Pagina-afbeeldingen
PDF
ePub

natrice, nous nous sommes efforcé de le formuler dans notre livre II assistance due par tout être à

tout être.

La détermination de ce principe est absolue dans toutes les consciences.

340. Veut-on ajouter que les caractères du devoir sont absolus comme le principe lui-même? Oh! nous y consentons de grand cœur : nous l'avons reconnu dans notre livre I, en proclamant absolus dans toutes les consciences, les caractères du devoir : souveraineté, indivisibilité, universalité.

341. Dira-t-on que l'impératif contenu dans toute conséquence exactement tirée du premier principe est absolue? Nous y consentons encore.

342. Mais prétend-on dire que cet impératif peut s'exprimer par des formules absolues, telles que: Ne tuez pas,ne médisez pas? Suivant nous, c'est rester dans l'enfance, dans la barbarie de l'art. L'impératif bien compris du devoir n'est que dans les résultantes formées par les combinaisons variées de ces formules. — Enfin, prétend-on ajouter que ces formules appelées par nous barbares, ou d'autres plus perfectionnées qu'on mettrait à leur place, sont absolues en ce sens qu'elles apparaissent uniformément à toutes les consciences? Ici nous répondons par la négation la plus formelle. Nous allons constater leur apparition seulement relative au fond de chaque conscience1.

1 Nous regrettons de trouver dans la 24 leçon de M. Cousin sur le vrai, le beau, le bien, ces confusions sur l'application du mot absolu. L'idée du devoir est absolue, les caractères du devoir sont absolus, le premier principe du devoir est absolu : voilà des vérités incontestables.-L'objet de

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

343. Aussitôt que la conscience a dit, d'une manière absolue, Assistance due par tout être à tout être, le rôle de la science commence immédiatement.

Assister un être c'est pourvoir à sa conservation, à son perfectionnement, à son bonheur. La formule me pose donc ce premier problème Que faut-il faire pour ma conservation, mon perfectionnement, mon bonheur, et, par contre-partie, pour la conservation, le perfectionnement, le bonheur des autres êtres qui ont droit à l'assistance? Plus brièvement, quel est l'objet de l'assistance? Qu'y a-t-il à conserver, à perfectionner, à rendre heureux en moi et en autrui?

chaque devoir est absolu, cela est parfaitement vrai encore, à la condition de définir l'objet de chaque devoir autrement qu'on ne le fait communément. — Mais si l'on dit, la révélation de chaque devoir est absolue, c'està-dire uniforme pour toutes les intelligences, on avance une proposition chimérique, contraire aux faits les plus évidents.

Est-ce le corps? l'âme? ou tous deux ? Est-ce l'individu? l'espèce? ou tous deux ? Dans ce monde? ou dans un autre ? ou dans les deux?... Comprenez, lecteur, l'immensité de ces questions, dont la conscience ne donne certes pas à toutes les intelligences la réponse identique.

le

344. Toutes les sciences réunies chercheront l'objet de l'assistance. Puis la science morale demandera : Quelle est l'étendue de l'assistance due? Dois-je réserver pour mon propre bien-être une part supérieure d'efforts, et n'accorder à celui des autres qu'une part inférieure? Dois-je appliquer l'égalité d'efforts pour bien d'autrui et le mien? Dois-je arriver au dévouement, c'est-à-dire sacrifier ma part de bien-être pour grossir celle d'autrui? Selon qu'on prendra l'une ou l'autre de ces mesures, l'horizon entier des applications du devoir se déplacera. Or, la conscience indique-t-elle le choix à toutes les intelligences, d'une manière identique? Non évidemment.

345. Que reste-t-il donc à la conscience dans la détermination des objets et de l'étendue du devoir? Un sentiment relatif, proportionné aux lumières de cette conscience, c'est-à-dire à ses progrès dans la science. La science! Différente pour les divers siècles, selon qu'ils s'éloignent plus ou moins du commencement du monde; différente pour les peuples d'un même siècle, selon que les circonstances analysées par Montesquieu dans l'Esprit des lois, favorisent plus ou moins leur développement moral; différente pour les individus d'une même nation, selon que, jetés dans tel ou tel coin de l'uni

vers, plus ou moins façonnés par l'éducation, fils de pères éclairés et dévoués ou ignorants et vicieux, élèves de maîtres distingués ou vulgaires, amis d'hommes austères ou légers, ils traversent un milieu plus ou moins pur, pour arriver à des degrés plus ou moins rapprochés de l'apogée de la rectitude morale, telle qu'elle est considérée à l'époque où ils vivent.

346. Il faudrait, en terminant, imprimer ici en lettres d'or la distinction entre la moralité absolue

par le résultat, et la moralité relative par l'intention de l'agent, distinction si nettement établie par ces quelques lignes de Dugald-Stewart 1:

< ON PEUT DIRE D'UNE ACTION QU'ELLE EST ABSOLU<MENT BONNE, QUAND ELLE EST CE QU'EXIGEAIENT QU'ELLE FUT LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES L'AGENT SE « TROUVE PLACÉ; EN D'AUTRES TERMES, QUAND ELLE EST < TELLE QU'IL L'AURAIT PU FAIRE AVEC DE BONNES INTEN<TIONS ET UNE INTELLIGENCE ÉCLAIRÉE.

« ON PEUT DIRE D'UNE ACTION QU'ELLE EST RELATIVE«MENT BONNE, LORSQUE LES INTENTIONS De l'agent onT « ÉTÉ SINCÈREMENT DROITES; SOIT QUE L'ACTION EN ELLE« MÊME S'ACCORDE OU NE S'ACCORDE PAS AVEC CE QU'EXIGEAIENT VRAIMENT LES CIRCONSTANCES.

« D'APRÈS CES DÉFINITIONS, UNE ACTION PEUT ÊTRE ◄ BONNE DANS UN SENS, ET MAUVAISE DANS L'AUTRE :

« C'EST LA BONTÉ RELATIVE D'UNE ACTION QUI DÉTÉR« MINE LE MÉRITE DE L'AGENT; MAIS C'EST SA BONTÉ ABSOLUE QUI DÉTERMINE L'UTILITÉ DONT ELLE PEUT

↑ Esquisse de philosophie morale, partie II, chap. II, section 6, no 452 et

suivants.

« ÊTRE, ET POUR L'AGENT LUI-MÊME, ET POUR LA SO<<< CIÉTÉ.»

347. Voilà la vérité. Et elle nous paraît si évidente, qu'il nous semble impossible de ne pas s'y rendre. D'où vient donc qu'elle est remplacée par la croyance irréfléchie, que nous avons essayé de repousser, aux enseignements identiques absolus de toutes les consciences?... Il est bien aisé de se rendre compte de cette confusion d'idées.

Décomposons ce que contient cette expression dont tout homme se sert : Je crois en conscience... J'ai agi en conscience. Celui qui parle ainsi affirme: 1° l'existence, au fond de son âme, des actes de foi absolue dont nous avons donné la liste, sur les bases du devoir. Il affirme 2o la conformité de son acte avec tout ce que l'effort sérieux de son intention et de son attention lui a appris sur la science relative des applications du devoir.

Or qu'avons-nous dit, dans notre livre IV, sur l'obéissance au devoir? Qu'elle est l'effort sérieux de l'intention et de l'attention, effort indépendant du résultat matériel. Si un résultat mauvais est arrivé par cas fortuit ou erreur de fait, l'agent, nous l'avons vu, a raison de dire que sa conscience est en repos. Eh bien! il a également raison de le dire, quand il a commis des actes illicites qu'il croyait licites, par ignorance excusable, par erreur de droit, sans dol et sans étourderie. L'obéissance existe entière, dès qu'elle a été proportionnelle à l'instruction relative; j'en atteste cette prière de la liturgie chrétienne : Pax hominibus bonæ voluntatis!

« VorigeDoorgaan »