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bien! Je vous avoue que je ne comprends pas ce qu'on peut entendre par là. Peut-être dois-je accuser ici la faiblesse de mon entendement plus que toute autre chose; mais je dois avouer que je ne comprends pas ce qu'on veut dire en parlant de la nature asthénique de la phthisie pulmonaire. Je ne vois nulle part cette nature asthénique se traduire au dehors par des signes sensibles. Ainsi, que trouve-t-on dans la phthisie? On trouve des signes d'irritation, des signes d'inflammalion; il y a fièvre avec redoublement vers le soir. Il y a force et fréquence du pouls, chaleur de la peau, rougeur des pommettes, excitation, inappétence; il y a, en un mot, des phénomènes qui semblent accuser plutôt une maladie à tendance inflammatoire qu'une maladie à tendance asthénique. Du reste, je vous avoue que l'expression de maladie. asthénique n'offre pas à mes yeux un sens nettement défini. Veut-on désigner par là ce qu'indique l'étymologie, le defaut de forces? Eh bien! supposez qu'un individu soit soumis à des privations, qu'il ne soit pas suffisamment nourri; il surviendra chez lui une gastrite ou une gastro-entérite. Estce une maladie asthénique ou une maladie sthénique? Je crois qu'on serait très-embarrassé pour le dire. C'est une inflammation qui reconnaît pour cause l'absence d'éléments nutritifs, roborants.

Je passe sur ce point, sur lequel il y aurait encore beaucoup à dire. Tout ce que je tiens à prouver, c'est qu'il n'y a rien dans les symptômes de la phthisie pulmonaire qui puisse légitimer cette appellation.

Allons plus loin. Est-ce que le sang des phthisiques, des tuberculeux présenterait un vice de composition qui permettrait de donner à cette maladie le nom de maladie asthénique? Je ne m'en suis jamais aperçu. Le sang des phthisi

ques est très-plastique; il se coagule très-vite; on trouve dans les cadavres des tuberculeux des caillots nombreux et consistants. Ce sang se couvre souvent d'une couenne épaisse, résistante. Par conséquent, la fibrine y présente ses caractères normaux, elle n'est pas diffluente. On ne peut donc dire qu'il y ait de ce côté rien qui révèle l'asthénie.

On pourra me demander si ce ne sont pas les globules qui font défaut? En effet, dans beaucoup de cas les globules font réellement défaut. Il y a dans le sang des phthisiques moins de globules que dans le sang de l'homme bien portant. Mais n'est-il pas d'autres maladies dans lesquelles les globules font aussi défaut? Est-ce que dans l'anémie les globules ne font pas défaut dans une proportion souvent bien plus considérable? Est-ce que les individus chez lesquels les globules font aussi défaut deviennent phthisiques plus que les autres? Pas le moins du monde; l'anémie semblerait au contraire constituer une disposition contraire à la phthisie. Il semble qu'il y a antagonisme entre l'anémie et la phthisie. La preuve en est dans ce que vous ont dit MM. François et Fossion, que chez les houilleurs on observait peu de phthisiques. Or les houillères sont le foyer où règne surtout l'anémie. Ce ne sont d'ailleurs pas les jeunes filles atteintes de chlorose au plus haut degré qui tombent le plus victimes de la tuberculose.

Nous ne trouvons donc dans la composition du sang aucune circonstance propre à démontrer la nature asthénique de la phthisie pulmonaire. Nous ne trouvons cela ni dans la fibrine ni dans les globules. Y a-t-il dans le sang quelque élément spécial d'une autre nature? C'est ce que nous ne savons pas. Je n'en dirai donc rien, car je désire rester dans le terre à terre de l'observation et ne pas me lancer dans les hypothèses.

Si nous examinons le tubercule lui-même, qu'y voyonsnous? Un produit plastique, albumino-fibrineux, un produit très-analogue au pus, renfermant aussi des globules. Il n'y a donc encore rien là qui puisse démontrer la nature asthénique de la maladie, c'est-à-dire, le défaut d'action de l'organisme.

J'ai parlé tout à l'heure des individus anémiques qui ne devenaient pas phthisiques, mais qui paraissaient au contraire. présenter une certaine immunité contre la phthisie. Je vais maintenant vous citer des cas d'une nature toute opposée; ce sont ceux d'individus forts, robustes, présentant toutes les apparences de la santé la plus vigoureuse et qui sont devenus phthisiques. Je ne dis pas que ces cas soient très-fréquents, mais ils se rencontrent et ils ne sont même pas rares. Vous voyez venir à vous un individu resplendissant de santé ; il tousse, il crache, il présente un peu d'oppression. Vous l'auscultez et vous trouvez au poumon gauche tous les signes caractéristiques de la phthisie pulmonaire. Si plus tard vous pouvez le soumettre au scalpel, vous trouvez des tubercules dans les poumons. Je vais citer quelques faits appartenant à cette catégorie et qui m'ont paru mériter une mention particulière. A l'époque où j'étais interne des hôpitaux de Bruxelles, entra à l'hôpital Saint-Jean, un boulanger d'une constitution très-forte, très-robuste, d'une haute taille, possédant tous les caractères du tempérament sanguin. Il présentait tous les symptômes d'une pneumonie double. Cet homme entre l'après-midi à l'hôpital; on lui pratique une large saignée, on lui prescrit l'émétique. Le traitement anti-phlogistique, que tout indiquait, est continué cependant; les symptômes ne font que s'aggraver, et au bout de trois ou quatre jours, cet homme meurt. Il arrive à l'amphithéâtre; on fait l'autopsie et l'on trouve

les deux poumons criblés de tubercules miliaires depuis le sommet jusqu'à la base; du reste pas de caverne. Voilà un homme qui ne présentait aucun caractère d'asthénie, quelle que soit la signification que l'on donne à ce mot, et chez lequel le développement tuberculeux avait eu lieu d'une manière bien positive.

Je me rappelle également un cas qui s'est présenté chez un garçon d'amphithéâtre. C'était un homme fort, robuste, poitrine large, à épaules carrées. Ce garçon était adonné à la boisson; il était toujours au cabaret; lorsqu'on avait besoin de lui, il arrivait en chancelant. Il tombe malade, il entre dans la salle de l'hôpital; il était atteint de phthisie galopante; au bout d'un mois il arrive à l'amphithéâtre; à l'autopsie on trouva les poumons criblés de tubercules.

J'ai vu bien d'autres cas où la maladie se développait chez des individus qui n'y paraissaient nullement prédisposés. J'ai vu cela surtout chez des individus qui cohabitaient avec des phthisiques, chez des maris dont les femmes étaient pulmonaires et réciproquement. Ces individus, doués des caractères de la meilleure constitution, ne présentaient pas moins au bout d'un certain temps les signes irrécusables de la maladie.

Lorsqu'on parle de la nature asthénique de la phthisie pulmonaire, il faudrait s'expliquer davantage et définir d'abord ce qu'on entend par le mot asthénique; car dans tout ce qu'on a dit, je n'ai pas compris ce qu'il pouvait signifier.

J'ai dit en commençant qu'autrefois on avait rapproché la phthisie des inflammations. Aujourd'hui, on a abandonné cette opinion et l'on a bien fait. Il n'y a pas, en effet, identité entre les caractères de la tuberculisation et les caractères de l'inflammation. Cependant, dans la réaction contre l'opinion

ancienne, n'a-t-on pas été trop loin? C'est un point que je me réserve maintenant d'examiner.

Parmi les auteurs modernes, il y en a qui se basant uniquement sur des vues anatomico-pathologiques, sont arrivés à la conclusion qu'il y avait grande analogie entre la tuberculisation et l'inflammation. Je citerai ici les noms les plus illustres de l'anatomie pathologique; Reinhardt, Virchow, Rokitanski, qui tous sont arrivés à cette conclusion. Elle mérite donc d'être prise en sérieuse considération.

En effet, lorsqu'on examine comparativement les poumons d'un individu mort de phthisie pulmonaire, et celui d'un individu mort d'une pneumonie au troisième degré, on trouve la plus grande analogie; des deux côtés on trouve le plus souvent un produit déposé primitivement dans les vésicules pulmonaires, puis s'accumulant de façon à constituer au sein de l'organe des foyers plus étendus; seulement, d'un côté ce sont des tubercules, de l'autre c'est du pus; du reste les lésions paraissent identiques, à tel point que ces anatomo-pathologistes ont désigné la lésion tuberculeuse sous le nom de pneumonie tuberculeuse, voulant ainsi donner à entendre, non pas encore une fois l'identité, mais la grande analogie qui existe entre les deux affections.

Si vous voulez produire dans les poumons une lésion qui ressemble beaucoup à celles de la phthisie pulmonaire, délayez dans de l'eau une poudre très-tenue, de manière à rendre le liquide légèrement épais. Mélangez, par exemple, à de l'eau de la farine ou du chromate de plomb en poudre trèsfine, ou du charbon. Injectez cela dans les poumons d'un animal vivant. Il mourra quelquefois au bout d'une heure; d'autres fois il survivra deux ou trois jours, ou même davantage. Faites l'autopsie, et lorsque vous sectionnerez les

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