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ment attention à la tendre pitié de ces pauvres chiens que vous voyez autour d'elle, attachez à la careffer & à la flater.

Avant que le Mari pût répondre une parole, fa Femme le prévint; & faifant fortir avec peine, comme du fond d'un tombeau, une voix lugubre: Non, Monfieur, me dit-elle, ne vous employez point ici inutilement je ne veux plus vivre; & pour tous les biens qui font fous le foleil, je ne pourrois me réfoudre à jouïr de fa lumiere. Mais, comme un évènement auffi étrange que celui-ci, ne fortira pas aifément de votre mémoire, & que vous pourrez le raconter à d'autres, je fuis bien - aife que vous foyez inftruit de la vérité, afin que d'un côté vous n'accufiez point mon Mari de cruauté, & que de l'autre vous ne me chargiez pas d'une infamie que je n'ai pas méritée.

Ces deux hommes que vous voyez ici fans vie, ont mérité tous deux la mort qu'ils ont reçue; l'un, pour avoir fauffement rapporté des chofes qu'il n'a, ni vûes, ni pu voir; & l'autre, non pour le mal qu'il a fait, mais pour celui qu'il a voulu faire, en trahiffant, par l'ingratitude la plus noire, mon Epoux fon bienfaiteur, qui l'avoit comblé de fes bontez. Je ne difconviendrai pas que ce Malheureux ne foit venu quelquefois m'entretenir, en l'abfence de mon Epoux; mais, comme il ne s'eft jamais émancipé à me déclarer la moindre chofe dont la vertu la plus févere pût s'offenfer, je n'ai eu garde d'en prendre d'allarmes. Il eft vrai que la nuit qu'eft arrivé notre commun defaftre, je le vis pour la premiere fois, avec effroi, fortir de derriere un tableau, fans favoir par- où il avoit pu entrer dans ma chambre. Je n'eus que le tems de lui demander, dans l'extrême furprise où j'étois, ce qu'il venoit faire à telle heure. J'allois appeller du

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fecours, lorfque la voix de mon Epoux fe fit en tendre dans ce moment. Puifqu'il vous a amené, Monfieur, lui-même ici, il peut, s'il ne l'a déja fait, vous mettre au fait de tout le refte. Je lui laiffe à juger fi la conduite que j'ai tenue depuis plus de fix ans que j'ai l'honneur d'être fa Femine, peut autorifer des foupçons de cette nature; & fuppofé que j'eufle été affez malheureuse pour vouloir me deshonorer, en trahiffant un Epoux, à qui, pour toutes les couronnes du monde, je ne voudrois pas devenir infidéle, je demande à lui-même, s'il me croit affez dépourvûe de bon-fens & de jugement, pour employer des artifices auffi groffiers que ceux qui ont été mis en ufage, pour commettre le crime qu'il m'impute, & fi même, dans l'intelligence ou le commerce dans lequel l'on préfuppofe que je vivois avec ce Miférable, il en eût été befoin? Il eft inutile de vouloir me juftifier davantage. Voilà donc, Monfieur, tout ce que j'allégue. rai contre les préfomptions violentes qui ont d'abord faifi mon Epoux, & qui juftifient, en quelque forte, le traitement qu'il m'a fait. Après cela, Monfieur, j'ofe vous conjurer par ces fentimens de compaffion que vous infpire l'état où vous me voyez, & par la fincérité avec laquelle je vous ai parlé, de vouloir bien vous employer auprès de mon Epoux & mon Seigneur, & de vouloir bien obtenir de lui qu'il termine ma vie au plutôt, qu'il abrége cette mort qu'il me fait endurer, afin que je puiffe aller présenter à Dieu ce martyre que j'ai fouffert en fa préfence.

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C'eft ainfi que s'expliqua cette infortunée Beauté. Les larmes que fon Epoux laiffa couler durant ce difcours, & qui augmentoient à mesure qu'el le parloit, ne me laifferent pas lieu de douter qu'il ne fût vivement touché de tout ce qu'elle avoit dit, & de tout ce qu'il avoit fait. Je me tournai donc

vers lui, en reprenant la parole: Eh bien, Monfieur, que vous femble de tout ceci? A quoi il me répondit d'une voix entrecoupée de fanglots: La même liberté que je vous avois laiffée pour me dire tout ce qu'il vous plairoit, je vous la laiffe encore pour faire tout ce que vous croirez de mieux pour moi. A peine eut-il prononcé ces paroles, que je coupai avec mon poignard les liens de cette pauvre Androméde, qui fe trouva fi affoiblie, que n'aiant plus de foutien, elle tomba entre mes bras, & fe laiffa aller par terre où elle s'affit, comme pour reprendre fes forces abattues, après le long fupplice qu'elle avoit fouffert. Le Mari pénétré de l'état douloureux où il l'avoit réduite, & pour lors auffi prévenu de fon innocence qu'il l'avoit été auparavant de fa faute, fe jetta à fes genoux tout baigné de larmes, & lui baifant tendrement les mains & les pieds, la conjuroit de lui pardonner fon injuftice & fa barbarie; mais il prit à cette pauvre Femme une foibleffe qui l'empêcha de répondre, & la foibleffe fut telle, que je la crus quelque tems morte. Le Mari pour lors fe collant à fa bouche, manqua d'expirer lui-même de douleur. Il fit cependant un effort fur lui-même; & fe détachant de cet objet plus aimé que jamais, il courut lui cher cher du fecours. Il lui fit prendre quelques liqueurs qui eurent un fi prompt effet, que le vifage de fa chere & innocente Epoufe reprit une couleur ver. meille. Aiant ouvert pour lors les plus beaux yeux du monde, elle les tourna languiffamment vers fon Mari: Hélas, Monfieur, pourquoi me rappellez-vous à cette miférable vie? C'eft pour fauver la mienne qui dépend de la vôtre, répondit l'Epoux; & fans de plus longs difcours, l'aiant prife entre nos bras, nous la transportâmes de ce lieu funefte dans fon appartement, où à force de foins & de remédes confortatifs, nous la tirâmes du moins du péril prochain où elle avoit paru être pendant fon évaTome VI.

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418 nouïffement, & nous la vîmes en état de fe réta blir peu à peu. Tout ceci fe paffa fans qu'aucun domestique s'apperçût de rien. Le lendemain je voulus prendre mon congé pour continuer mon voyage; mais l'un & l'autre me firent tant d'inftances pour m'arrêter, & d'une maniere fi preffante, qu'il me fallut condefcendre à leur volonté. Je reftai encore trois femaines avec eux, pendant lefquelles l'embonpoint revint à la Femine, la joye au Mari, la parole aux Domeftiques, & la parure aux Jardins; après quoi je continuai mon chemin, fans rencontrer ni bonne ni mauvaise Avan

AVANTURE EXTRAORDINAIRE.

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EPITRE

AUX DIEUX

PENATE S.

PROTECTEURS de mon toît rustique,

C'eft à vous qu'aujourd'hui j'écris.
Vous, qui fous ce foyer antique
Bravez le fafte de Paris,

Et la moleffe Afiatique

Des Alcoves & des Lambris,
Soyez les feuls dépofitaires
De mes Vers férieux, ou fous;
Que mes Ouvrages folitaires,
Se dérobant aux yeux vulgaires,
Ne s'éloignent jamais de vous.
J'efpérois que l'affreux Borée
Refpecteroit nos jeunes fleurs,
Et que l'haleine tempérée
Du Dieu qui prévient les chaleurs,
Rendroit à la Terre éplorée

Et fes parfums & fes couleurs.

Mais les Nymphes & leurs Compagnes
Cherchent les abris des buiffons:

L'hiver defcendu des montagnes

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