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Cet animal hongre, rouan vineux, âgé de huit ans, était glandé du côté gauche, jetait de la narine correspondante, et la membrane pituitaire du même côté était le siége de nombreuses érosions assez profondes que l'on avait considérées comme des chancres morveux; mais l'état d'embonpoint dans lequel il se trouvait, le jetage blanc et floconneux et la couleur rosée de la pituitaire ne me permirent pas d'admettre la décision des premiers juges, je diagnostiquai un catarrhe nasal chronique.

Le lendemain de son entrée à l'infirmerie, c'est-à-dire le 6 mai, la percussion du sinus frontal gauche m'ayant décelé, par le son mat qu'elle rendait, la réplétion de cette cavité, j'en fis la trépanation; un amas de mucosité concrète la remplissait littéralement et interceptait toute communication avec la cacavité nasale, au point que je dus me servir de la sonde en S pour la rétablir; après je détergeai ces parties au moyen de quelques injections émollientes et je bouchai l'ouverture du trépan.

Le 7, après avoir approprié et détergé les parties par des injections émollientes, je fis une injection de mixture de Villate.

Le même traitement fut suivi régulièrement jusqu'au 12, alors les injections escarrotiques furent remplacées par des injections aromatiques jusqu'au 22. A cette date le jetage étant presque nul et la glande entièrement dissipée, on se borna aux soins de propreté, et le 10 juin cet animal que l'on avait dit morveux, fut vendu à un brasseur de Bruxelles : il était radicalement guéri.

J'ai l'occasion de le revoir de temps en temps, il jouit d'une parfaite santé.

Vingt-troisième fait. Durant le cours du traitement du cheva! qui fait le sujet de l'observation précédente, M. Tim

mermans envoya pour ètre traitée dans les hôpitaux de l'École vétérinaire, une jument de selle, sous poil gris pommelé, âgée de sept ans, laquelle jetait par les deux narines, était glandée et présentait sur la pituitaire une multitude de petites élevures jaunâtres dont quelques-unes ulcérées simulaient les chancres morveux. M. Timmermans justement alarmé d'un pareil état de choses dans ses équipages, n'avait aucune confiance dans le traitement; mais sur mes instances il consentit à faire le sacrifice d'une quinzaine de jours de pension.

Quoique les antécédents fussent de nature à ébranler les convictions les mieux assises, je ne pus reconnaître dans les symptômes que je viens d'énumérer ceux de la morve; je diagnostiquai une affection herpétique désignée sous le nom de herpès phlyctenoïde, et je jugeai la curabilité possible.

Tous les matins je fis cautériser avec la liqueur de Villate, pendant cinq à six minutes, les surfaces muqueuses malades, ulcérées par plaques de la largeur d'une pièce de deux francs, à bords irréguliers. Ce traitement local dura dix-huit jours, puis l'animal, en voie de guérison, fut vendu pour la modique somme de cent francs.

Le nouveau propriétaire le mit en prairie et me le fit présenter tous les dimanches à la consultation gratuite; à chaque visite je touchais les points malades avec la liqueur escarrotique. Vers la fin de l'automne on le fit travailler au service des vigilantes qu'il fait encore aujourd'hui (mai 1858); il n'offre plus de cette affection que de larges cicatrices blanches qui marquent sur la membrane muqueuse nasale la place des ravages produits par la maladie herpétique que nous avons signalée.

Vingt-quatrième fait. Au mois d'août suivant M. Tim

mermans m'envoya pour être sacrifié un cheval hongre, bai, âgé de huit ans, de forte stature et d'un état général satisfaisant, jetant par la narine gauche, glandé du même côté el ayant la membrane muqueuse ulcérée par plaques assez larges, semblables à celles produites par l'affection herpétique susmentionnée. Ne jugeant pas cet animal morveux, au lieu de le faire abattre, je le fis acheter par M. Steenberg, teinturier à Cureghem, et je le traitai tous les matins à la consultation gratuite, par la cautérisation au moyen de la mixture de Villate. Le traitement dura un mois, sans exiger un seul jour de repos et il guérit radicalement.

Nous ne croyons pas nécessaire de pousser plus loin le relevé des observations que nous avons recueillies; celles que nous pourrions encore rapporter n'ajouteraient rien à la force des faits que nous venons de signaler, et qui nous paraissent suffisants pour nous permettre de poser nos conclusions.

1o Les faits nombreux que nous rapportons démontrent à l'évidence que des chevaux dont les uns étaient déjà condamnés, et dont les autres eussent certainement été, par la plupart des praticiens, considérés comme atteints de morve incurable et par suite comme devant être abattus, ne portaient en réalité que des affections catarrhales ou autres, parfaitement curables.

2o Le traitement local suffit pour amener la guérison de ces affections.

3o A cause de l'organisation particulière des parties affectées, l'ouverture directe des sinus par la trépanation peut seule permettre au vétérinaire de porter les agents thérapeutiques sur tous les points malades.

4o Les agents thérapeutiques doivent avoir pour but d'im

primer aux parties malades une irritation substitutive, partant la régularisation de la sécrétion des muqueuses, la cicatrisation des plaies ulcéreuses, l'abolition du phagédénisme qui existe dans ces points.

5o Dans nos expériences la mixture de Villate et la solution de potasse caustique nous ont donné sous ce rapport, les meilleurs résultats. Cependant les solutions de nitrate d'argent, d'alun cristallisé, de sulfate de zinc, nous ont paru pouvoir également être utilisées dans certains cas; seulement le prix élevé du premier de ces agents ne permet guère d'en faire un usage prolongé dans la médecine des animaux, et les deux autres, moins dispendieux à la vérité, ne nous ont guère semblé utiles que vers la fin du traitement, alors qu'il ne s'agissait plus que d'obtenir une action astringente.

6o Enfin le succès obtenu par un traitement bien approprié sur un aussi grand nombre d'affections d'apparence morveuse, généralement considérées comme incurables, prouve que la prétendue incurabilité des affections de cette espèce n'avait d'autre cause que les méthodes vicieuses de traitement, ou même l'absence de toute tentative thérapeutique.

7° En conséquence finale nous croyons de notre devoir de recommander aux praticiens un peu moins de précipitation dans la condamnation des chevaux jeteurs, et nous leur conseillons de n'en provoquer l'abatage qu'après un examen minutieux, et autant que possible après avoir essayé des ressources thérapeutiques que nous indiquons, tout en usant des précautions commandées par la prudence.

Si l'on procède de cette manière, nous en avons la ferme conviction, une diminution notable se fera remarquer dans le nombre de chevaux abattus annuellement pour cause de morve, et un chiffre considérable de valeurs retranché jus

qu'ici sans nécessité, sera conservé désormais à la fortune publique.

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L'Académie, après avoir entendu MM. Pétry, Stas, Vanden Broeck, Didot et Dupont, décide que le travail de M. Delwart sera inséré au Bulletin de la séance et porté à la suite de l'ordre du jour pour être discuté ultérieurement.

3. NOTE sur la recherche de la nicotine dans des cadavres enfouis depuis longtemps et après la putréfaction des matières animales; par M. AUGUSTIN MELSENS, docteur en sciences naturelles, répétiteur á l'École de médecine vété

rinaire.

L'expérience a suffisamment démontré que des alcalis végétaux administrés à des animaux peuvent être découverts dans leurs organes longtemps après la mort. Il paraît même que certains alcaloïdes, mêlés à des matières animales, se trouvent intacts après la putréfaction de celles-ci; j'ai voulu m'assurer si la nicotine, base organique volatile, ne se modifiait pas sous l'influence de la décomposition putride. C'est dans ce but que j'ai fait une série d'expériences ayant pour objet de constater si ce poison administré à l'état de pureté et à l'état de sel ne serait pas modifié de manière à ne plus présenter les caractères de la nicotine lorsque l'on en ferait la recherche dans les cadavres enfouis depuis longtemps.

Mes premières expériences relatives à cette détermination datent de la fin du mois de mars de l'année 1851; je commençais alors à m'occuper de chimie et la première recherche que j'ai faite a été celle de la nicotine dans les organes d'un pigeon et d'un verdier empoisonnés par une trace de cette base qui avait déjà servi à un empoisonnement criminel. La facilité que j'ai rencontrée d'isoler d'aussi faibles traces de ce poison

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