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alors dans le sein de la commission entre des membres du comité de salut public, Cambon vrai directeur général des finances, Pache maire de Paris, les principaux chefs des ministères de l'intérieur et de la guerre, et tous les hommes qui se mêlaient d'approvisionnemens, des conférences où l'on répandit les plus vives lumières sur les deux questions les plus graves du moment, sauver Paris de la famine, et assurer son approvisionnement qui jusqu'alors se faisait au jour le jour. Indépendamment de toutes les causes de disette que l'on connaît déjà, un abus, capable à lui seul de l'accroître d'une manière effrayante, se manifesta bientôt aux regards de la commission occupée nuit et jour à sonder les profondeurs de la plaie. Il y avait un tel désordre en matière de subsistances que des agens envoyés par les représentans du peuple à l'armée d'Italie, venaient frapper des réquisitions pour elle jusqu'aux portes de Paris; le même désordre régnait de tous côtés. A l'aspect de ce danger, Goujon conçut une idée qui était presqu'une idée de génie par sa hardiesse et l'importance prévue de ses résultats. Après une délibération où chacun apporta le tribut de ses connaissances positives, il proposa d'assigner à chaque département, à chaque armée un cercle d'approvisionnemens inviolable pour tous. Sans doute des erreurs étaient inévitables dans l'exécution de cette résolution, mais les immenses avantages d'une règle impérieuse devaient l'emporter de beaucoup sur les inconvéniens de quelques erreurs qui d'ailleurs étaient réparables. Le comité de salut public adopta cette pensée juste et féconde, et soumit tout le monde à des ordres revêtus du sceau de son irrésistible autorité.

Au milieu des difficultés d'une situation que l'on ne peut bien comprendre qu'après l'avoir vue chaque jour à la source même des événemens et au centre des affaires, le système de Cambon auquel on avait eu peu de confiance, tout en l'adoptant, produisait des résultats inespérés. Les

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assignats dont la valeur réelle était réduite à un quart de la valeur nominale, remontèrent au pair. Ce succès tenait en partie à la facilité avec laquelle se remplissaient l'emprunt volontaire et l'emprunt forcé. Un milliard d'assignats allait bientôt être retiré de la circulation. On conçoit comment cette assurance et les autres lois qui défendaient le trafic sur l'or et l'argent, relevaient le crédit du papier-monnaie dont l'emploi d'ailleurs n'exposait pas aux soupçons de fortune et d'aristocratie. Les banquiers, objets de la méfiance publique, avaient presque cessé les affaires; les scellés mis chez eux, levés ensuite pour qu'on pût procéder à l'examen sévère de leurs registres et de leur correspondance, les avaient frappés de terreur en même temps que l'abolition de la compagnie des Indes leur avait enlevé tout espoir de continuer quelques opérations financières.

La suppression du privilége de cette compagnie était inévitable; pour diminuer autant que possible les sévères conséquences de la mesure prévue, le baron de Batz s'entendit avec Julien de Toulouse, Delaunay d'Angers et Chabot. Les actionnaires convinrent de remettre cinq cent mille francs à des membres du comité des marchés, afin que lorsqu'il proposerait l'abolition de la compagnie, on lui laissa du moins la liberté de faire sa liquidation par elle-même. Delaunay, fidèle à exécuter l'infâme traité, présenta le décret de suppression avec toute l'adresse d'un homme de mauvaise foi; après avoir feint la plus grande sévérité contre les actionnaires, il finissait par proposer de leur abandonner le soin de leur liquidation. Fabre-d'Eglantine s'éleva aussitôt contre cette proposition qui ne tendait, suivant lui, qu'à éterniser la compagnie ; il voulait que le gouvernement se chargeât de cette longue opération dans laquelle tant de fraudes pouvaient être commises. Cambon, en se rangeant à l'avis de son collègue, se hâta de demander que l'état, en faisant la liquidation, ne restât pas tenu des dettes de la compagnie dans

le cas où ces dettes excéderaient son avoir. Ainsi amendé par Fabre et par Cambon, le décret fut adopté et renvoyé au comité pour la rédaction. Changeant alors de plan, les députés, gagnés par de Batz, prirent la résolution de corrompre Fabre, pour que le projet de décret renfermât des clauses favorables. Au prix de cent mille francs offerts et donnés par les corrupteurs, ce député vendit son silence. Sûrs désormais de lui, ses complices, après avoir fait signer aux députés irréprochables, membres du comité, le décret tel qu'il avait été voté, eurent l'audace de falsifier la minute par des additions qui en altéraient totalement le sens, et la remirent dans cet état à la commission de l'envoi des lois, qui fit promulguer le décret comme authentique. L'honnête et malheureux Bazire repoussa toute connivence dans cette affaire, mais trop bon pour consentir à causer, par une révélation, la mort de ses collègues, il se tut; plus tard, enveloppé dans la ruine de Chabot et des autres auteurs du faux reconnu, il paya de sa tête ce silence imprudent et coupable aux yeux du gouver

nement.

Pendant que quelques hommes se souillaient ainsi, des fanatiques cachés et d'autant plus écoutés qu'ils bravaient le martyre, s'efforçaient d'inspirer au nom de la religion l'horreur du présent, et ne cessaient d'exciter en secret les populations à s'armer contre le pouvoir dictatorial de la Convention. Un assez grand nombre de communes avait déjà élevé des plaintes sévères contre les prêtres réfractaires, même contre ceux qui avaient prêté le serment, et dont plusieurs donnaient de justes alarmes à la révolution. Cependant,soit par prudence, soit parce qu'ils n'avaient pas de craintes sérieuses à cet égard, les Montagnards, d'ailleurs très éloignés des doctrines de l'athéisme, gardaient un profond silence sur ces plaintes on eût dit qu'ils tremblaient de remuer de nouveau les questions religieuses. Mais Chaumette, emporté par le mouvement révolution

naire et incapable de modérer l'essor de ses opinions imprudentes, en considérant l'état des esprits, le défaut d'instruction des masses, la force héréditaire de leurs croyances, jugeait le moment venu d'abolir le culte de la divinité dans le cœur des hommes, et de montrer à la terre un grand peuple régénéré par la philosophie et gouverné par la seule raison. Toute la Commune, fidèle à son esprit et à son rôle d'exagération révolutionnaire, poussée en outre par le vil et ambitieux Hébert, qui saisissait avec joie l'occasion de s'élever par ses opinions au-dessus des chefs les plus hardis de la Montagne et des Jacobins, adoptait les idées de Chaumette qui, plein d'illusions philosophiques, pensait ne faire autre chose que compléter le système de morale sévère que respiraient tous ses réquisitoires. Cédant à ses propres idées et à l'impulsion du conseil général que, lui-même, avait fanatisé par son enthousiasme de bonne foi, Chaumette s'élevait de toute sa force contre la publicité du culte catholique dont il désirait la suppression.

Cent fois plus hardi que le procureur de la Commune, Clootz, l'orateur du genre humain, regardait le déisme comme aussi coupable que le catholicisme, ne cessait de proposer la destruction de tous les tyrans et de tous les dieux, et prétendait préluder ainsi à la liberté du genre humain, affranchi par la ruine de toutes les religions. Ce fanatique entraîna l'évêque constitutionnel Gobel, homme faible, plutôt subjugué que convaincu, à l'abjuration des fonctions du sacerdoce.

Le 7 brumaire (17 novembre) Pache, Manuel, Chaumette et Lhuillier, l'un procureur de la commune, l'autre procureur-général syndic du département, se rendent à la Convention, et lui présentent Gobel et tous ses vicaires qui venaient rendre à la raison un hommage sincère. A ce moment, Gobel déclare la résolution qu'il a prise de déposer les fonctions que le peuple lui a confiées. En achevant ces paroles. il remet entre les mains

d'un secrétaire sa mitre et ses croix d'évêque. Tous ses vicaires répètent la déclaration de leur chef. Laloi, président de la Convention, répond en s'appuyant sur le principe de la liberté des cultes, consacré par la déclaration des droits de l'homme, et approuve, avec des expressions mesurées, la démarche du clergé de Paris, comme un grand pas fait vers le bonheur commun. Il termine par ces mots : « La Convention applaudit à vos sentimens ; elle vous invite à assister à sa séance. >>

En ce moment, des applaudissemens frénétiques retentissent dans l'assemblée; ils redoublent lorsque le président donne l'accolade fraternelle à Gobel. Entraînés par l'enthousiasme général, des prêtres, membres de la Convention, s'élancent à la tribune, et font l'un après l'autre leur profession de foi, en abdiquant les fonctions sacerdotales leurs paroles sont pleines de sagesse et de dignité. L'un d'eux, Thomas Lindet, évêque du département de l'Eure, sans aucun lâche désaveu du passé, mêle à son abjuration des conseils pleins de raison et de prévoyance. L'évêque de Blois, Grégoire, n'était point à la séance au moment de son ouverture : il entre, et bientôt instruit de l'objet qui fixe l'attention de l'assemblée, il va se ranger auprès des évêques et des curés qui occupent la tribune. Vainement il sait que l'exemple de Gobel a été suivi par la plupart des prêtres des différens cultes siégeant sur les bancs de la Convention; il se lève, et seul il a le courage de protester par d'éloquentes paroles contre cette apostasie de la faiblesse et de la peur. Au lieu de consentir à imiter l'abjuration de Gobel, il s'exprime en ces

termes :

« J'entre ici, dit-il d'une voix émue, n'ayant que des notions très vagues sur ce qui s'est passé avant mon arrivée. On me parle de sacrifices à la patrie... j'y suis habitué.

« S'agit-il d'attachement à la cause de la liberté? Nos preuves sont faites depuis long-temps.

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