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que les absorbants puissent en reprendre la partie liquide et n'en laisser qu'un résidu solide et compacte. Les matières de l'exsudat, entre autres le coagulum fibrineux, y restent dissous et peuvent passer avec lui dans le torrent circulatoire, ou en être rejetés sous forme de crachats par l'expectoration. Or, comme l'inflammation siége de préférence à l'état aigu dans les lobes pulmonaires inférieurs, où les faisceaux vasculaires sont plus abondants et plus épais et les exsudats par conséquent plus copieux, on comprend tout d'abord pourquoi les dépôts tuberculeux y sont moins fréquents que dans les lobules supérieurs, placés dans des conditions opposées. Ceci toutefois sans préjudice aux choses excellentes qui ont été dites sur la force expulsive des différentes régions du poumon par nos honorables collègues Graux et Crocq.

Un fait d'observation, c'est que chez les individus où existe un obstacle à l'expansion complète des lobules pulmonaires inférieurs, dù à une conformation vicieuse de la boite thoracique, à une entrave aux mouvements des muscles expirateurs, ou à toute autre cause, et chez lesquels les lobules supérieurs sont en conséquence forcés à un jeu supplétif, la phthisie est proportionnellement rare. Il est probable que l'immunité dont jouissent les bossus, les femmes en état de grossesse est due à cette cause. S'il est vrai qu'elle soit également acquise aux houilleurs, je serais fort porté de l'attribuer à la position fléchie, accroupie, dont ils ne peuvent s'affranchir pendant toute la durée de leur travail et qui refoule les lobules inférieurs, en circonscrit les mouvements et accroit d'autant l'action des régions supérieures.

Un fait intéressant relatif à ce point de doctrine est constaté dans ces admirables Tableaux statistiques des maladies et de la mortalité des militaires dans les possessions anglaises, publiés

par les soins de l'amirauté et dont les éléments sont puisés dans les rapports officiels des médecins dans les différentes stations. Là, où les pneumonies aiguës sont signalées comme fréquentes, les phthisies pulmonaires ne figurent qu'en petit nombre et dans les lieux où, au contraire, celles-ci atteignent un chiffre élevé, les affections aiguës du poumon sont relativement peu nombreuses.

Avant d'aller plus loin courons au devant d'une objection. Si un exsudat formé lentement et incomplétement résorbé est une condition de la formation des tubercules, tout exsudat, dira-t-on, produit dans ces conditions, doit y donner lieu, ce qui est contraire aux faits. Nullement de ce que cette formation présuppose un exsudat, il ne résulte pas que tout exsudat doive v donner naissance.

Il faut que l'exsudat soit dépourvu de la faculté de s'organiser, qu'il résiste et ne cède que difficilement à l'action des absorbants, que tout en se trouvant en contact avec la matière animée, il soit sans aucune connexion avec elle et tende par là même à se décomposer. Vous voyez par combien de caractères il se distingue des exsudats ordinaires.

Maintenant voici ce que nous dit notre raison. Pour que les exsudats revêtissent la transformation tuberculeuse, il faut certaine prédisposition dans l'économie, inconnue de sa nature, dépourvue de caractères assez tranchés, assez constants pour pouvoir être décrits, mais à laquelle l'observation nous oblige à conclure. La tuberculose ne se comporte sous ce rapport que comme toutes les autres espèces pathologiques.

En déclarant partager l'opinion que les tubercules pulmonaires peuvent provenir d'exsudats, j'ai fait cette réserve que ce n'en était pas la source unique.

La science fournit-elle un appui à cette opinion? Je le pense, et partant de quelques vues émises par l'éminent pathologiste Henle, dans sa Pathologie rationnelle, je crois qu'à côté des tubercules par exsudats, on peut en admettre d'autres, constitués par des portions nécrosées du poumon, et qu'à ce titre je proposerais d'appeler tubercules par mortification.

Ne craignez pas que je vous fasse une leçon de physiologie; ce serait Gros Jean qui en remontrerait à son curé. Qu'il me soit permis cependant d'en rappeler ce principe, que les deux principaux facteurs de la circulation pulmonaire sont l'impulsion du cœur et les mouvements respiratoires. Du moment que l'un ou l'autre perd de son énergie la fonction languit; font-ils défaut ? elle s'arrête. Or il est constant et reconnu de tous, que les modifications hygiéniques qui préparent à la phthisie pulmonaire sont de la classe des débilitants. Tous les orateurs qui ont pris part à la discussion ont été d'accord sur ce point et quelques-uns ont tracé de leurs effets des tableaux saisissants.

C'est ainsi qu'une alimentation insuffisante, le séjour dans des lieux étroits, obscurs, humides, les affections tristes de l'âme y prédisposent. L'action de ces différents facteurs n'est, comme je viens de le dire à dessein, que prédisposante; ils n'ont aucune action directe, immédiate sur leur production, mais ils y concourent puissamment en s'attaquant aux forces circulatoires. Parmi les affections morbides dont l'influence est le moins contestable se trouvent les fièvres typhoïdes, la coqueluche, les exanthèmes aigus, particulièrement la rougeole et surtout la grippe.

De ce que les agents qui portent atteinte aux forées de l'économie prédisposent aux tubercules, il ne résulte nullement que les hommes vigoureux en soient totalement et indéfini

ment à l'abri. Seulement quand ils les contractent, c'est après avoir été soumis à des influences débilitantes. Le malade robuste dont un des honorables préopinants nous a tracé l'histoire, avait détruit sa santé par des excès alcooliques habituels.

Mais ce sont surtout les modificateurs qui embarrassent le passage du sang au travers des poumons qui favorisent ce développement. Et cela se comprend, parce que cette gêne accumule toujours le sang dans les vaisseaux pulmonaires, qu'il les distend et détermine ainsi des exsudats. Quand l'hypérémie est modérée, il s'en forme de légers, circonscrits, autour et dans l'intervalle desquels le sang peut circuler encore, et que les absorbants peuvent faire rentrer dans la circulation; lorsqu'elle est plus prononcée, la turgescence vasculaire plus accusée, l'exsudation est plus copieuse, plus étendue, la résorption moins complète, son résidu plus abondant; est-elle plus considérable encore? l'exsudation augmente dans la même proportion et le sang épaissi par la sortie de son plasma offre une résistance incessamment plus énergique aux agents de propulsion et finit par stagner. Voilà la progression des phénomènes qui est d'autant plus prompte et plus marquée que les agents de la circulation pulmonaire ont moins de pouvoir. De tout temps l'étroitesse de la cavité thoracique, l'aplatissement des régions sous-claviculaires, l'état grêle des muscles ont été signalés comme les caractères les plus saillants de l'habitus phthysicus. Et pourquoi? Parce que leur ensemble trahissait l'impuissance des facteurs de la circulation et le peu d'étendue du champ respiratoire. Or, si je vois bien, entre ces entraves à la circulation et la présence des tubercules, il existe une étroite relation.

Un fait dont les rapports avec l'existence des tubercules

n'ont pas toujours été bien saisis, quoiqu'il ait été constaté par tous les bons observateurs et consigné dans leurs écrits, c'est que les vaisseaux qui aboutissent aux tubercules, soit que ceux-ci se rencontrent en groupes ou isolés, sont oblitérés, ne livrent plus passage au sang. Avec quelque soin, quelque habileté que les injections y soient faites, jamais on ne peut parvenir à les pousser jusqu'aux tubercules. Autour d'eux le tissu pulmonaire est anémique. Cet état de choses est assez généralement attribué à la compression exercée par les tubercules sur les vaisseaux dont ils effacent la lumière, de manière que les tubercules préexisteraient toujours à l'oblitération. Il ne serait pas possible de nier qu'il en soit souvent ainsi, et les choses paraissent se passer de cette manière chez les chevaux atteints de morve, maladie qui a avec la tuberculose une grande analogie, mais on ne peut accepter cette explication comme règle absolue. Ce qui plaide contre elle, c'est 1° que dans l'hépatisation pulmonaire, quand les vésicules sont gorgés de mucus et de pus, et que, la pression exercée sur les vaisseaux de leurs parois est extrêmement forte, l'oblitération de ceux-ci n'est pas constante; 2° que, autour des vaisseaux devenus imperméables, on en voit se dessiner de nouveaux où le sang circule, tandis qu'ils devraient être également fermés si la compression était la cause de l'oblitération; 3° que souvent on rencontre des obstructions vasculaires soit naissantės, soit déjà complètes, sans la présence de tubercules; 4o enfin qu'elle ne rend pas compte de l'origine des corps comprimants.

Cette oblitération ne se borne pas toujours aux capillaires ni aux petits vaisseaux, elle remonte souvent aux grands. « Stylus, dit M. Schroeder Vanderkolk, in venam et arteriam pulmonis introductus, ne pollicem dimidium ab aditu in pulmonem intrudi potuit; et M. Natalis Guillot, qui a étudié

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