants, l'ancienne division des périodes du croup; je ne sais trop pourquoi, car M. Bouvier, qui nous a informés de cette innovation, ne nous en a jamais fait connaitre les raisons, et il faut dire que cette idée appartient peut-être plutôt à ses internes qu'à lui même.

M. BOUVIER. Je demande la parole.

M. MALGAIGNE. En rédigeant la charte des indications de la trachéotomie, les sept internes, comme les sept sages, claraient qu'il n'en peut être jamais question dans la première période, et j'applaudis à cet article qui clôt le règne de M. Trousseau à cet hôpital. Je n'en dirai pas autant de cet autre précepte de ne pas opérer les enfants âgés de moins de 2 ans ou atteints de diphtherite généralisée; on obtient encore quelques guérisons dans ces eirconstances, et vous n'avez pas le droit dès lors de vous abstenir systématique

ment.

M. Trousseau nous dit, d'un autre côté, que l'hôpital Sainte-Eugénie a eu sa part des bienfaits de la troisième période. Cela est pour le moins inexact, s'il s'agit de l'année 1858, car, sur 116 trachéotomies, il n'y a eu que 19 guérisons. D'où vient la

différence? La question a été mise de côté par un chef de service de l'hôpital des Enfants quand M. Barthez l'a soulevéc; mais vous remarquerez au moins que M. Bouvier l'attribuait à ce que M. Barthez opérerait des enfants qui seraient pour ainsi dire condamnés à mourir, et que M. Barthez s'étonnait du nombre des enfants qui meurent à l'Enfant-Jésus sans être opérés. Qu'en conclure, si ce n'est que, dans cet hôpital, on opère trop tôt, et que l'on y choisit les cas favorables? Je le répète : Caveant consules!

Quelques mots encore sur le tubage, dont M. Trousseau a parlé dans son rapport, si digne d'ailleurs, avec un esprit amer et hostile qui m'afflige. Les expériences de M. Trousseau n'ont pas, d'après les pièces que j'ai vues, démontré que le tubage produit des ulcérations du larynx en quarante-huit heures, ainsi que cela est dit dans le Bulletin. Mais, quoi qu'il en soit, si la trachéotomie a été un grand bienfait pour l'humanité, celui qui l'en délivrerait ne lui rendrait-il pas un service plus éclatant encore? Ne faut-il pas encourager ceux qui tendent à réaliser ce progrès? Le tubage, sans doute, ne sera pas applicable quand le larynx reste oblitéré pendant des semaines entières; mais il suffirait parfois de vingt-quatre, de quarante-huit heures, pour venir en aide à la nature trop faible, et les autopsies de M. Bouchut ont prouvé que le larynx humain peut supposer la présence de la canule dans la glotte pendant quarante-huit heures sans accidents graves.

Reste encore la question de la gravité de la trachéotomie. La statistique que M. Trousseau emprunte à un médecin allemand donne 1 guérison sur 4 dans les cas de corps étrangers. Cela équivaut à l'amputation de l'avant-bras ou de la taille avant 50 ans. Quant aux plaies des suicides, je rappelerai seulement que, d'après Dieffenbach, sur 7 suicides qui s'étaient ouvert la trachée, 7 ont succombé, et que 5 sur 19 sont morts de plaies tout à fait superficielles. On dit bien que la trachéotomie est une opération fort simple, parce qu'elle n'intéresse que la peau et une cavité muqueuse. Mais n'en est-il pas à peu près de même pour la taille? La trachéotomie, c'est la taille des poumons, et quand on opère sur des organes déjà enflammés, la gravité de la plaie augmente dans une proportion effrayante.

M. Malgaigne termine en disant qu'en combattant les conclusions prématurées du rapport de M. Trousseau, il n'avait d'autre client à défendre que la dignité de

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