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que

céder aux impulsions de son génie. Il l'a suivi pas à pas avec un respect tout-à-fait religieux; et dans un nombre de vers à peu près égal, il n'a pas omis une pensée, il n'a pas supprimé un trait ni la moindre nuance. Nous n'hésitons pas à dire que les Anglais eux-mêmes, si difficiles lorsqu'il s'agit des efforts l'on ose faire pour transporter dans une autre langue les richesses de leur poésie, liront ses vers avec plaisir à côté de leur admirable modèle. Enfin nous ne craignons pas d'assurer que, dans notre langue si prolixe, si embarrassée d'articles et de participes; gêné, comme il l'était, par la mesure et par la rime, il était impossible au traducteur de se montrer en même temps plus fidèle, plus concis et plus poétique.

Jusques-là Pope n'a fait que présenter à l'Homme ses erreurs et ses ridicules; il va maintenant, dans sa quatrième Epitre, lui tracer la route du bonheur; il démontrera que ce bonheur ne consiste pas dans le bien d'un seul être, mais dans celui de tous; et

qu'ainsi il ne peut être fondé que sur la vertu et sur l'amour de ses semblables; c'est la conséquence de tout ce qui précède. Cette Epître peut être considérée comme la conclusion ou le corollaire de tout l'ouvrage.

La vertu y est représentée sous les couleurs les plus séduisantes; on voit que le poète a puisé dans son cœur les traits les plus touchants de ses tableaux. Il fait cependant usage, dans quelques endroits, de son talent pour la satire; mais, quoique l'on ait cru y reconnaître les portraits de plusieurs hommes de son siècle, ce ne sont que des idées générales; il n'y a point d'attaque personnelle, ni de trait qu'on puisse attribuer à un sentiment de haine ou de vengeance. Revenant bientôt aux peintures du bonheur et de la vertu, il répand dans son style ce calme bienfaisant, cette tendre mélancolie, qui sont les grâces et la félicité de l'Homme de bien. Le désir d'être utile aux hommes parait seul inspirer et soutenir sa muse; ce beau sentiment donne à toute l'Épître un caractère de

bonté et de vertu, qui la distingue des trois autres. Les pensées y sont peut-être moins grandes, moins sublimes; mais elles sont plus généreuses, plus touchantes et d'un effet plus certain sur toutes les classes de lecteurs. Encore une fois, le traducteur n'a eu ici qu'à se laisser entraîner par son modèle. Comme lui, il a trouvé dans son cœur tous les traits dont il a peint la vertu et l'Homme de bien; et si, dans quelques passages, il a osé substituer ses affections particulières à celles de Pope, nous ne pensons pas que les lecteurs français se plaignent de cette infidélité.

Ainsi que lui, il eut des amis et des bienfaiteurs; comme lui, il mit son bonheur à les chanter; comme lui, son plus doux espoir fut d'immortaliser leur nom. On trouve dans toutes ses poésies des preuves de son dévouement à l'amitié et à la reconnaissance; et, quoique l'invocation à lord Bolingbroke, qui termine cette quatrième Épître, soit un des passages les plus brillans du poète an

B

glais, nous ne craignons pas d'avancer que, dans plusieurs morceaux du même genre, Delille lui est évidemment supérieur. Ainsi il ne pouvait pas rester au-dessous de lui dans cette occasion; et l'on ne s'étonnera point qu'il ait rendu toutes les pensées, tous les sentimens de Pope avec une fidélité, une chaleur qui pénètrent l'ame. Enfin, l'on peut dire que cette espèce de péroraison, par laquelle finit si heureusement le poème anglais, ne termine pas la traduction avec moins d'éclat.

Il nous reste à repousser les objections que des hommes scrupuleux, ou sans doute trop sévères, ont faites à Pope, d'avoir mêlé des opinions irréligieuses à ses sublimes pensées sur la nature humaine, à ses touchantes maximes sur la vertu et le bonheur. Peut-être devrions-nous, pour toute réponse à un tel reproche, nous borner à dire que Delille connaissait parfaitement cet ouvrage, lorsqu'il entreprit de le traduire; et qu'il l'admirait également sous le rapport de la morale et sous celui de la poésie. On sait

assez son respect et son attachement à la religion et à tous les principes fondamentaux de la société. Nous dirons de plus, que Pope ne fut pas moins religieux ni moins attaché à ses devoirs de bon catholique et de fidèle sujet; sa lettre à Racine le fils (1er. septembre 1742) en est une preuve incontestable. Racine ne savait pas l'anglais; et sur la foi de quelques traducteurs infidèles, il avait adressé, dans son second chant du poème de la Religion, des reproches graves à l'auteur de l'Essai sur l'Homme. Pope se hâta de se justifier; et la profession de foi qu'il fit à cette occasion est si franche, si loyale; elle fait si bien connaître ses principes et sa croyance religieuse, que nous croyons devoir la rapporter toute entière.

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« J'aurais eu l'honneur de répondre plus » tôt à votre lettre, si je n'avais pas toujours >> attendu le beau présent dont vous m'avez » honoré. J'ai reçu enfin votre poème sur la Religion. Le plaisir que m'a causé cette lec» ture aurait été sans mélange, si je n'avais

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