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avec beaucoup d'attention ce point d'anatomie pathologique, dit, « qu'alors même qu'il n'existe que de petits groupes de granulations ou de tubercules crus, à peine quelque petit vaisseau délié peut se faire jour dans les interstices, où l'on trouve encore un peu de tissu sain. »

J'ai cité ces passages qui n'ont pas été écrits pour le besoin de ma cause, parce qu'il importait à ma thèse de mettre le fait en dehors de toute contestation.

Parvenu à ce point de mon argumentation, je sens le besoin de m'arrêter un moment pour jeter un coup d'œil sur le terrain que j'ai parcouru et, avant de reprendre ma route, m'assurer que celui où je m'engage est celui de l'observation.

J'ai établi jusqu'ici, qu'il est un ordre de tubercules pulmonaires dont l'exsudation doit être considérée comme la source; j'ai constaté qu'autour des corps appelés tubercules, on trouve constamment les vaisseaux sanguins oblitérés; j'ai fait valoir des doutes fondés contre l'opinion que cette obliteration est due nécessairement à la compression qu'y exercent les tubercules et de ce doute j'ai été conduit à conclure qu'il y en a encore d'autres causes.

J'ai à rechercher maintenant quelles peuvent être ces causes. Si je parviens à les découvrir, j'aurai à déterminer quels en sont les effets et à mettre ensuite les conséquences que j'en déduirai en harmonie avec les résultats de l'observation.

Le premier fait qui nous frappe, le fait qui commande tous les autres, c'est que l'oblitération des vaisseaux doit avoir pour suite immédiate la mort du tissu où ils devaient distribuer le liquide vital. La gangrène résulte, dit M. le professeur Forget, dans une lettre insérée il y a peu de semaines dans la Gazette

hebdomadaire, la gangrène résulte formellement de l'obstruction des artères, quelle que soit la cause de cette obstruction ; opinion que je soutenais naguère devant vous dans la discussion du travail de notre honorable collègue Didot sur les gangrènes spontanées.

De l'oblitération des vaisseaux, dont j'ai signalé plus haut la présence, résulte donc la gangrène des parcelles du poumon où le sang n'arrive plus et ce sont ces parcelles frappées de mort que je considère comme constituant un ordre spécial de tubercules.

Ce qui me parait donner à mon hypothèse un haut degré de vraisemblance et à mes tubercules leur certificat d'origine, c'est qu'il en est où l'on trouve une grande partie des éléments histologiques du poumon, mais atrophiés, anémiés, déformés, dénaturés. On y a déjà vu des filets vasculaires, restes sans doute des canaux où le sang circulait avant leur séparation du tissu vivant. Quelques auteurs disent y avoir même rencontré des détritus de vésicules aériennes. Or, cela ne pourrait pas être si c'était de simples tubercules par exsudat.

Je remarquerai encore que, comme dans les tissus atteints de gangrène spontanée, on les trouve tantôt humides, infiltrés (c'est même l'état ordinaire), tantôt desséchés, momifiés, tantôt toute trame organique a disparu, et il ne reste du tissu frappé de mort que quelques débris inorganiques.

Tout cela n'est pas une démonstration, je le sais; je suis le premier à le proclamer hautement; mais je ne m'y suis pas engagé par mon programme. Le fait de l'oblitération des vaisseaux autour des zones tuberculeuses est un fait; la mortification, qui en est la suite fatale, un autre fait. C'est de ces faits que je pars pour rechercher ce que deviennent les parties nécro

sées, et à défaut de preuves directes, j'ai recours aux analogies.

Appelons à notre secours quelques données fournies par l'histoire des embolies, si admirablement exposée récemment par le professeur Virchow, en nous circonscrivant dans ce qui regarde la circulation pulmonaire. Fixons en quelques mots les conditions de la formation des caillots dans les ramifications chevelues de l'arbre artériel; exposons-en succinctement les conséquences, et appliquons-les sans prévention, sans parti pris, à ma théorie.

Toutes les causes peuvent se comprendre sous deux chefs. Les unes tiennent à l'état du contenu, les autres à celle du contenant. Si l'on en excepte la présence de corps étrangers accidentellement engagés dans la petite circulation, les premières peuvent se ramener toutes à une seule la coagulation du sang. Or, un simple ralentissement du cours de ce liquide, surtout dans les tuyaux où il n'obéit plus qu'indirectement aux forces propulsives du cœur, la flexuosité de ces tuyaux, leur disposition à angles plus ou moins aigus, surtout quand ils se rencontrent avec un excès de fibrine, suffisent pour la produire. J'en passe encore et des meilleures.

Parmi les dernières il faut ranger en tête les compressions venues du dehors, les maladies des parois artérielles, ensuite l'étroitesse anormale congénitale ou le rétrécissement accidentel d'une certaine étendue de capillaires artériels. Un auteur anglais du nom de Campbell, cité par le savant Henle, a signalé l'étroitesse congénitale comme une des causes les plus fréquentes de la tuberculisation pulmonaire. Il me semble que la seconde y aurait plus de droit, l'habitude (assuetudo) me paraissant devoir enlever à la première une grande partie de ses dangers. On sait que les parois artérielles sont contractiles, et que sous

l'influence d'un grand nombre de facteurs leur calibre peut diminuer soudain. Le froid, les affections tristes de l'âme, les mouvements passionnels, peuvent les frapper de spasme, y entraver, y arrêter la marche du sang.

Maintenant combien cet état de choses, si propre à jeter dans la circulation pulmonaire la plus profonde perturbation, ne doit-il pas avoir des conséquences plus graves dans des constitutions faibles, ou affaiblies, quand le cœur se contracte mollement, que la respiration est étroite, en quelque sorte diaphragmatique, que l'élément spontanément coagulable domine dans le sang, toutes conditions réunies chez les candidats phthisiques.

J'ai cité le froid. C'eut été ici le moment d'en étudier le rôle dans la production des tubercules. J'aurais eu à signaler les erreurs auxquelles on s'expose en en isolant l'étude de celles des autres circumfusa, avec l'action desquels la sienne se combine nécessairement, tels que l'état barométrique et hygrométrique, et en ne l'envisageant que d'une manière absolue, comme simple soustraction du calorique, sans tenir compte de la soudaineté ou de la lenteur de son action, de l'instantanéité ou de la constance de sa durée. Tout en reconnaissant qu'en général le froid atmosphérique n'influence pas primitivement et immédiatement le poumon, que c'est par voie indirecte, en y faisant retentir les modifications profondes ressenties sous son influence par l'organe cutané, qu'il y produit ses effets, on aurait tort, je pense, d'en conclure que l'air froid n'y pénètre jamais. Je ne disconviens pas que dans le trajet des ouvertures bucco-nasales aux bronches, l'air extérieur se charge de calorique, mais rien ne me démontre qu'à son arrivée à sa destination il soit à la même température que le sang. Quand après l'inspiration de substances irritantes on voit

survenir un catarrhe pulmonaire, hésite-t-on à établir dans la succession de ces phénomènes des rapports de causalité? Et je ne vois pas de raison pour ne pas conclure de la même manière quand à la brusque entrée de l'air froid succède une irritation bronchique. Ici, d'ailleurs, comme chaque fois qu'il s'agit d'apprécier l'action d'un modificateur, il faut se rappeler qu'il n'y a rien d'absolu dans ses résultats, qu'ils sont subordonnés à la sensibilité, la vitalité des tissus ou organes où elle s'exerce.

On dit, et on répète : le froid humide engendre la phthisie. Cela ne me paraît pas prouvé jusqu'ici. Les rhumes, qu'on voit survenir si souvent chez ceux qui y ont été exposés, et qui paraissent se rallier aux symptômes de phthisie déclarés peu de temps après, n'étaient-ils pas déjà l'expression d'une tuberculisation latente, n'attendant qu'une occasion pour éclater? Que servira-t-il du reste, de savoir que le froid humide engendre la phthisie, qu'y gagnera la pratique aussi longtemps qu'on ignorera comment cela se fait ?

Veut-on savoir, j'allais dire veut-on voir, par quel mécanisme le froid peut devenir cause à la fois de tubercules par exsudat et de tubercules par mortification? Suivons-en l'action sur les poumons hypérémiés.

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Pour se mettre en harmonie avec la surabondance de sang, les vaisseaux pulmonaires ont dû se dilater, la présence de cet excès de stimulant en a aceru la sensibilité ; le froid vient-il à les saisir brusquement, ils se contractent, leur lumière se rétrécit, la pression sur la colonne sanguine augmente d'autant, et, par suite des lois connues de l'exosmose, il se dépose un exsudat. Voilà le noyau du tubercule, une exsudation. Nous avons déterminé plus haut à quelle condition il peut devenir tubercule. Maintenant le sang épaissi par la perte du liquide exsudé, comprimé dans des vaisseaux crispés, s'y embarrasse,

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