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raideurs se manifestent, laissant toujours une heure et demie d'intervalle entre chaque cuillerée. Quand la quantité de sirop prise par l'enfant est suffisante pour produire des raideurs, celles-ci se montrent dix minutes, un quart d'heure, au plus tard une demi-heure après la dernière cuillerée de sirop. On voit donc que, par cette précaution de laisser un intervalle d'une heure et demie entre chaque cuillerée de sirop, on se, met à l'abri contre tout accident. Si ce médicament n'a produit aucun effet au bout d'une demi-heure, c'est que la dose n'était pas suffisante, et on peut sans crainte administrer une nouvelle cuillerée ; mais on doit s'arrêter dès que l'enfant a ressenti quelques raideurs, ou même de faibles engourdissements; alors on interrompt l'usage du sirop pendant le reste de la journée, pour le reprendre le lendemain. On ne peut prévoir la quantité de sirop nécessaire pour produire des raideurs; le médecin ne peut pas déterminer la dose; il ne peut prescrire à l'avance le nombre des cuillerées ; il ne peut qu'insister sur les précautions à prendre. Nous avons vu des différences considérables non-seulement entre des enfants de même âge, mais chez. le même enfant; ainsi, celui qui un jour a de fortes raideurs avec quatre cuillerées n'en aura peut-être pas avec dix le lendemain; d'autres fois il faudra plusieurs jours de suite donner des doses considérables, ainsi aller jusqu'à quatorze cuillerées de sirop, c'est-à-dire 7 centigrammes de sulfate de strychnine avant de rien produire, tandis que, dans les jours suivants, trois ou quatre cuillerées suffiront.

Qu'on ne croie pas qu'il y ait là une accumulation d'action; nous avons vu des enfants, qui, dès le premier jour, avaient des raideurs avec deux ou trois cuillerées, et auxquels il a fallu en donner plus tard dix à douze. Ce n'est pas non plus un médicament auquel on s'habitue; non, c'est un médicament qui n'a pas autant de force aujourd'hui qu'il en a eu hier, ou qu'il en aura demain. Citons quelques exemples:

Un enfant de 11 ans prit :

Le 15 février, 12 cuillerées; pas de raideurs.

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Ces différences si considérables ne peuvent s'expliquer ni par la constitution des enfants, ni par les influences apportées par la chaleur, le froid, etc. Nous avons observé qu'elles existent en hiver comme en été, par le temps de pluie comme par le beau temps, quoique ce soit toujours le même sirop préparé avec beaucoup de soin par le pharmacien en chef de l'hôpital.

Il faut donner ce médicament à doses non pas nécessairement élevées, mais assez élevées pour produire des raideurs, et il faut y arriver dès les premiers jours, car la durée du traitement est plus grande quand les enfants n'ont pas eu de raideurs: la guérison s'obtient encore, mais plus lentement.

Quelques praticiens, à l'exemple de M. Forget, de Strasbourg, administrent la strychnine à plus faible dose; ils s'arrêtent, et renoncent même à ce moyen de traitement dès qu'ils voient survenir quelques crampes; nous pensons qu'ils se privent ainsi d'une grande ressource thérapeutique. Cependant, lorsque l'on ne peut compter suffisamment sur l'intelligence ou l'exactitude des personnes qui administrent le sirop, il est préférable de ne pas chercher à provoquer les raideurs, et de se contenter de doses plus faibles de strychnine; l'observation suivante prouve que l'on obtient encore de bons résultats.

100° OBS.-P... (Alexandrine), âgée de 18 ans, blanchisseuse, née à Paris, entre le 31 août 1854 à l'Hôtel-Dieu; elle est couchée au no 12 de la salle Saint-Roch, service de M. le professeur Requin. Elle est grande, bien développée, d'une bonne constitution, d'un tempérament lymphatico-nerveux; elle a été réglée pour la première fois à 12 ans, la menstruation s'est établie immédiatement avec régularité, sans fleurs blanches et sans douleurs abdominales. Il y a un an, elle a ressenti de la gastralgie avec pesanteur d'estomac, envies

de vomir, perte d'appétit, goûts bizarres, migraines, lipothymics, affaiblissement des forces, écoulement blanc; enfin, au mois de décembre 1852, hémoptysie, elle tousse encore, et elle a un peu d'oppression, elle monte les escaliers avec difficulté. On l'a traitée pour ces accidents par le vin de quinquina et des pilules ferrugineuses. Depuis deux mois, son caractère s'était modifié, elle avait des humeurs noires et était mélancolique. A la suite d'une vive altercation avec sa belle-mêre (son père est marié en seconde noces, ce qui contrarie beaucoup Alexandrine), elle est devenue choréique. La chorée occupe la main droite et la jambe droite, l'articulation des sons est difficile, les fonctions digestives s'exécutent assez bien, bruit de souffle dans les vaisseaux; les règles ont paru deux fois depuis l'invasion de la maladie; les mouvements irréguliers étaient exagérés pendant la période menstruelle. Au moment où nous l'examinons elle est sans cesse agitée, elle ne peut rester debout, fixe, elle peut se tenir à cloche-pied sur le pied gauche, mais non sur le droit. Elle ne peut rien saisir de la main droitè, qui est toujours en mouvement, et qu'elle ne peut maintenir un seul instant immobile, étendue. Il y a une analgésie remarquable du côté droit. On prescrit un centigramme de sulfate de strychnine en une pilule. Trois jours après, deux pilules; elle arrive ainsi à trois pilules par jour.

Le 5 septembre, amélioration considérable; la malade peut rester debout sur le pied droit presque aussi bien que sur le gauche; la main droite est encore agitée, elle peut cependant rester quelques instants immobile, elle peut saisir son verre et le porter à sa bouche, mais elle ne peut encore manger scule sa soupe; elle parle plus distinctement. Le 2 octobre, elle est complétement guérie; elle sort de l'hôpital.

Disons quelques mots de l'action physiologique de ce médicament.

Lorsque les enfants ont pris une quantité de sirop suffisante pour produire des raideurs, ils ressentent de légères douleurs dans le cou ; les muscles de cette région, ainsi que ceux des mâchoires se contractent convulsivement; le pharynx devient le siége d'une constriction pénible; les muscles du ventre sont plus raides, les jambes ne peuvent plus plicr; les articulations sont comme ankylosées. Les enfants ne peuvent monter ni descendre un escalier, ni même marcher; ils sont forcés de s'étendre où ils se trouvent, puis les secousses tétaniques se montrent coup sur coup. Elles semblent se modérer pour reparaître de nouveau avec plus de violence; les mâchoires sont serrées, la tête renversée en arrière; les membres thoraciques raidis ou tordus dans la pronation, les jambes étendues et raides. Si dans ce moment on vient à la chatouiller, à presser même légèrement les membres de la malade, si on la touche seulement du bout du doigt, si on lui passe la main à l'extrémité des cheveux sans les tirer, immédiatement un soubresaut convulsif et des secousses três-violentes apparaissent, et la malade pousse un cri de douleur.

Les muscles inspirateurs peuvent participer à ces raideurs; la respiration ne se fait que par secousses insuffisantes, et même les lèvres bleuissent, l'hématose devenant incomplète.

Mais tout cet effrayant tableau peut être réduit rapidement à des proportions beaucoup moindres par un moyen bien simple; il consiste à étendre le malade sur son lit au moment où les raideurs surviennent. Or ce sont les mouvements, tentés volontairement par le malade ou provoqués par le chatouillement ou le contact des corps étrangers pendant la convulsion, qui déterminent la douleur; le malade est donc soulagé dès qu'il ne fait plus aucun mouvement et dès qu'on le laisse parfaitement en repos.

L'intelligence, pendant le spasme, n'est nullement troublée, non plus que les organes des sens. L'enfant voit tous les objets qu'on lui montre, il les reconnait et les nomme; il entend toutes les questions qu'on lui adresse et y répond d'une façon très-nette; seulement il se produit, pour les organes des sens, le même phénomène que pour la peau, c'est-à-dire que pendant les raideurs un grand bruit ou même simplement la voix naturelle, l'impression d'une lumière un peu vive, causent aux enfants de grandes douleurs et une exaspération des secousses convulsives.

La strychnine ne cause aucun trouble des fonctions digestives; au contraire, elle agit par son amertume, elle augmente l'appétit et elle rend les garde-robes plus faciles; la digestion, devenue lente et laborieuse, se rétablit. On sait que dans la chorée on rencontre souvent le gonflement du ventre avec constipation, sans fièvre, ni amertume de la bouche, ni nausées. Or la strychnine est un moyen très-efficace pour combattre cet état de l'intestin; elle agit donc sur l'état général du malade qu'elle remet en de meilleures conditions et prépare ainsi indirectement la guérison.

On doit être prévenu d'un fait qui pourrait décourager les parents et même le médecin, c'est qu'au début du traitement l'agitation choréique augmente. Il ne faut pas s'en effrayer, la réaction survient promptement suivie d'amélioration ordinairement rapide.

La durée du traitement exige une moyenne de trente-quatre jours; c'est ce qui résulte d'un relevé de quarante-cinq cas où la strychnine a été employée avec succès et dont nous avons été témoin en 1852, à l'hôpital des Enfants.

Nous donnons plus loin un tableau comparatif des résultats obtenus par la strychnine, d'une part, et des bains sulfureux et de la gymnastique, d'autre part.

Nous rapportons ici seulement quatre observations, dont la dernière surtout montre l'efficacité de la strychnine d'une manière incontestable.

101 OBS. Catherine-Héloïse, âgée de 15 ans, entrée le 16 mars 1852, à l'hôpital des Enfants, pour y être traitée d'une chorée. Cette enfant est d'une bonne constitution, elle jouit habituellement d'une bonne santé, elle n'est pas réglée; elle n'a eu d'autres maladies que la rougcole et la scarlatine, il y a cinq ans ; ces maladies furent bénignes, et aucune complication ne vint troubler leur cours ou se montrer après leur évolution.

Au mois de décembre 1851, elle eut un peu de fièvre avec céphalalgie, anorexie, etc.; au bout de huit jours, tous les accidents avaient disparu, et l'enfant

avait pu reprendre ses habitudes. Au dire des parents, elle est d'un caractère assez difficile; elle se met facilement en colère, même sans motif, et pleure sans raison; l'intelligence est assez développée.

Il y a trois semaines, le 21 février 1852, s'étant absentée un instant de chez ses parents, elle éprouva une vive frayeur, rentra précipitamment, et le soir même, la main droite était agitée de mouvements désordonnés. On attendit vainement la guérison par la puissance de la nature; au bout de trois semaines, on la conduisit à l'hôpital.

Les mains sont extrêmement agitées, la main droite ne peut tenir aucun objet, et si l'on se fait presser la main par l'enfant, il lui est impossible de le faire d'une façon continue.

Les jambes sont très-agitées, la droite surtout; impossibilité de rester plusieurs secondes debout sur un seul pied. La tête est immobile, dirigée en bas et en avant. L'articulation des sons est difficile. Si l'enfant veut tirer la langue, elle ne peut la laisser fixe, dirigée en avant, et la fait sans cesse tourner à droite et à gauche ou rentrer dans la bouche. Aucun bruit anormal au cœur, léger bruit de souffle dans les vaisseaux; fonctions digestives non troublées. On la soumet immédiatement au sirop de strychnine. Quatre jours après, elle peut manger seule, la tête se redresse, la parole est compréhensible. L'amélioration continue; l'enfant est complétement guérie, et sort après un traitement de vingtdeux jours.

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102 OBS.-Chorée; récidive. - P... (Henri), âgé de 11 ans, a été choréique il y a un an; il fut traité par les antispasmodiques, et resta malade pendant huit mois; il n'a jamais eu de rhumatismes; il est d'une bonne constitution et jouit ordinairement d'une bonne santé; il n'y a rien au cœur ni dans les vais

seaux.

La chorée a reparu il y a un mois; ce sont les mains surtout qui sont agitées, il ne peut manger seul; les jambes n'ont rien.

Il est traité par le sirop de sulfate de strychnine; en un mois, du 22 septembre au 22 octobre, il est complétement guéri; ce qui est remarquable, c'est qu'il n'a jamais pris plus de 7 cuillerées de sirop pour avoir des raideurs; peut-être cette grande action de la strychnine a été pour beaucoup dans cette rapide guérison; ce qui nous le fait penser, c'est le peu d'action physiologique, suivi du peu d'action thérapeutique de la strychnine, pendant les mois de juillet et d'août.

103o OBS. G... (Alexandrine), âgée de 14 ans, entrée dans le service de M. Trousseau, le 7 janvier 1852. Cette jeune fille est d'un tempérament extrêmement lymphatique; elle porte les traces de l'affection scrofuleuse; des cicatrices au cou, à la poitrine, au niveau des ganglions, dénotent l'existence d'anciens abcès froids.

Le membre inférieur gauche présente les signes d'une luxation spontanée du fémur; saillie de la fesse en dehors et en bas, projection du grand trochanter en arrière, raccourcissement du membre de Om,15; pointe du pied tournée en

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