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privée (état prétendu qui n'a jamais existé1). Toutes ces difficultés (si vraiment ce sont des difficultés) tomberont peut-être d'elles-mêmes, comme vaines chimères, devant les principes de la science,

4 Que de pages, dans les traités de droit naturel, sur ces questions: Dans le naufrage d'un navire, le propriétaire d'une chaloupe conserve-t-il le droit exclusif de s'en servir? — Si trop de naufragés se présentent pour la remplir, a-t-il le droit « de jeter à son gré ceux qu'il veut, jusqu'à ce que l'es« quif soit allégé ? » comme le dit Wolff, analysé par Formet (Principes du droit naturel, liv. VI, chap. iv, § 16).-En cas d'abordage, les matelots d'un navire peuvent-ils, pour se tirer du péril, endommager l'autre navire et couper les cordages enlacés dans les leurs, sauf indemnité? (Klenckius, Instit. jur. natur., d'après Grotius, lib. II, chap. 1, § 13, 14.); — Si la disette survient, pnis-je être contraint de mettre en commun les provisions que j'ai prudemment rassemblées, et être condamné à perdre ainsi, en manquant à mon tour de vivres, le bénéfice de ma prudence?- Si l'incendie éclate dans mon voisinage, peut-on, à mon insu ou contre mon gré, me prendre mes pompes, mes seaux, au risque de m'en laisser démuni quand j'en aurai besoin pour moi-même ? Et peut-on abattre ma maison pour circonscrire le foyer? (Wolff, analysé par Formet, Principes du droit naturel, liv. VI, chap. iv.) · Sans suivre Escobar et Lessius, qui, pour permettre le vol, se contentent d'une nécessité grave, quoique non pas extrême (Pascal, 8 lettre provinciale), combien d'auteurs reconnaissent le droit, dans une grande urgence, de s'emparer de la chose d'autrui !... Voyez Klaproth (Principes du droit naturel, chap. Ix), Klenckius, d'après Grotius (lib. II, chap. II, § 13 et 14), Puffendorff, Droit de la nature et des gens (liv. II, chap. vi, § 7).-Et saint Anselme, 10° homélie (Voy. Notice biog. sur saint Anselme, par M. Charma, pag. 111.): après saint Ambroise, il transporte presque la qualité de voleur, de l'affamé qui prend au riche qui ne donne pas!

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Voici sur ces points ce que prétend Wolff, analysé par Formet, Principes du droit naturel (liv. VI, chap. IV) :

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« Un homme qui se trouve privé des choses absolument nécessaires à la vie, sans pouvoir les obtenir par ses prières, ni les acquérir par aucun genre de travail, rentre dans l'état du droit naturel, et peut prendre les «< choses dont il a besoin, les enlever même par force à toute personne qui a peut s'en passer. En le faisant, il ne commet point un vol!... » (N° 13.) << Un homme poursuivi par un assassin, de manière qu'il ne peut espérer « son salut que dans la fuite, et qui trouve sous sa main le cheval d'autrui, peut s'en emparer sans la permission du maître. Et si, se trouvant étranger dans un pays inconnu, il emmène le cheval fort loin sans savoir <<< absolument de quelle manière il pourrait en faire la restitution, il en est

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«

<< dispensé. On peut aussi prendre les armes d'un autre, et même les lui arracher, s'il n'y a pas d'autres moyens, pour les employer à sa défense.» (No 27.)

tels que nous essaierons de les poser dans notre second volume. En rappelant en ce moment ces controverses, nous voulons seulement demander comment les principes énoncés, tu ne tueras point, tu ne médiras point, etc., peuvent être appelés absolus, si les consciences même les plus pures se montrent entièrement divergentes sur les applications? Et comment, quand même la divergence des consciences cesserait, ces principes peuvent être appelés absolus, si les exceptions dépassent de plusieurs centaines de mille 1 le petit nombre des applications incontestées?

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336. Mais laissons ces objections de casuistique, que nous regrettons d'avoir prolongées. Rentrons dans une discussion plus large. Le système qui sépare le domaine de la conscience et celui de la science, par la distinction des jugements généraux et des jugements d'application des détails, pèche par sa base. Il suppose des règles de deux sortes, les unes tout à fait importantes, les autres à moitié importantes. Qu'est-ce que cela? Je l'ignore profondément. Je suis à genoux devant toute règle. Je ne sais pas ce que c'est qu'un demi-devoir; et je suis bien convaincu qu'à côté des maximes Ne tuez pas, ne médisez pas, ne violez pas votre serment, il en est d'autres innombrables que nulle conscience n'a le droit de dédaigner.

1 De plusieurs centaines de mille. Ce calcul n'a rien d'exagéré, dès qu'on admet, par exemple, dans la question de l'homicide, la légitimité du droit de tuer à la guerre.

TITRE III.

TROISIÈME SYSTÈME. CONSCIENCE: DÉTERMINATION ABSOLUE DU PREMIER PRINCIPE DU DEVOIR.

TIVE DES OBJETS DU DEVOIR.

"

DÉTERMINATION RELA

La vraie notion du droit ne résulte pas immédiatement de l'existence de la faculté de connaître le juste, qui, comme toute faculté humaine, peut être bien ou mal appliquée. »

337. Nécessité d'un troisième système.

338. Formule de ce troisième sys

(AHRENS, Cours de droit naturel, partie générale, chap. 1, § 2.)

tème. - Distinction du premier principe du devoir, et des objets du devoir.

337. Non, la doctrine exposée dans notre titre premier n'est point exacte. Il n'est pas vrai que l'intelligence ait deux parts différentes : l'une la science à faire, c'est-à-dire la science de toute autre chose que le devoir, l'autre la science toute faite, c'est-à-dire la science du devoir. Il n'est pas vrai qu'à Newton, Humboldt, Bichat, Thénard, soit exclusivement réservée la nécessité de l'élaboration patiente, cherchant le progrès au milieu de toutes les entraves; qu'à Confucius, Socrate, Montesquieu, Domat, soit répartie la révélation facile d'une série de notions morales : notions toutes préparées pour illuminer également le jeune homme et le vieillard, le Celte et le Français, le Mogol chevauchant sous les drapeaux de Tamerlan, et Bossuet prêchant à la cour de Louis XIV1.

Non, la doctrine exposée dans notre titre II n'est

1 Pourquoi Newton, Humboldt, Bichat, Thénard, ne réclameraient-ils pas l'existence d'un sens algébrique, d'un sens chimique, etc., donnant toutes les déductions de l'algèbre et de la chimie?

pas non plus exacte. Il n'est pas vrai que la conscience donne du moins un certain nombre de préceptes absolus en ces termes, tu ne tueras point, tu ne médiras point, puisqu'en acceptant ces principes, on est obligé de les modifier par des distinctions dont le nombre est infini.

338. Reste un troisième système, celui qu'énonce l'intitulé de ce titre. Il reconnaît dans la conscience: 1o la détermination absolue du premier principe du devoir; 2o la détermination seulement relative des objets du devoir.

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339. Conscience! on te fait descendre de ton autel, en t'attribuant des résultats imparfaits! Pour être universel, l'oracle que tu rends doit dominer, dans sa généralité, toutes les contradictions apparentes que présentent les détails des applications. Il doit contenir la possibilité de savoir quand il faut tuer et médire, et quand il ne le faut pas. Tu n'es pas le serviteur à gages, le fétiche esclave à qui la paresse demande des miracles, à qui la colère jette des injures quand il n'exécute pas une folle prière! Ange régulateur, tu traces, de ton divin compas, le

cercle dans lequel la raison et la liberté doivent se mouvoir, en cherchant par leurs propres forces leur route!

Conscience morale! raison pratique! raison dans une de ses formes les plus élevées ! Pour savoir ce que tu nous apprends d'une manière absolue, voyons ce que la raison nous apprend, dans toute science, d'une manière absolue.

Toute science suppose, pour base de ses démonstrations ultérieures, quelque démonstration première, faite immédiatement dans les profondeurs du sens intime, par la combinaison des idées nécessaires. Nous devons donc trouver, dans la science du devoir, une démonstration de ce genre; un principe fondamental chargé de diriger la liberté en l'éclairant, comme la loi de gravitation fait mouvoir la matière en l'attirant? Comment vivre sans ce principe? Sans lui, comment faire, suivant l'expression de Pascal, «< une « démarche avec sens et jugement?? »

Ce principe premier du devoir, que les plus criminels violent partiellement, que les plus vertueux réalisent imparfaitement, ce principe identique sous sa forme déterminatrice et sous sa forme sanction

Bénard, Précis de philosophie (Morale, chap. II).

2 Le plus ingénieux des sceptiques, Montaigne lui-même en convient dans un jour de foi : « Il est impossible de ranger les pièces, à qui n'a pas « la forme du total en sa tête. A quoi faire la provision de couleurs, à << qui ne sait ce qu'il a à peindre? Aucun ne fait certain dessein de sa vie, << et n'en délibérons qu'à parcelles. L'archer doit premièrement savoir où il vise, puis y accommoder sa main, l'arc, la corde, la flèche, et les mou«vements. Nos conseils fourvoient, parce qu'ils n'ont pas d'adresse et de <but. Nul vent ne fait pour celui qui n'a pas de port destiné. »

(Essais, liv. II, chap. II.)

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